Le monstre

sarasvatii

         Je détaille l'être face à moi. Au premier abord, le visage semble humain, un nez et une bouche bien propotionnés, les traits fins d'une jeune femme. Seule la couleur de la peau, grise presque métallique, rend ce doux visage méphistophélique. C'est alors que les lèvres se retroussent dévoilant des dents beaucoup trop imposantes et acérées pour avoir leur place sur un tel minois. Mon regard remonte légerement et est attiré par les yeux, bleus. Généralement, on loue le charme et la délicatesse des yeux céruléens. Pourtant ceux-ci, avec leurs pupilles verticales et leur yeux froids évoquant presque le métal, me transpersent impitoyablement de part en part. Les cheveux, aussi obscurs que l'ébène, ondulent jusqu'à des épaules qui comme le reste du corps sont musclées. Ce corps semble trop musclé pour être celui d'une femme. Cependant, la svelte silhouette et les formes ne laissent aucun doute quand au sexe de cette créature : c'est une femme.

          Je tends la main, effleure le miroir et écoute le crissement des griffes qui terminent mes doigts. Je ne fais qu'un avec la bête que j'ai décrite. Je SUIS cette créature. J'abomine cette partie de moi. Elle me rend à jamais dissemblable des autres. Quand j'examine la démarche des gens dans la rue, je leur envie leur aisance à se déplacer avec la foule tandis que moi, perdue dans la douleur que je ressens sous ma forme humaine j'avance seule spirituellement loin des autres. Cette douleur ne disparait que lorsque je me métamorphose. Elle est là pour me rappeler combien ma différence est grande, combien le monstre est encré à jamais en moi.

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