le miroir d'une autre dimension 1 suite et 2

Violette Ruer

1 suite

Il décida d’aller chez Grégoire, coiffeur et ami de la famille, chez qui son père se rendait, comme à son habitude, pour une coupe à la brosse,  action obligatoire avec son poste de Colonel de l’Armée de terre, du moins l’avait-il décidé ainsi, tout comme le régime de la maison. Tout devait être droit, carré, comme à la caserne, avec ordre et principes quelque peu arriérés. La coupe d’Olympe l’exaspérait et il insistait pour que son fils changeât de  coiffure pour éviter cette face efféminée. Elodie, la mère, tentait de persuader son mari d’être plus cool mais les yeux en flèches acérées du militaire la clouaient sur place ! Elle n’avait jamais droit à la parole ! Même la plus simple des remarques était le détonateur d’une avalanche de reproches ! Franc-maçon de surcroit, le colonel se détachait de tout ce qui avait trait aux tâches diverses du ménage. Il allouait à son épouse une certaine somme d’argent pour qu’elle s’occupât du gite, du couvert et de l’entretien, pour le reste, elle ignorait tout. Une femme de ménage passait trois fois par semaine si bien qu’Elodie avait du temps libre à condition… qu’elle soit à la maison quand son époux rentrait de la base, donc liberté tout à fait relative.

 

          Ce soir là, Olympe, trouvait sur son bureau un mémento avec une foule de symboles. Il regarda sa mère : Que veut-il que je fasse de cela ? Elle haussa les épaules : certainement que tu étudies leur signification comme il l’a fait à ton âge… Olympe avait même droit à un dessin, une échelle de treize marches représentant les degrés et rites… Pas question d’entrer dans ce schéma de vie. Olympe ne serait ni militaire ni franc-maçon !  Il voulait se fondre dans la population, non pas être invisible, simplement vivre selon ses propres aspirations.

          Olympe sursauta et se retourna au son de la voix sévère de son père : Arrêtes-donc de parler pour ne rien dire ! Dis-moi plutôt dans quelle université tu vas te rendre à la prochaine rentrée?

 

          Bon sang, qu’il le lâche un peu ! Même pas un  compliment pour son bac scientifique réussi avec la mention très bien ! L’austère individu qui lui servait de père avait un bloc de marbre à la place du cœur, incapable d’aimer, juste hurler et donner déjà ses ordres : Choisis l’université de droit, avocat, procureur, serait une bonne issue…Nous avons un rang à tenir dans la société… Je n’aimerais pas te voir faire n’importe quoi….

 

          Olympe sentait la moutarde lui monter au nez ! Pourquoi pas président de la République ! Avec le prénom dont tu m’as affublé, comment l’idée peut-elle seulement t’effleurer ! Tu imagines Olympe d’Arcourt-Duquesnois président !

 

          Sur ces derniers mots, Olympe quitta la maison en claquant la porte. Il se rendit chez Marie-Christine,  la seule amie qui le comprenait. Il l’avait rencontrée lors d’une déposition au poste de police… Une soirée anniversaire trop arrosée pour lui, une fugue pour elle. Tous deux vivaient avec un père trop autoritaire alors leurs confidences se rejoignaient sans que jamais leur relation n’ait dépassé l’amitié. De deux ans son ainée, elle avait quitté le cocon familial et habitait un studio dans un immeuble de la rue de Tivoli à Metz.

 

Les gestes nerveux, le visage rouge de colère, l’œil brillant, indiquaient qu’une nouvelle dispute s’était déroulée chez lui. A propos de quoi s’était-il fait allumer cette fois ? Avait-il annoncé à son père sa décision de faire l’école des Beaux Arts ? Il n’avait pas eu le temps ! Et quand il lui dirait le reste… Olympe s’attendait à une véritable explosion !


2

Soirée houleuse

 

          Après une enfance totale sous la domination d’un père intransigeant, où les mensonges étaient à l’honneur pour avoir un peu de liberté, l’angélique Olympe, au fil du temps, devenait un diablotin espiègle et par voie de conséquence, un jeune homme rebelle depuis sa majorité.

