Le petit verger.

Christophe Hulé

Le petit verger prenait des airs d'Arche de Noé.

Même si le propriétaire et maître d'œuvre, ne voulait qu'un spécimen.

Les cousins : pommier, poirier, cognassier,

Enfin les Rosacées, cerises, abricots, pêches et autres.

Mais seulement ce qui pousse sur un arbre.

Un jardin des Mille et Une Nuits, dans une banlieue quelconque et triste.

Comme toutes les banlieues.

Les petits lapins esquintés se penchaient aux fenêtres des barres d'immeubles.

On invitait ceux du palier qui n'avaient vue que sur les carcasses brûlées ou la décharge sauvage.

Le bienfaiteur, pas si riche toutefois, n'avait mis ni clôture, ni palissade.

Une armée d'indigents des temps qu'on dit « modernes » y avait installé des chaises ou des transats.

Il pousserait une dizaine de nouvelles espèces par an.

Les vieux insistaient pour donner un coup de main.

Les jeunes insistaient pour garder cet air blasé et un brin frondeur.

Mais le local poubelle avait été déserté depuis bien longtemps.

Aux beaux jours, on sortait les barbecues.

D'un commun accord, tous les trafics se faisaient du côté de la décharge.

Les policiers, bienvenus, comme le Maire et ses conseillers étaient de la partie.

On avait bousculé le cadastre pour agrandir cet Éden où toutes sortes d'associations avaient posé des stands de toiles.

Présidents de départements, de régions, secrétaires d'État et ministres, et le Roi lui-même, avaient eu vent de la chose.

Tous ces milliards d'euros dilapidés en vain.

Et de ces jardins d'Éden on fit pousser partout, les gamins couraient ici et là, les parents installés à l'ombre ne regagnaient leur cage qu'à la tombée de la nuit.

Les artistes commencèrent à envahir les lieux, ainsi que de grands paysagistes.

Le modèle né d'une petite banlieue s'étendit dans le monde entier.

Au pied des favelas ou autres concentrés de misère.

Les « trafics » furent remplacés par le business des festivals.

Le maître d'œuvre a été admis au Panthéon.

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