Le mutisme du miroir

arnaud-luphenz

Un oeil sommaire. Un iris de puits d’enfer. La trappe dans le jardin à la dérive. Après l’avoir réveillée, j’arpentais la poignée de couloirs orphelins. Je fus bientôt de retour dans le cube mal dégrossi par des frontières incertaines. Un royaume de poussières et de sols en plainte. La pièce succédait au vieux coeur de métal dont je me souvenais. Ce lieu étrange où l’on entrait par une artère en pierre et où des ombres timides se tenaient tranquilles. Le face à face tant souhaité, dans l’intimité des souterrains, ne rendit pas grâce à mes espérances. Le miroir ne fendit pas l’armure et m’exposa sa froideur. Dans toute sa splendeur. Le souffle coupé. Ses cristallins restèrent aussi opaques et lisses qu’une tombe. Son sommeil feint, au dédain manifeste, ne faisait néanmoins pas douter de ses pouvoirs endiablés.

Je me réveillai, à l'instar du crépuscule. La pension semblait figée dans l’exil de sa maîtresse et de ses occupants d’un soir. Attendant un renouveau, elle avait l’espoir chevillé aux portes et aux serrures. Je n’en trouvais ainsi aucune qui osait me résister ou me retenir. Je replongeais dans les lieux comme on se réconcilie avec une ancienne amie perdue de vue. En observant la solitude des fenêtres. Mes appartements, à l’instar des autres ingrédients épicés de la résidence, avaient visiblement été fouillés. Je ne revenais pas pour violer un passé, mais simplement pour tenter de converser avec l’étranger lové dans son mutisme de glace. En effet, je savais d’avance que seul mon rendez-vous avec l’absence de reflet était prometteur. Il n’y avait rien d’autre à glaner pour un enquêteur de mon calibre, bien que je sois assez heureux de renouer avec des murs qui avaient su me dispenser la caresse des accalmies. Avant de tout emporter.

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