Le piano brisé

Florence Quinodoz

La jeune fille s’assit devant le piano brisé

Elle caressa les touches du bout de ses doigts

L’instrument était là depuis des mois

Peut-être même depuis des années

Elle aurait peut-être dû s’en débarrasser

Qu’il était beau cet objet du temps où elle avait tant souri

Ce temps où des mélodies berçaient encore ses nuits

Mais maintenant il était brisé, et la pièce était encombrée

La salle était pourtant vide, comme son cœur blessé

Mais en elle, elle ressentait toujours ce poids

Et elle avait si froid

Sa tête était remplie de pensées

Alors elle commença à jouer

Les notes résonnèrent comme des milliers de cris

Ces cris qui sortent du cœur des gens tristes et trahis

Elle se répéta une fois encore qu’elle avait échoué

Alors la musique grandit en intensité

Les notes rejoignirent les étoiles qui brisaient le noir

Pendant quelques secondes, elle eut envie d’y croire

Elle aurait voulu que ce sentiment demeure en elle pour l’éternité

Mais il était trop tard pour espérer

La vie ne lui avait jamais souri

Alors elle regarda son rêve qui partit

Car le piano n’était pas le seul à être brisé

Elle avait décidé de ne rien révéler

De cacher ce qui faisait d’elle ce qu’elle était, ce qu’elle est et ce qu’elle sera

Et dans ses yeux une rivière d’eau salée monta

Son cœur asséché savait bien que ces larmes ne pourraient pas couler

Qu’elles resteraient enfermées

Car leur propriétaire était prisonnière de l’oubli

Sur le piano elle jouait les rêves dont sa vie était autrefois emplie

Les notes résonnaient sur le piano blessé

C’est alors que pour la dernière fois elle entendit

Ces harmonies dont avait manqué sa vie

Ecrasée par la monotonie, celle qui hier était assise ici

Est aujourd’hui perdue dans l’oubli

Elle restera toujours celle qui a su faire chanter un piano blessé

Celle qui a su comment l’accorder

Et lui redonner ce qu’il avait perdu par ce qui se dégageait de sa vie déchirée

Celle qui lui a offert de l’espoir, alors qu’elle n’avait plus rien à donner…

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