Le monstre de la vallée – Deuxième partie

exanimo

J'atteignis enfin l'auberge. Une vieille bâtisse aux poutres grinçantes faisant office de bistrot, de restaurant et d'endroit pour louer une chambre, bien qu'il ne devait en comporter que deux ou trois. Le patron, M. Appert, m'accueillit avec un large sourire, comme un client attendu depuis longtemps. C'était un homme plutôt rond, jovial et portant une large barbe noire.

Une fois installé, je lui expliquai les raisons de ma venue.

- Ah c'est une chance que vous soyez là ! répondit-il. Il était temps que les autorités fassent quelque chose pour arrêter ce massacre !

En poussant la discussion, je pus obtenir les renseignements qui me manquaient concernant les faits. En un peu plus de trois ans il y avait eu treize morts, dont un homme qui avait disparu sans que l'on puisse en savoir les causes, deux autres hommes, sept femmes et trois enfants. Les dernières attaques étaient plus rapprochées entre elles. La plupart des corps étaient mutilés, certains déchiquetés, éviscérés et les deux derniers décapités.

- Si vous voulez mon avis, dit le patron, il n'y a qu'une bête pour pouvoir faire ça. Qui pourrait tuer autant de gens qui n'ont rien fait ? En plus des enfants !

- Il y a des fous très dangereux.

- S'il y avait un fou dans le coin on l'aurait repéré il y a longtemps ! Et puis vous avez vu ce que peut faire un loup affamé ? En plus, on a des lynx dans la région.

Il était vrai que je ne croyais pas beaucoup à la probabilité qu'un homme ait pu faire autant de morts et massacrer ainsi les corps. Le fait que la plupart des victimes soient des enfants ou des jeunes femmes, et donc des proies plus faciles, correspondait aussi au comportement d'un animal. Mais de quel genre de bête pouvait-il s'agir ? Je n'avais jamais entendu parler de cas similaires concernant des loups, ou même des lynx.

Avant d'aller me coucher, je décidai de profiter de la facilité de parole de mon hôte pour savoir à qui j'avais eu affaire :

- J'ai croisé un homme sur le chemin, un certain Raiss, vous le connaissez ?

- Oh Raiss, bien sûr que je le connais ! Tout le monde le connaît ici. C'est un ancien chasseur. Il vit en dehors du village, au milieu de la forêt. Il vient de temps en temps. La plupart des gens ne l'aime pas. C'est vrai qu'il n'est pas très sympathique. Je crois qu'il n'aime pas trop la compagnie. Mais il ne m'a jamais posé de problèmes.

Je le remerciai pour ses précieuses informations et partis me coucher.


Durant la semaine qui suivit, je visitai le village et rendis visite aux familles des victimes. J'inspectai aussi les lieux où l'on avait découvert les corps, sans trouver le moindre indice. Il régnait dans le village une haine contre cette bête qui terrorisait la vallée depuis trop longtemps. Cependant, une certaine forme de fatalisme semblait avoir gagné une partie des habitants.


En rentrant au village lors de mon septième jour de présence, une vieille femme – que j'appris plus tard, de M. Appert, être considérée soit comme une gentille folle, soit comme la sorcière du village – m'interpella depuis le rocher sur lequel elle était assise :

- Il paraît que vous cherchez la bête. Je ne pense pas que vous soyez prêt.

Je m'approchai d'elle et lui demandai de développer sa pensée. Elle m'expliqua, sans me regarder, que de nombreux monstres rôdaient dans les forêts de nos montagnes, des créatures que les gens ne prenaient plus au sérieux. Mais que maintenant ils devraient bien accepter l'existence de ces choses. Les ombres vivaient plus proches de nous que beaucoup le pensaient.

Lassé de l'entendre se perdre dans des histoires obscures, je fis mine de vouloir partir. Elle m'agrippa le bras et, en me fixant du regard, me dit :

- Tenez, c'est de l'aconit, en me tendant quelques fleurs séchées. Cela pourrait vous servir.

- Écoutez, au moment où je trouverai cette bête, ce ne sont pas vos fleurs qui me protégeront.

- Vouloir se défendre est déjà important. Les gens croient que les ombres vivent à l'extérieur, ils s'imaginent des bêtes rôdant dans la forêt, vivant au fond des grottes. La vérité, c'est que les ombres vivent déjà en nous.

Et elle se remit à fixer le lointain d'un air vague.

Voyant que je ne tirerais rien de plus de sa part, je la saluai et rentrai à l'auberge.

  • En recevant la première partie et en voyant sa taille, j’ai décidé d’attendre la seconde pour lire tout d’un coup.
    Or je m’aperçois qu’il n’y a pas de seconde, mais une deuxième.
    J’en trépigne d’impatience!

    · Il y a environ 5 ans ·
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