 

          Un samedi soir ses parents convièrent des amis pour un repas « fastueux » qui le rasait profondément car il fallait supporter un discours sur un thème d’obédience et de responsabilités réciproques entre « les membres » et en même temps sourire à Charlotte, la fille de l’un d’eux, qui lui faisait les yeux doux…

 

          Maître Provost, juge et père de Charlotte regardait complaisamment les deux jeunes gens, dans sa tête germait certainement un projet d’union mais… pour plus tard… Le Colonel d’Arcourt-Duquesnois semblait moins enthousiaste. Si son fils avait belle allure et prestance avec une élégance innée ce n’était pas le cas de Charlotte plutôt brouillon, cheveux crépus châtains, un regard noir, le sourire rare et l’allure vestimentaire désuète. Olympe ne voulut pas lui faire de la peine alors quand elle lui annonça qu’il était son seul ami, il accepta de l’écouter.

 

          Marie-Christine, son amie de toujours, le mit en garde car elle sentait que la vie de son ami risquait de prendre un tournant dangereux mais il affirma n’avoir rien à craindre. Charlotte avait juste besoin d’un confident. Marie-Christine respecta le choix d’Olympe, aucune jalousie ne l’habitait, elle espérait simplement que la petite flaque de confidences ne se transformât point un jour en océan houleux où il pourrait périr noyé.

 

          Sortie en Boite, Maître Provost n’aimait guère, mais comme Charlotte serait accompagnée d’Olympe il se laissa fléchir. Marie-Christine les accompagnait avec son cousin Amaury. Charlotte, en fausse naïveté, tenta d’accaparer toute l’attention de son nouvel ami car la complicité entre Olympe et Marie-Christine la gênait. Il avait promit de s’occuper d’elle et cette grande brune, trop belle à son goût, lui faisait de l’ombre. Olympe, lui…… avait la tête ailleurs.  

 

           Deux heures plus tard, Charlotte, n’arrivant pas à ses fins, voulut rentrer. Personne n’avait envie d’écourter la soirée et Amaury lui dit sèchement : Ne gâche pas la soirée avec tes caprices d’enfant gâtée, nous allons tous rentrer ensemble plus tard, pas question qu’Olympe cesse de s’amuser sur ton ordre… Charlotte accusa le coup puis se révolta : Mon père m’a confiée à lui et il ne s’occupe pas de moi, il parle tout le temps avec toi et ta sœur ! Aucun doute, la minette prenait ses désirs pour des réalités !

          Amaury fit un signe à Olympe revenant du bar avec les boissons : ta protégée veut partir parce que tu ne t’intéresse pas à elle… Partir ! Maintenant ! Pas question. Qu’elle aille danser et se trouve un compagnon sur la piste. Elle ne l’entendait pas de cette oreille. Elle ne voulait pas danser avec un autre mais avec lui…La pousserait-il à la débauche ? Avant que quiconque réagisse, elle prit le verre de whisky d’Olympe et le vida d’un trait… Inutile maintenant de faire attention à elle, elle se débrouillerait sans lui… Elle tourna les talons et se rendit sur la piste tandis que le DJ fredonnait un air à la mode.

          La blancheur soudaine du visage d’Olympe n’indiquait rien de bon…Marie-Christine lui prit le bras : Calme-toi, nous allons la ramener chez elle puis nous continuerons tranquillement la soirée à trois… Non et non, Olympe n’échangeait pas un cheval borgne pour un aveugle, avec son père c’était suffisant… Il fallait revenir sur terre ; la pureté du ciel étoilée allait bientôt sérieusement s’obscurcir quand Charlotte connaîtrait la vérité… Il n’avait pas le choix sinon elle deviendrait ingérable. Il fallait cependant un peu de diplomatie afin qu’elle n’éventât  pas aussitôt le secret si longtemps gardé….

 

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