Le pion
Jean Claude Blanc
Le pion
C'était un pion flemmard, qu'on surnommait Lalo
Toujours à lire l'Equipe, tournois des 5 Nations
Carrure de rugbyman, pilier, gros biscotos
Surtout pilier de comptoir, pour capter les ballons
A l'étude le soir, son rôle au lycée
Surveiller pensionnaires, personne la ramenait
Des mains comme des battoirs, le teint un peu rougeaud
Pour le moindre chahut, nous servait sans broncher
« Si tu veux faire l'enclume, je ferai le marteau »
Gueule de Quasimodo, fourrageant son gros pif
Un réflexe impudique, qu'est-ce qu'il en extrayait
Des crottes qu'il consommait, devant nous, sur le vif
Vautré à son bureau, tellement s'emmerdait
On l'appelait barrique, adepte de Kronenbourg
En faisant les 100 pas, autour de la cour
Bougon et solitaire, transpirait comme un porc
Mais pour le dérider, fallait parler de sport
Eternel étudiant, en quoi, n'en savais rien
Jadis petit boulot, pour manger à sa faim
Finalement un job, même pas trop mal payé
Ça faisait son affaire, il verrait bien après
Marchait le dos voûté, brisé par les mêlées
Par ses pognes, empêtré, ne sachant où les mettre
Pour un geste d'amitié, il m'aurait fait pitié
Impressionner les mômes, il était passé maitre
Pas besoin de crier, un regard suffisait
Pour nous terroriser, en fait nous dresser
Bâti comme un athlète, dominant l'adversaire
Aux gosses la clope au bec, il leur faisait la guerre
Toujours veste de cuir, un pull col roulé
Des jeans rapiécés, et des pompes de géant
Mais en prenant de l'âge, son ventre boudinait
Comme bibendum Michelin, amusait les enfants
Songeur ou abruti, à force de prendre des gnons
Comme tous ses copains, cabossé, et cassé
La 3ème mi-temps, bataille de litrons
Un secret bien gardé, fallait être initiés
C'était notre gros lard, pourquoi lui en vouloir
Il nous considérait comme de la piétaille
Ne s'énervant jamais, roupillait comme un loir
Ça le faisait marrer, de voir qu'on se chamaille
Au bar du « Bon Coin », établi son repère
C'était un autre gaillard, des trophées, était fier
Bavard grâce à la bière, commentait tous les matchs
Fou du stade converti, jamais faisait relâche
Moquait tous ces manchots, condamnés pousse-cailloux
Footballeurs chochottes, mais un peu mous du genou
Pour lui la vraie bagarre, c'était sur le terrain
Au diable les supporters, ces fondus assassins
Dans mon pays d'Auvergne, où le ballon est roi
Ce n'est pas par hasard, s'il est de forme ovale
Car pour le contrôler, faut pas être maladroit
Des rebonds capricieux, le public se régale
De passage au lycée, j'en ai vu défiler
Surveillants besogneux, pour en faire un métier
Des minettes mini-jupes, aux studieuses littéraires
Ado tout excité, préférait les premières
Lalo, trop gros morceau, dur de s'y attaquer
On élisait la pionne, pour son air mijaurée
On se noie dans la masse, quand on est des potaches
Sur elle, on se vengeait, ce qu'on peut être lâches…
Me souviens d'une gazelle, taillée comme une sirène
Deux petits œufs au plat, bombaient sur sa poitrine
Ingrats que l'on était, fallait qu'on la blasphème
La poésie du cul, c'est fou, inspire les rimes
Sans cesse on la narguait, clin d'œil, indécent
Pour la faire rougir, c'était pas compliqué
En termes peu châtiés, les cancres adolescents
Dans la vulgarité, toujours les premiers
« Hübsch », veut dire joli, en allemand converti
Retiens de cette langue, les mots les plus exquis
Interjection rapide, mais à chacun à son tour
Qu'on devait lui lancer, comme un appel d'amour
Toujours loi du plus fort, au triomphe funeste
Facile de railler, par la foule, soutenu
Par des gros cornichons et des petites pestes
Dès fois tombent sur os, alors des cons venus…
Pas lui qu'on emmerdait, tellement couilles molles
Sous son air mollasson se cachait dur à cuire
Ne faisant pas le poids, ni même les marioles
Suffisait d'une grimace, pour qu'on se tiennent tranquilles
Plus tard, nous a fait rire, notre pion nommé barrique
Aux morveux d'aujourd'hui, en ferait de la charpie JC Blanc mai 2014 (années lycée)