Le mystère de la Vallée Verte

Francesca Calvias

Carpentras

Assise à l’avant de la voiture, marraine se retourna.

-Regardez ! On arrive ! On est à Carpentras. Plus que 9 km et on sera à Malemort.

Laetitia s’étira comme un petit chat sortant du sommeil et jeta un regard par la fenêtre de la voiture. Carpentras, enfin ! Le long voyage prenait se terminait.

Pas trop tôt, songea Xavier. Non pas que le voyage eut été désagréable. Confortablement installé dans les sièges en cuir beige, à l’arrière de la Peugeot 405 Sti verte de son grand-père, Xavier avait passé la presque totalité du voyage à jouer et à regarder des DvD sur son nouvel ordinateur portable. Kevin, son meilleur ami, dont il était miraculeusement parvenu à faire accepter la présence à ses grands-parents avait passé une grande partie de son temps à jouer avec lui. Durant l’autre partie, il avait regardé le paysage. Tandis que Laetitia avait dormi pendant presque tout le trajet. Sa sœur dormait toujours en voiture, même si elle avait passé une bonne nuit précédente à l’hôtel « Le Rully » en Bourgogne où l’on s’était arrêté à la moitié du trajet. Bon-papa ne voulait jamais faire la route en une fois. C’était trop long pour lui, 950 km. Sans compter qu’il ne roulait qu’à 50km/h de moyenne parce qu’il n’aimait pas conduire et que marraine avait peur en voiture. Il s’arrêtait toutes les deux heures pour se restaurer et se reposer. Bon-papa suivait toutes les consignes de sécurité. Et même pire… Marraine veillait au grain. Pas question de dépasser le 45-50 km/h sur les routes nationales, ni le 80-90 sur autoroute… Encore ne prenait-on pratiquement jamais l’autoroute.

La halte avait été agréable. Partis à 7h du matin de Bruxelles, on était arrivés en Bourgogne aux environs de 16h. Par chance, on avait évité tous les embouteillages.

Après avoir garé la voiture et la remorque sur le parking de l’hôtel, on était allé se rafraîchir, et pendant que bon-papa faisait une petite sieste et que marraine en profitait pour lire un roman, installée à l’ombre d’un parasol, Xavier, Laetitia et Kevin en avaient profité pour piquer une tête dans la piscine et se faire dorer au soleil de cette magnifique fin d’après-midi.

Ensuite, Xavier avait profité du réseau Wi-Fi de l’hôtel pour surfer sur Internet et consulter sa boite à mails, avant d’aller manger au restaurant.

C’est en allant chercher le livre que son grand-père avait oublié dans la remorque que Xavier avait ressenti pour la première fois l’étrange sentiment d’être épié, espionné, alors qu’il était absolument seul sur le parking. Ayant l’oreille extrêmement fine, il était sûr et certain d’avoir entendu un froissement léger. Très léger même. Mais il n’y avait personne à l’endroit d’où provenait le bruit. Il n’y avait pas le moindre souffle de vent non plus.

Ensuite, les faits étranges s’étaient succédé. Il aurait pu admettre que le fait qu’il lui semblait avoir été effleuré par une ombre invisible et que la voiture lui aurait parlé, prononçant son prénom entre autres, était du au fait qu’il ait trempé ses lèvres dans le cocktail apéritif de son grand-père au restaurant… mais le problème était que cela s’était reproduit le lendemain matin, à peu de choses près. Lorsque son grand-père avait débranché l’alarme de la voiture avant de reprendre la route ce matin, au lieu de faire « Twiiit Twiiit » comme à son habitude, il était sûr d’avoir entendu une voix métallique prononcer « Xavier ! »

Il avait alors regardé autour de lui, demandant qui l’avait appelé, pensant même qu’on lui aurait fait une blague… Mais non ! Ses grands-parents, Laetitia et Kevin pensaient pour leur part, très sérieusement, que c’était lui qui leur faisait une blague !

L’après-midi, pendant que bon-papa s’était couché afin de faire une petite sieste à l’ombre, le téléphone portable de Xavier s’était mis à sonner… mais aucun numéro ne s’était affiché sur l’écran. Pourtant lorsque le jeune garçon avait appuyé sur la touche « décrocher », il avait entendu prononcer distinctement son nom par une voix qui semblait déformée.

Heureusement, lorsque la chaine hi-fi de la voiture s’y était mise, marraine avait eu le même sentiment que lui… on aurait dit que la chaîne hi-fi éteinte, se mettait à parler toute seule…

Heureusement également, marraine avait aussi entendu que la voiture se mettait à chanter lorsque bon-papa tournait à droite… Cela prouvait au moins qu’il n’était pas fou, même si les autres commençaient à les regarder bizarrement marraine et lui !

