Le phare
Caïn Bates
Une nuit sombre enveloppe la ville, aucune lumière ne parvient à percer le voile obscur, ni une étoile, ni même un lampadaire. Le silence pèse au dessus des toits, plus aucun son n'est produit à l'intérieur des maisons. Déambulant dans la rue comme un pantin que l'on conduit sur une piste vide, seul personnage observé par des milliers de spectateurs aux yeux vides, je me sens observé et pourtant, personne.
Je m'arrête un instant, mettant ma main sur le cœur afin de vérifier qu'il bat, il répond, c'est déjà ça. C'est dingue ce rythme inné, même le plus maladroit des musiciens parvient à produire un rythme si parfait sans le moindre effort, je hausse les épaules. Respirer, c'est devenu un luxe, presque un péché, ça me plait. Je ne me suis jamais senti comme quelqu'un de bon, je ne suis qu'un interprète alors pourquoi m'en soucierai-je?! J'applaudis, pourquoi?! Je n'en sais rien, peut être que je flatte mon ego, je me sens ridicule, vraiment. Parler avec une voix étrange dans sa tête, non mais franchement pour qui passe t-on?!
Je tourne au coin d'une rue, du moins j'imagine. Oui, j'ai les yeux fermés, les images dans votre esprit vous laissez penser le contraire, quelles coquines!!! Je baille, la fatigue est une amie de longue date que l'on connais tous, une vraie bouche trou celle là, mais bon, elle m'a rendu pas mal de service ces derniers jours. Tenez, cette veste que je porte, il y a encore quelques minutes elle appartenais à un imbécile heureux, non mais un vrai abruti. Ce genre de gars qui se sente pousser des ailes car leurs copines acceptent leurs demandes en mariage. Le pauvre a raté son décollage et a fini entre les pales d'un avion. Au moins, sa veste a été sauvé. On appelle ça l'optimisme.
Bon, je pense pouvoir vous le dire les amis, je suis paumé. Bien la dernière fois que je suis mon instinct tiens. Du moins jusqu'au prochain badaud aussi égaré que moi. Bien sûr, je pourrai en finir tout de suite, une balle et c'est réglé. Mais bon, vous et moi savons très bien que je vais me louper et que je passerai pour un con. Je limite les statistiques en supprimant les nombres, pendant que des chiffres décident de notre sort (bravo, tu as réussi à placer la théorie du complot), je souris. On y vois pas à un mètre, je tire droit devant moi, pas besoin de silencieux, bien pratique cette affaire. Au chanceux qui la reçoit, n'oublie pas le merci, ça fais toujours plaisir.
Encore quelques pas, mon bras me brûle un peu plus, ma manche est imbibée de sang. Je vous l'avez dit que je me serai raté. Oui, riez, au moins j'aurai été utile. Les sons reviennent petit à petit, je préférais le silence en fin de compte. Un, deux, tro... paf sur le sol. Le monochrome m'allait, pas besoin d'ajouter les couleurs en plus. Mais au vue de la lumière qui brûle mes pupilles, la folie est un phare que je veille...