Le miroir d'une autre dimension 8-9-10
Violette Ruer
8
Orage
Charlotte avait semé la tempête donc normal qu’elle récolte une tornade ! Pourtant malgré un talent exceptionnel de « chieuse », elle réussit à convaincre Olympe que c’était son attitude qui avait provoqué la scène chez ses parents et que tous les reproches en avalanche qu’il lui faisait n’étaient pas justifiés ! Vraiment surprenante cette nana ! Olympe n’en revenait pas du phénomène ! Elle osait même affirmer que la situation au moins était claire maintenant…
Le colonel d’Arcourt-Duquesnois dans une rage folle en apprenant la nouvelle et la confirmation par son fils, le mit à la porte malgré les protestations de sa femme. Il ne devait plus jamais mettre les pieds dans la maison familiale, il était une honte pour toute la famille !
Du coup il se réfugia chez son nouvel ami, Pierre-Yves pour la nuit. Sa mère, qui savait depuis longtemps que son fils était gay, l’appela sur son portable et lui promit de ne pas le laisser tomber et de lui trouver un appartement. Elle saurait convaincre son père cette fois. C’était un personnage blessé mais pour sauver son honneur ne laisserait pas Olympe dans la rue. Par contre elle tiendrait rancune éternellement à Charlotte et demanda à son fils de se méfier d’elle.
Le lendemain au réveil, Olympe cherchait Pierre-Yves. Il fit le tour de l’appartement : personne. Il passa devant la psyché du salon, se regarda et eut une nausée. Il ne se reconnaissait pas ! Etait-celui ce mec aux yeux brillants, aux cernes accentués, à l’allure toute débraillée ? Il sortait du lit mais quand même ! Même le décor de l’appartement lui déplaisait…Il fallait qu’il quitte ce logis au plus vite, il étouffait…Il se passa un coup d’eau sur le visage et se rendit chez Marie-Christine qui avec une douceur infinie le fit asseoir dans un fauteuil et lui prépara un café. Ensuite ils parleraient….
Olympe n’était pas bon conteur, il lança les informations comme une pluie de grêlons ! Il finit par une phrase qui alerta Marie-Christine… Je crois que ma place est au cimetière… Je ne mérite pas de vivre…
9
L’affreuse nouvelle… Coïncidence ?
Tonio Perlicchi était perplexe, rien, absolument rien de concret dans l’affaire Amaury Belmonte un crime sans mobile apparent. Une soirée qui s’annonçait mal, le crépuscule d’une nuit agitée ! Son intuition était en plein déclin ! Quelque chose devait forcément lui échapper ! Il relisait pour la énième fois les feuillets posés sur son bureau quand un inspecteur lui apporta la nouvelle d’un nouveau crime, rien d’étrange dans un commissariat si ce n’est que la victime était gay. Encore ! Etait-ce la conséquence de la nouvelle loi sur l’acceptation des mariages gay ? Cette histoire faisait couler beaucoup d’encre, de paroles et peut-être de sang….Quelle barbe ! Avec les délinquants, les vols, les drogués dont le nombre s’accentuait, une série de crimes homophobes n’était vraiment pas l’idéal ! Mais s’agissait-il bien de cela ?
Le commissaire se dit : Si ce n’est pas un cas d’homophobie, c’est bien imité ! La victime, un homme d’une trentaine d’années, gisait sur les bords de la Moselle dans le quartier des Roches. Si la nature était belle, la vue superbe sur le temple protestant, la préfecture et le théâtre-opéra, « L’Estanquet » gâchait le paysage. Ce bar autrefois réputé, était un peu délabré et se détériorait au fil du temps. Un couple sortant de cet endroit avait trouvé le cadavre à demi dénudé et… Castré !
Qui était-il ? Un professeur de français… Son nom ? Pierre-Yves Marchand… Il habitait un appartement de deux pièces dans le quartier Sainte-Croix. Donc en route pour la rue des Récollets….
Un seul voisin, plutôt une voisine, une bigoudène exilée en Lorraine très, voire trop bavarde. Que savait-elle de monsieur Marchand ? Un homme tranquille, sans histoire qui ne recevait que de rares visites et seulement des hommes… il était gay… Comment le savait-elle ? Il ne s’en cachait pas… Elle faillit commencer une longue tirade sur la loi en vigueur depuis peu mais le commissaire l’interrompit et mit fin aux multiples facettes de ses idées sur le sujet qui ne l’intéressaient pas. Il fallait inspecter l’appartement, y avait-il une gardienne d’immeuble ? Non mais la voisine et propriétaire avait un double des clés ! Tonio Perlicchi lui demanda de les laisser travailler et il la remercia des renseignements avant qu’elle ne lui monte un bateau plus gros que l’affaire ! Elle ferma la porte de chez elle en marmonnant, Mon Dieu quelle histoire !
L’appartement, à part le lit défait, était parfaitement rangé. Des miniatures en cristal décoraient un argentier design et brillaient comme des prismes traversés par un rayon de soleil.
Un portefeuille sous la table du salon attira l’attention des policiers. L’objet appartenait à Olympe d’Arcourt-Duquesnois ! Quelle surprise ! Un lien avec l’affaire Amaury Belmonte ? Et une carte de « L’Estanquet » ! Retour à la case départ car le vigile du bar avait certainement menti en disant ne pas connaître Pierre-Yves Marchand.
Ensuite il convoqua Olympe qui arriva accompagné de Marie-Christine. Celle-ci déclara avoir passé une partie de la la nuit avec son ami. Et avant, où était-il ? Chez son ami Pierre-Yves… Il suffit de le lui demander…. Difficile… il a été assassiné…. Olympe poussa un cri horrible de bête blessée ! Non ! Pas lui…. Marie-Christine tenta de le retenir. Par son geste brusque, son collier se brisa et les perles s’éparpillèrent sur le sol. Olympe pleurait comme un enfant, aplati comme une crêpe au sol. Ce nouveau drame l’anéantissait.
