Le miroir d'une autre dimension 3 et 4
Violette Ruer
3
Le « Rio »
Trois heures du matin, la sonnerie du téléphone réveilla en sursaut le commissaire Perlicchi. Un meurtre dans une boite de nuit… Tonio fixa sa femme, dérangée comme lui dans son sommeil : Je dois sortir, Un meurtre dans un cabaret. Je t’appelle dès que possible. Mais il n’avait dormi que deux heures ! C’était le métier….
Il arriva devant le « Rio », les vêtements fripés mais l’esprit clair. Le gamin, à peine vingt ans, gisait au centre de l’espace des toilettes, un pic à glace planté dans le dos. Quelqu’un avait-il touché au corps ? Non personne… Le commissaire sortit de la poche du malheureux un portefeuille et la carte d’identité : Amaury Belmonte… Etait-il seul ici ce soir ou accompagné ? Seul, arrivé tard d’ailleurs, vers deux heures du matin répondit le barman. D’où vient ce pic à glace ?, Est-il d’ici ? Oui c’est celui du bar…. Et personne n’a rien vu évidemment…. Bien mince pour un départ d’enquête !
Certains clients n’avaient pas envie que leur escapade nocturne soit rapportée à leur épouse et déambulaient avec impatience dans la grande salle. Pouvaient-ils rentrer chez eux ? Un agent prit leurs coordonnées puis les libéra. Les stripteaseuses connaissaient Amaury, il fréquentait régulièrement l’établissement accompagné d’un jeune homme du même âge environ et aux cheveux mi-longs frisés. Bon un début de piste… Il téléphona au centre médico-légal puis sortit du cabaret pour se rendre à son bureau. Inutile de rentrer à la maison, maintenant qu’il était sur la brèche, il pouvait continuer.
A huit heures, accompagné d’un inspecteur, il sonna à la porte de la famille Belmonte. Les premières minutes de l’annonce de la mort d’un enfant étaient très difficiles pour Tonio Perlicchi. Malgré son expérience, il ne s’y ferait jamais. C’était atroce surtout en cas d’assassinat. Stupeur ! Il se trouvait devant une fillette dont le sourire s’éteignit dès qu’elle vit le policier. Mon Dieu dans quel pandémonium allait-il plonger cette famille avec la terrible nouvelle ! Il ne pouvait que leur donner l’espoir de trouver l’assassin….Le contraire serait une frustration qu’il ne voulait plus connaître. Des nuits d’angoisse se profilaient à l’horizon.
Bon inutile de laisser ses pensées démarrer au galop, il fallait poser les bonnes questions et recueillir le maximum de renseignements. Il ne fut pas déçu. Il apprit qu’Amaury avait passé la soirée avec sa cousine germaine Marie-Christine Belmonte, un ami, Olympe d’Arcourt-Duquesnois et de Charlotte Provost, la fille d’un juge. Etait-il avec eux ? Vont-ils bien ? Tonio ne put répondre au père, son fils était seul…. Etrange… Pouvait-il avoir la liste de tous ses amis ?
Quelques minutes plus tard, Tonio Perlicchi sonnait à la porte de Marie-Christine. Elle s’écroula à la nouvelle de la mort de son cousin. Ce n’était pas possible ! Ils l’avaient quitté devant chez lui et il allait bien ! S’était-il passé quelque chose de bizarre lors de la soirée ? Non… enfin… Elle parla de la dispute entre Charlotte et Olympe. La raison ? Elle n’avait pas les détails mais Charlotte avait assené une gigantesque gifle à Olympe après une révélation qu’il lui aurait faite… Et c’était quoi cette révélation ? Il valait mieux le demander à Olympe…
4
Etrange atmosphère
L’appartement de la famille d’Arcourt-Duquesnois se trouvait au dernier étage d’un immeuble de luxe où il fallait d’abord montrer patte-blanche au portail d’entrée du parc, puis à la porte donnant sur un couloir en marbre rose, et pour finir un homme déguisé, en frac, priait le commissaire de bien vouloir attendre monsieur dans la bibliothèque. Tonio Perlicchi se faisait déjà une idée de l’ambiance de la maison.
Le portrait, du Colonel sans doute, trônait au milieu du mur au dessus d’un bureau antique recouvert d’une marqueterie d’écaille et de cuivre, un mazarin semble-t-il. Tonio le remarqua tout de suite car féru de meubles anciens. Si ce meuble était magnifique et de grande valeur, il devait être malcommode car peu de place pour s’y installer en raison de ses huit pieds. Un flambeau en bronze remis au goût du jour car électrifié, autre élément de décoration, faisait face à une torchère ornée d’un feuillage d’acanthe, vintage évidemment puisque comportait plusieurs branches électriques.
Que puis-je pour vous commissaire ? La phrase surprit Tonio en pleine contemplation. Olympe et son père se dressaient devant lui. Le commissaire ne se démonta point et fixant le jeune-homme lui posa des questions sur sa dispute avec Charlotte Provost et son amitié avec Amaury. Quand Olympe apprit le décès de son ami, les larmes lui montèrent aux yeux agrandis par la surprise et visiblement tétanisé par la nouvelle Il tituba un instant puis s’écroula au sol. Le colonel jusque là, muet, se mit à vociférer : Qui m’a fichu un fils pareil ! Quelle mauviette ! Même pas capable de se conduire en homme ! Tonio comprit aussitôt que le colonel écrasait son fils de sa suffisance et de son arrogance et que le conflit ne datait pas du jour. Il sut qu’il ne tirerait rien d’Olympe tant qu’il serait en présence du militaire. Il décida donc de le convoquer le lendemain afin qu’il se rende à l’hôtel de police pour un interrogatoire officiel, seul.
Le colonel parla immédiatement d’avocat mais son fils se rebella à la grande surprise du commissaire : Papa arrêtes ! J’en ai marre de tes airs grandiloquents ! Je n’ai pas besoin d’avocat ! Le commissaire veut juste savoir ce qui s’est passé hier soir…Je n’ai rien fait mais il est vrai qu’avec toi je suis toujours coupable de tout… Je suis majeur alors j’irai seul.
Le lendemain, la déposition d’Olympe signée, Tonio Perlicchi comprenait le pourquoi du comment de l’attitude du jeune-homme et son bouleversement. Amaury et lui étaient très proches, voire très proches d’où la réaction excessive de Charlotte en apprenant la nouvelle. Mais ensuite elle lui avait demandé pardon et de rester simplement amis. Après leur sortie en Boite, Olympe devait retrouver Amaury au « Rio » car le jeune homme aux cheveux frisés c’était lui avant son passage chez Grégoire. Comme Amaury n’était pas là, il attendit un moment puis repartit en pensant que son ami avait pris ombrage de l’attitude de Charlotte quand elle les avait traités d’ignobles repoussants personnages ! Il l’appela plusieurs fois sur son portable mais n’eut aucune réponse. Il aurait dû attendre, il s’en voulait tellement ! Tonio pensa : je crois que ce môme est sincère. Bon sang ! Il faut tout reprendre à zéro ! Il aligna les noms à la craie sur le tableau noir, une bonne vieille méthode qui lui seyait mieux que les techniques du numérique qu’il laissait à ses inspecteurs. De plus, il était en retard. Juste le temps de jeter dans le coffre de sa voiture le dossier qu’il examinerait à tête reposée plus tard, il démarra en regardant l’heure. Victoria allait encore faire une crise… Les beaux-parents, invités pour le dîner, devaient être arrivés depuis plus d’une heure !
A suivre...