Le monde iréel
Petite Plume Volcanique
Mes mains glissèrent le long de mon écharpe, dérapèrent sur les légers accrocs de la laine abîmée et finirent par attraper le bout de ma capuche. Le froid me brisait les oreilles et la vapeur chaude s'échappait de ma bouche, s'envolant au loin sans même dire au revoir. Tout autour de moi était une agression ; les bruits de voiture, les pensés des autres, leur présence, le bruit de pas, la respiration, la moto de l'angle qui démarre trop vite, les immeubles qui semblaient essayer de s'approcher le plus possible de moi. Tout défilait, envoyant cent fois trop d'informations à mon cerveau totalement saturé. Mes yeux divaguaient, entendant ce que mes oreilles voient. Tout arrivait, comme un flot d'images, de sons, d'odeurs. Les sensations sont analysées en permanence et il n'y a plus aucune place pour la pensée superficielle. Je n'étais plus qu'un simple ordinateur, traitant les informations beaucoup trop nombreuses, et les relayant de service en service. Une simple fenêtre que la vie traverse avec une immense facilité. Comme si mes yeux étaient de glace. Ils ne me voient plus, se transformant en miroir, reflétant en moi ce que les autres veulent voir, et cachant ce qu'ils ne veulent surtout pas savoir. Je glissai le long des murs, comme une âme disparue, cherchant à m'enfouir dans un vide le plus profond possible.
Je finis d'ailleurs par rabattre ma capuche sur mon esprit congelé. La fourrure passait devant mes yeux, cachant un peu ce monde bien irréel. Je vivais à l'intérieur de moi-même, sans avoir la capacité de croire en ce qui était devant moi. Au plus profond de moi-même, au cœur de mon subconscient, j'étais persuadée que tout n'était plus qu'un rêve. Le monde était devenu totalement coton, comme transparent, me transperçant de part en part, détruisant tout sur son passage. Repliée sur moi-même, j'avançais, canalisant mes pensées, incapable de parler ou de renvoyer une idée. J'avais disparue. Je n'étais plus, complètement métamorphosée en récepteur de tout ce que l'on pouvait me transmettre. Mes yeux ne voyaient en réalité plus que du noir, persuadé que cette vie n'était plus qu'une immense nuit sans fin. Tout fonctionnait de manière absolument automatique, sans réflexion sur moi mais uniquement sur ce monde immense qui m'entourait. Mon âme envolée, planant au-dessus de ma tête, observant chaque détail oublié.
Les pieds qui claquaient sur le sol. Seule, totalement seule. Ma respiration incessante, régulière mais violente.