Le phare de Sea
floriane
Sur Little, la plus petite ville volante de la galaxie, vivait un garçon de cinq ans. Yan avait une sœur qui ne voyait pas ; elle était aveugle. Quant à lui, il n'était pas plus haut que quatre poires et les autres disaient qu'il avait un nez comme un cornichon. Certains allaient même jusqu'à dire qu'ils n'étaient pas « comme les autres ».
-On est comme on est, répétait-il souvent à ceux qui, sans cesse, se moquaient d'eux.
C'est vrai, ça ! Qui aurait l'idée de dire qu'un cochon n'est pas un cochon parce qu'il a perdu un bout de sa queue en tire-bouchon ?
Yan trouvait qu'il avait mieux à faire que de se moquer des autres. Yan, lui, il rêvait en grand, en géant et tout le temps.
Et toi ? Quel est ton plus grand rêve ?
Celui de Yan était tout simple et à la fois très compliqué : de tout son cœur, il rêvait de se rendre au phare qui jouait de sa lumière, là-bas sur la ville de Sea, de gravir toutes ses marches, de prendre de la hauteur et enfin, de contempler la mer.
C'est si beau, la mer. Son immensité, son chant et son odeur. Mais Yan était trop petit pour entreprendre un si long voyage. Alors il attendait, jour après jour, de devenir enfin grand.
Sais-tu ce qu'il se passa ensuite ?
Non ? Alors écoute.
Une nuit, alors que Yan dormait dans son tout petit lit, une créature étrange vint pour exaucer son rêve. Yan ne vit pas bien la créature quand il se réveilla. Il faisait trop sombre. Il remarqua jusqu'elle avait des cheveux de la couleur de l'or et qu'elle portait un grand sac de jute dans ses mains.
Yan vit la créature sortir une télévision sans écran de son sac et la poser dans un coin de sa chambre. Juste après, la créature s'évapora. Yan, intrigué, sauta de son lit et s'approcha de la télévision hors du commun.
Ce fut en se penchant pour regarder à l'intérieur qu'il se retrouva aspirer. Il glissa alors pendant de longues minutes sur un toboggan géant avant d'atterrir sans douceur, les fesses dans le… sable !
-WAOUH ! Je suis à la mer ! cria-t-il, en tendant l'oreille pour écouter quelques mouettes vocaliser ainsi que la douce musique du ressac.
Comme il était heureux !
À sa droite, le phare si haut, si imposant dans la nuit, présidait entre ciel et mer. Yan courut vers lui, vers la lumière, puis monta l'escalier en colimaçon au rythme du bonheur qui faisait battre son cœur.
Arrivé en haut, il était à bout de souffle mais ravi. Quoi de plus beau que de vivre son rêve ? Il aurait aimé partager un peu de son bonheur avec sa sœur et les autres, même ceux qui se moquaient de lui tout le temps.
Pour la première fois de sa vie, le petit Yan se sentit enfin grand ! Aux vents, aux marées, aux coquillages échoués sur la plage, il leur promit de toujours rêver. Il sut, là, sur ce phare qui touchait presque les étoiles, que tout le monde, même les petits, même ceux qui avaient un nez en cornichon, pouvaient vivre leurs rêves. Il pensa à sa sœur qui n'avait pas la chance de discerner les couleurs et les formes. Il espérait que le marchand de rêves lui rendrait visite dans la nuit, à elle aussi.
Parce que Yan avait beau avoir un nez en cornichon et n'être pas plus haut que quatre poires, en cet instant, il était l'enfant le plus grand et le plus beau du monde !
Le lendemain soir, après que Yan eut raconté l'histoire d'un nain sur un phare lumineux à sa sœur aveugle, elle lui chuchota à l'oreille :
-Tu sais, Yan. Pour la première fois, je peux voir tout le bonheur dans tes yeux.
-Même sans me voir ?
-Oui, je le vois dans mon cœur.