Le mystère du pavillon bleu de banlieue.
Hervé Lénervé
Le jour faisait la grasse matinée sur ce quartier pavillonnaire tranquille, les chats gris rentraient de leur nuit blanche, il était six heures, Paris était déjà debout, Dutronc bourré. Tout était calme, reposé, quand retentit, dans l'aube naissante, un cri d'effroi à glacer le sang des plus braves guerriers, aguerris pourtant, aux cris d'effroi à glacer le sang des plus braves guerriers… Ah, mes enfants ! Quel cri dans la nuit mourante !(Pause, puis regard appuyé du conteur sur la caméra.)
Que s'était-il, donc, passé au 33 de la rue des Faussés dans ce pavillon bleu de banlieue sans histoire, ce matin-là ? Pour qu'une femme… car il s'agissait bien du cri désespéré d'une femme dont le désespoir avait déchiré les bruissements feutré de la ville s'éveillant… pour qu'une femme donc… s'époumone ainsi, de la sorte… à crier de la sorte, ainsi… mystère !!!
(Sur le ton de la confidence familière, avec un clin d'œil complice et un hochement goguenard de la tête, Bellemare nous encourage à le suivre.)
Approchons-nous un peu de cette maison pour y glisser un œil voyeur et perspicace.Trois fenêtres allumées, deux éteintes. Dans chacune de ces ouvertures, un personnage s'encadre en pied comme dans un tableau de Goya. Deux hommes, une femme. La femme est jeune encore. Non ! Jeune sans concession d'encore, une trentaine d'années à peine... à peine trente ans, vous dis-je, si ce n'est pas jeune ça ? Alors, là, non ? Mais bon, Continuons…
(Petite pause pour maintenir le suspens et grosse pause pour aller vider la vessie du conteur qui a quelques problèmes prostatiques de prostate.)
… Où en étions-nous, déjà ? Ah, oui, sur…en tout bien tout honneur… sur la jeune femme, disais-je, entraperçue entre deux croisées de fenêtres ! Elle est belle ou jolie, mais les deux ensemble. Le fait est qu'elle est du genre à ne pas passer inaperçue, même si l'on est atteint de cécité visuelle.
Que dire des hommes, alors ? La lumière n'est pas bonne. On ne distingue qu'une vague silhouette évanescente…
(Signe des deux mains pour représenter, en forme de guitare, une vague silhouette évanescente.)
Si la jeune, la très jeune femme semblait être éclairée par l'aura que son charme et sa grâce irradiait alentour, les tristes sires restent dans l'ombre de l'opacité des forfaitures interlopes. Auraient-ils des secrets honteux à cacher ? Des perfidies illicites à dissimuler ? Des polichinelles adultérins dans le tiroir ?
Quand arrive la police sur les lieux, car la police arrive, bien entendu, sur les lieux, un voisin apeuré les aura appelés. Ceux-ci, les policiers, constatent les faits. Un corps sans vie baignant dans son sang gluant et poissonneux, ne marchez pas dedans messieurs ! Crie un sergent ! Trop tard, un étourdi a maculé ses chaussures, laissant une empreinte dans ce qui était, il y a si peu, la sève vitale de cet homme trépassé par là et qui ne repassera plus, jamais, non, (geste de dénégation de l'index) non plus jamais, par ailleurs.
Le cadavre a la gorge tranchée d'une oreille à l'autre orteil, dessinant un sourire sous cape et menton. Cette vision funèbre est grotesque et comique à la fois ou alternativement. Avons-nous déjà vu un homme, qui vient de casser sa pipe, se fendre la poire de la sorte ? Jamais ailleurs ! Non… non, jamais ailleurs d'ailleurs, cela ne fut vu !
La police relève les premiers indices en attendant la venue des enquêteurs de la crim. L'arme du crime, quant à elle, est vite retrouvée, si vite… trop vite peut-être… ne voulait-on pas qu'on la retrouve si aisément ? Qui sait ? Un couteau de boucher jeté dans un buisson-ardent… le rouge de la lame tranchait sur l'orangé du feuillage dérangé par la fouille… Le même étourdi saisit l'arme blanche, rougie du sang pas encore sec de la victime déjà morte, d'une pleine main dégantée de protection, souillant conséquemment la pièce à convicsang.
Le soir même un présumé coupable est arrêté et gardé en garde à vue. Voici une affaire rondement menée…
(Pause et claquement de langue contre le palet pour signifier la contiguïté temporelle de l'action.)
L'homme avouera sans détour être l'auteur de l'assassinat. Il avait prémédité son crime, car il n'y avait rien de bien à la télé ce soir-là.
Mais qui était donc, cet homme mort sur la pelouse du jardinet de ce pavillon bleu de banlieue ?
Quelles étaient donc, ces ombres chinoises des deux hommes patibulaires aux fenêtres ?
Qui était donc, cette svelte silhouette de sirène ? Dont nous sommes tous, je dis bien tous, tombés amoureux !
L'enquête des enquêteurs ne révélera jamais l'énigme de ce pavillon tranquille et bleu de banlieue.
Donc, mesdames, messieurs, je vous laisse à présent, car une affaire pressante m'appelle et sur ce, il lance à la caméra un sourire complice de vieux matou un brin roublard avec un geste inconscient sur l'objet de son envie pressante.
***
L'ami Pierre nous a quittés le 26 mai 2018. J'aimais bien ces affaires policières et sa faconde pour les narrer ou les écrire et puis il y avait le télé-achat, aussi, si, si !!! Combien de bidules inutiles aurions-nous pu acheter sous l'emprise de son bagout de bonimenteur !
Ha, j'aimerais bien qu'il lise ton texte le soir de la Saint Sylvestre après six coupes de champagnes. Cela aurait au moins l'avantage de démarrer une nouvelle année dans la sobriété :o) Cet homme aurait vendu du sable au Sahara, de la bière à la Belgique. Merci pour lui.
· Il y a plus de 6 ans ·daniel-m
De la bière et des frites aussi, une fois, aux Belges. :o))
· Il y a plus de 6 ans ·Hervé Lénervé
Le stère reste entier ?
· Il y a plus de 6 ans ·yl5
C’est préférable pour chauffer les faits divers. :o))
· Il y a plus de 6 ans ·Hervé Lénervé