Quelques heures plus tard, madame d’Arcourt-Duquesnois, dans un ensemble Chanel, le chignon toujours impeccable, se présentait au commissariat. Elle venait du Polygone Recrutement où elle avait accompagné la fille d’une amie qui cherchait un emploi. Elle harangua Tonio Perlicchi en l’accusant de maltraiter son fils qui depuis le décès d’Amaury déprimait.
Tel un pirate sans butin, le commissaire dut laisser repartir Olympe car, mis à part le portefeuille que ce dernier disait avoir oublié chez Pierre-Yves, il n’avait rien pour le retenir…
C’est à ce moment qu’arriva Charlotte…. En la voyant Olympe eut un sursaut étrange. Depuis sa relation « amicale » avec cette fille, il ne lui arrivait que des malheurs…
10
L’étrange confidence….
Marie-Christine prit le bras d’Olympe d’un air protecteur. La vision de Charlotte l’exaspérait. Elle se demandait quel degré de destructivité perverse pouvait animer cette fille. Cela ne semblait pas la gêner car elle ne fit pas cas de l’humeur d’Olympe, ni de la présence de Marie-Christine. Elle évita le regard du commissaire, embrassa le jeune homme sur la joue malgré son recul et lui murmura à l’oreille : Je dois te parler, c’est très urgent….L’espace d’une seconde tout le monde resta abasourdi devant cette nana qui tenait la dragée haute à l’assemblée, puis le commissaire, exaspéré, lui fit remarquer que les messes basses en ce moment n’étaient pas bien perçues. C’est personnel, dit-elle avec un incroyable aplomb ! Marie Christine la prit à partie : Il faut toujours que tu te mêles de tout, et surtout de ce qui ne te concerne pas ! Charlotte la défia : Que veux-tu, c’est mon péché mignon ! La bêtise et le sans-gêne n’avaient vraiment aucune limite !
Tonio Perlicchi sentait cette excessive tension entre les jeunes gens et, pris d’une intuition soudaine, leur demanda de le suivre à « l’Estanquet. ». Tous dirent qu’ils ne fréquentaient pas ce bar, ni le restaurant où la gourmandise n’était pas de rigueur car les repas n’avaient plus rien de succulents ! Le barman confirma, puis… cependant…. Quoi ? dit aussitôt le commissaire… Non rien, je dois faire erreur…. Et il ne dit plus un mot sous le regard courroucé de Charlotte. Heureusement pour elle, le commissaire n’avait rien vu à l’inverse d’Olympe. Selon toute vraisemblance, Charlotte détenait un renseignement important…. Olympe passa du blanc-gris au rouge cramoisi….Qu’avait encore inventé cette fille à l’apparence clocharde ! Fringuée, ou plutôt nippée par la brocante…. Jamais elle n’avait su accorder les couleurs… Quelle dégaine ! La temporalité de cette nana ne pouvait changer son irréversible mauvais goût vers quelque chose de potable ! Et elle se permettait de faire des manières et de critiquer Marie-Christine ! Qu’avait-elle de si important à dévoiler ?
Madame d’Arcourt-Duquesrnois, qui avait suivi le groupe à « l’Estanquet », insista pour ramener son fils. Ah oui ! Et où ? Elle resta un moment sans voix. Elle s’arrangerait avec son mari. Olympe refusa, Marie-Christine lui ayant proposé de l’héberger jusqu’à ce qu’il trouve un studio à louer… La moue de Charlotte indiquait bien son mécontentement mais elle ne pouvait rien proposer depuis qu’elle avait révélé le secret d’Olympe à ses parents.
Le commissaire déclara : Bon stop !... Tout le monde à l’Hôtel de Police pour signer votre déposition ! Ensuite vous irez où bon vous semble à condition de rester à la disposition de la police ! Puis s’adressant à la mère d’Olympe : vous pouvez partir madame, votre fils est majeur et n’a visiblement pas envie de vous suivre….
Onze heures à l’horloge de la salle d’interrogatoire, Olympe et Charlotte avait déjà signé si bien que cette dernière voulut lui parler en aparté. Allez accouches ! lui dit brutalement Olympe… Elle prit une mine de conspiratrice et : Je t’ai vu devant « l’Estanquet » la nuit dernière… Et Pierre Yves aussi…. Je te suivais….
Olympe explosa : Impossible ! Tu ne connais pas l’adresse de Pierre-Yves, de plus, je n’ai pas quitté l’appartement… arrêtes de raconter des salades !
Elle ricana avec l’air de toujours tout savoir : J’ai mes sources… Alors qu’elle raconte sa version au commissaire ! Olympe en avait marre !
Elle lui fit : Chut, n’attire pas l’attention, tu sais bien que je suis ton amie et que je ne dirai jamais rien… Ce sera notre secret… Cela devenait insoutenable… Il ne savait même pas de quoi elle parlait ! Elle lui inoculait la toxine du doute, ce qui le mettait vraiment mal à l’aise. Elle le déstabilisait de manière progressive. Son travail de sape, sous un simulacre d’amitié, ressemblait fort à une radioactivité perverse, comme si elle s’introduisait dans son esprit et mettait sa vie entre parenthèse, uniquement centrée sur elle.
L’arrivée de Marie-Christine fit digression dans le moment stressant entre les deux « amis ». Olympe poussa un soupir de soulagement. Mais Charlotte non désarmée lui dit en guise d’au revoir : N’oublie pas ce que je t’ai dit… Nous en reparlerons demain…, je t’attends au bar du Bon secours vers 11 heures…