Le Minotaure.

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« Un bateau sur la mer, le souffle du vent chaud et le soleil si haut brillant de mille feux, un oiseau qui vole ; dans ma main, une fleur...un rire, un ami allant vers l'inconnu et dans ma bouche ce doux parfum salé de la liberté... »

Avant, j'y pensais tout le temps, j'y songeais sans arrêt : à moi, à ma vie, aux autres, au-delà de ces murs. Mais je n'y avais jamais songé ainsi.

Et si j'étais né « normal », et si je n'étais pas si « différent », et si, et si...à longueur de journée ces phrases hantaient ma tête.

Oh! Dieux si puissants, pourquoi? Pourquoi m'avez-vous créé pour souffrir et faire souffrir? 

Les fautes de cette famille étaient grandes mais pourquoi m'avoir utilisé, moi, pour les punir?

Penser, penser, penser pour s'échapper, pour ne plus étouffer, pour ne plus être enfermé. La pensée est ma seule amie, ma seule compagne, la seule liberté qu'ils n'ont pas pu m'enlever.

Mes parents, je ne les ai pas choisis, ma vie non plus d'ailleurs.

J'ai vu le regard des autres, j'ai vu se peindre sur leur visage l'horreur, la peur et le dégoût.

Est-ce donc tout ce que je leur inspire? Qu'ai-je donc fait pour mériter cette haine ? Je suis né, voilà tout, ma seule et unique faute. Pour eux, je ne suis qu'un monstre, que malheur, que désarroi, je suis un fardeau, une honte qu'il faut cacher.

Ma mère me méprise, moi, chair de sa chair. Elle m'haït dès qu'elle sût quel être monstrueux habitait son ventre. Ma seule image d'elle est celle d'une femme faisant un rictus d'horreur et de dégoût en priant ses gens de m'éloigner d'elle. Et puis je ne l'ai plus vue, plus jamais.

Depuis que je suis nourrisson, j'ai dû me forger seul et apprendre à vivre reclus, ne sachant différencier le bien du mal, la vie de la mort.

Mon esprit est un grand enchevêtrement de couloirs où se glissent mes pensées ; certaines restent immobiles et d'autres continuent leur trajectoire à n'en plus finir.

A la vue d'un être humain, c'est de la colère que je ressens, car c'est à cause de lui que je suis enfermé ici, affamé et assoiffé. L'être cruel et mécréant c'est lui, l'être vil est mesquin c'est lui. Quelle espèce vivante pourrait enfermer un de ses frères dont la seule faute est d'être né ? 

C'est un honneur de ne pas appartenir à leur race et c'est avec honneur que je gis là.

Je ne ressens plus la douleur que m'inflige cette blessure. Mes pensées s'envolent, toutes mes années de solitude défilent devant mes yeux. Un poids trop lourd, trop pesant, me libèrent enfin de ces entraves. Est ce la liberté? Vais-je enfin connaître ce qu'est l'amour, la passion, l'amitié? 

Ne plus rien ressentir, ne plus penser, ne plus étouffer. Mon souffle ralentit, mon corps se détend. Je bénis mon bourreau et c'est la joie au coeur que je quitte ces lieux. Mon souffle s'arrête mes yeux se ferment. Une dernière pensée, juste une dernière :  « un bateau sur la mer, le souffle du vent chaud et le soleil si haut brillant de milles feux, un oiseau qui vole, dans ma main une fleur... »

 

Thésée s'approcha de la bête et s'assura qu'elle était morte. Une fois le doute écarté, il s'empara de sa dague et comme trophée lui vola une corne. Après cette tâche compliquée, il nettoya sa dague dans son fourreau. Il s'empara du fil rouge et rebroussa chemin. Enfin ce monstre sanguinaire avait été supprimé et reposera dans les profondeurs du Tartare pour ses crimes odieux. 

Thésée avait tué le Minotaure.

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