Le père
Paul Robert De La Fauvellerie
Je me réveillais, tremblotant, dans mon lit, donc... J'allais tout de suite vérifier que mes disques étaient toujours là. Ils y étaient bien... J'avais donc rêvé toute cette poursuite.
J'entendais à travers les murs que le voisin regardait un film d'horreur qui avait l'air bien angoissant, avec des rires sadiques... Bon, j'avais l'explication !!!
N'empêche que revoir mon père décédé depuis quelques temps, même en rêve, ne me laissait guère indifférent... Je l'avais toujours craint, même adulte... Il faut dire qu'il n'était pas du genre compassionnel avec moi, plutôt extrêmement dur, voire sans pitié. Il n'avait pas été élevé à la cool, et il avait reproduit le schéma sans se poser plus de questions que cela.
Il était la raison pour laquelle je ne voulais pas d'enfants, ce qui tombait bien pour mon ex-femme qui ne pouvait pas en avoir. J'avais peur de trop lui ressembler avec le temps... "L'horloge pousse les aiguilles de minute en minute, ainsi que les idéaux, même les plus nobles, vers la sortie de route..." me disais-je...
Paradoxalement, même s'il avait poussé le sadisme assez loin avec moi, il avait relativement épargné ma soeur... Cette dernière en était consciente, on avait évoqué le sujet lors de notre dernière conversation téléphonique. Notre mère avait bien essayé de nous protéger, mais notre père la dominait matériellement et psychologiquement. Elle avait menacé maintes et maintes fois de s'en aller avec nous s'il n'arrêtait pas ses actes de méchanceté gratuite. Elle ne l'avait jamais fait...
Pourtant, il était allé assez loin... Il me traitait de minable dès le matin au réveil... "Lève-toi feignant! Tu me coûtes assez cher comme ça... Pas de place pour un artiste ici!" était un petit florilège de ses paroles pesantes et cassantes.
En parlant de casser, il m'avait découragé de poursuivre mes études. J'étais un "bon à rien", un "incapable"... Dégoûté de ses attaques perpétuelles, jeune adulte, j'avais avalé une boîte de tranquillisants, pensant mettre fin à mon calvaire... J'eus droit à un bon lavage d'estomac et à mon premier passage devant un psychiatre. Beaucoup de personnes vinrent me voir à l'hôpital: ma mère, des ami(e)s, des cousin(e)s, pas mal de monde... Mon père préféra s'occuper de son jardin, je ne le vis pas une seule fois en cet endroit.
Quelques années plus tard, il mourût peu de temps après que ma mère soit décédée d'un infarctus. Je ne me rendis pas à l'enterrement. Je croyais en avoir fini avec lui, jusqu'à ce qu'il apparaisse dans ce rêve, ce qui me semblait significatif...
Le deuil du père n'a pas été fait, mais fui. A un moment où à un autre, la vie exige de payer l'addition...
· Il y a presque 6 ans ·Sy Lou