Le Mythe du Poète
heathcliff
L’Artiste
Artiste !
Sens-tu la vibration qui te parcourt lorsque tu cries ce mot ?
L’Artiste...
Le poète insouciant qui traque la Muse ;
L’âme amoureuse qui vole, solitaire.
« L’Artiste ! »
N’entends-tu pas qu’on t’appelle ?
Ne vois-tu pas qu’abandonnée, ta plume se languit ?
Ne sens-tu pas l’encre couler de ton coeur,
Fruit d’inspiration éternel ?
L’Artiste !
Il parcourt Saint Germain des Prés
Et s’y promène
Avec pour seul bagage
Son talent.
Artiste !
Assieds-toi sur ce banc
Et de ta main nerveuse, esquisse !
Croque sur le vif, l’Artiste,
Une scène
Un visage
Un mot
Une émotion
Ou un « Je t’aime » s’il le faut.
L’Artiste,
Infatigable marcheur.
Artiste rêveur et voyageur ;
J’apprends ces mots et les mets dans ta bouche.
Artiste,
Sans doute ne le suis-je pas,
Car « Je est un autre »
Je l’affirme, pour Rimbaud.
L’Artiste, mon poète.
Poète...
Ne vois-tu pas, enfant, que se traîne à tes pieds
Le fantôme tout sanglant de ces jours passés ?
Le voilà enchaîné, suspendu à ton âme,
Sinistre et tragique, doux berceau de tes larmes.
Ne vois-tu pas, enfant, le Mal à l’horizon
Qui te guette toujours et inlassablement ?
Apprends que son parfum n’est que suave illusion
Qui se fera putride à la fin de ton temps.
Ne sens-tu pas, enfant, cette blessure en toi,
Chétive plaie, ouverte pour l’éternité ?
Voici le spectre impur de ton trouble passé,
Qui se mue en ton ombre, propulse ton émoi.
Ne sens-tu pas, enfant, que ces larmes de sang
Creusent ton visage et figent ton élan ?
Leur essence est la nostalgie qui t’enflamme
Et calcine peu à peu le reste de ton âme.
Ne sais-tu pas enfant, quelle est ta destinée ?
Beauté ignoble. Distance énorme.
Gouffre profond. Un trou noir avale la voie lactée.
Il engloutit lumière, noirceur et profondeur
Il boit avenir, amour et océans
Il digère l’univers.
Il ne laisse que moi, seule, toujours
Flottant ou tombant –je ne sais plus-
Dans le Néant.
Quand à l’ombre des arbres se promène le rêveur
La Nature s’éveille et hume le parfum
De la Muse idéale qui le tire par la main
Enivrant le poète de sa divine senteur.
Ainsi, ils marchent, épaule contre épaule
Solitaires et songeurs, comme deux vieux amis
Elle la créatrice lui l’artiste maudit
Ils devisent ensemble en contemplant les saules.
Le voilà apaisé, le voilà exalté
Qui se prélasse dans les effluves de l’imagination
Et boit aux lèvres de l’autre son inspiration.
Il écrit, et son encre sombre noircit le papier ;
La voici qui se fond dans la nuit étoilée
Tout en lui murmurant des rêves inventés.
Rêve
Une lune éphémère flottait à l’horizon
Et aveuglait mes yeux emplis d’inspiration
Moi, étoile solitaire
Egarée simplement dans l’immensité qu’est l’univers.
Le sang qui coulait de mon cœur était noir comme la nuit ;
Une encre inépuisable qui déversait sur le papier
L’essence de mes rêves, de mes songes inventés.
Il n’y avait, cette nuit, que mes espérances inavouées
Qui venaient meurtrir mon cœur blessé.
Toute ma vie durant, j’aurais voulu vivre ce rêve éveillé
Seule sur la mer immense
Et alors, mon existence aurait trouvé un sens.
Mais cette autre dimension n’était pas mienne :
Dans cette sombre réalité, j’erre
En artiste solitaire
Qui se voudrait ailleurs
Dans un monde, par exemple, où chaque seconde est une heure
Où chaque instant se fait inestimable.
Enfin, déjà le sommeil m’assaillait
Et j’espérais en secret
Que cette belle nuit ne s’achève jamais.