-La chaleur peut-être !? Avait lancé ironiquement Kevin.

Malgré le fait qu’il ait emmené son PC portable, Xavier trouvait que le trajet avait été d’une lenteur exaspérante. Mais on ne referait pas marraine et sa phobie des véhicules quels qu’ils soient. Marraine travaillait au service administratif des pompiers. Tous les jours elle avait vent d’accidents graves, voir mortels. Elle avait fini par en faire une fixation. Pour elle, une voiture était un instrument de mort et il ne fallait l’utiliser que lorsqu’il n’était pas possible de faire autrement. Pour aller en vacances par exemple. Car, si marraine n’aimait pas la voiture, elle aimait encore moins le train… C’était d’ailleurs la seule époque de l’année où bon-papa utilisait sa voiture. Le reste du temps elle dormait au garage, ne sortant qu’une fois tous les deux mois lorsqu’ils allaient faire les grosses courses à Valenciennes. C’était pour ça que la voiture était encore quasiment neuve alors qu’elle avait déjà plus de 7 ans.

Bon-papa gara la voiture sous prétexte de « dire bonjour à Carpentras » et de faire quelques photos tout en se dégourdissant les jambes. En réalité, c’était parce que marraine avait coutume d’expliquer que lorsque l’on faisait un long voyage, l’accident se produisait souvent à quelques kilomètres du lieu de destination… ou de la maison si l’on rentrait de voyage. Pour apaiser marraine, et aussi sans doute parce qu’il y croyait un peu aussi, bon-papa avait préféré faire une ultime halte. De toutes manières, on était presqu’arrivés. Cela ne venait plus à une demi-heure…

Ce n’était pas nécessairement l’avis des jeunes. Kevin était pressé d’arriver parce qu’il n’avait jamais vu Malemort du Comtat, ni même le Sud de la France. Laetitia était pressée car elle mourait de chaud et d’envie de prendre une douche bien fraîche. Et Xavier lui, était pressé de voir s’il y avait un réseau Wi-Fi dans le quartier. Ce qui était fort peu probable, mais on pouvait toujours rêver !

Un bon gros quart d’heure plus tard, après que tout le monde se fut désaltéré une dernière fois, on remonta dans la voiture et bon-papa démarra. Xavier avait éteint son PC portable. Il avait beau faire l’esprit fort et prétendre ne jurer que par les grandes villes et les nouvelles technologies, il n’en n’était pas moins sensible au charme de ce petit coin de Provence où il était né et où il avait passé toutes ses vacances. Et puis aussi, son PC venait de lui jouer le même tour que la voiture, le téléphone et la chaîne hi-fi : l’écran s’était totalement brouillé et le mot Xavier s’était inscrit une fraction de seconde avant de disparaître et de laisser place à l’écran habituel. Le jeune garçon avait l’impression de devenir fou et avait évité de parler de cette dernière expérience.

Quelques vingt minutes plus tard, on arrivait à Malemort du Comtat, petit village tranquille du Comtat Venaissin, situé entre le mont Ventoux, le plateau d’Albion et les monts de Vaucluse, entouré de vignobles, de cerisiers et d’oliviers.

Les grands-parents de Xavier et Laetitia possédaient une maison sur le Cours. Ils l’avaient achetée une quinzaine d’années plus tôt. Auparavant, ils la louaient pour un mois, voir un mois et demi chaque été, et quelquefois pour quinze jours à Pâques. Jusqu’à ce que pour une question d’héritage la maison avait été mise en vente à un prix très raisonnable. Bon-papa et marraine avaient sauté sur l’occasion. Depuis, ils pouvaient venir en vacances quand bon leur semblait : à Pâques, à Noël, aux grandes vacances… pour la plus grande joie des enfants. Bon-papa gara sa voiture sur la place située devant la maison.

La voiture était à peine arrêtée qu’un cri de joie salua leur arrivée. « Popol », un très bon ami des grands-parents qui le connaissaient depuis plus de 30 ans, était assis à la terrasse du café du Cours et avait reconnu la voiture. Il les héla, heureux de les revoir et les invita à venir se désoiffer avant toute chose.

On s’assit, heureux d’être enfin arrivés et de pouvoir se raconter les dernières nouvelles des familles et les péripéties du voyage tout en dégustant des Tropicos, du Ricqlès et des menthes à l’eau bien frais.

Après s’être désaltérés, on rentra à la maison. Popol, prévenu de leur arrivée par téléphone portable avait déjà ouvert l’électricité et toutes les fenêtres afin d’aérer. Il ne leur restait plus qu’à vider les valises et se rafraîchir un peu avant d’aller dîner chez Popol et Magali qui avaient préparé un barbecue et une belle salade de tomates pour fêter leur arrivée.

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