Le parisien

merlin

Hier, lors de ma petite promenade du matin avec Thérèse, on l'a vu. Le Parisien. Il se tenait au pied d'un arbre, en face de l'école élémentaire. Il faisait frisquet dehors et on aurait dit une poule qui couve un oeuf. Il avait la tête rentrée, il ne bougeait pas pour résister à l'humidité et au vent. Il s'est contenté de suivre Thérèse des yeux quand elle s'est approchée très près de lui en le reniflant. Un vrai clochard, un pauvre rat des villes, sale, gris et malade. J'ai dit : “Non !” Et Thérèse, parfaitement éduquée, parfaitement maîtrisée telle la lame d'un sabre japonais aux mains d'un valeureux Samouraï, s'est immobilisée. Elle a tourné vers moi sa gueule remplit de sauvagerie, a pris la mesure de ma domination sur elle, a décidé de renoncer à la curée à laquelle elle était pourtant destinée.

J'ai regardé le pigeon parisien agonisant. Il m'a regardé un instant, puis il a baissé la tête à nouveau. Thérèse et moi avons poursuivi notre balade dans la ville. Mais j'ai plusieurs fois repensé à ce satané pigeon.

Nous sommes repassés devant l'école élémentaire avant de rentrer à la maison. Le pigeon de Paris n'avait pas bougé. Simplement il n'avait plus de tête. La lame d'un sabre était passée par là . Des plumes blanches, pareilles à celles d'un oreiller, étaient dispersées tout autour. Poussées par le vent humide, elles s'éloignaient inexorablement du cadavre. J'en ai même vu quelques unes s'envoler doucement.

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