Le poids des mots

Je suis Perfectionniste. La perfection existe-t-elle ? Oui et non. C'est un état particulier, instantané, un moment d'équilibre précaire. La perfection n'est pas forcément belle ou vraie. Alors où se trouve-t-elle ? Je veux être parfaite, ou en tout cas tendre vers la perfection que je crois entrevoir. Dans mon travail mais aussi dans mes amitiés, ma relation amoureuse, mon rôle parmi les gens qui m'entourent.

Mais ça ne veut pas dire que je désire être la meilleure... Obsédée par les mots, leur signification exacte, emportée par la grâce de la langue française, je veux toujours dire ce que je pense avec précision, comprendre ce que pensent les autres. Quand un mot plus haut que l'autre m'échape, je commence à avoir peur... Peur de briser ce lien ténu qui m'attache à la réalité par le biais des autres. Je panique, je pleure, j'ai peur d'avoir blessé, vexé. J'ai peur d'avoir été égoïste ou injuste. J'ai peur de ne pas avoir le droit de ressentir ce qu'il y a fond de moi. Je veux être toujours l'amie souriante et forte, je veux aider les autres autant qu'ils m'aident, les porter autant que je me sens portée par leurs encouragements.

J'ai peur de reconnaître que je vaux quelque chose, que j'ai quelque chose à exploiter en moi, le dessin, l'écriture. Peur d'affronter le regard des autres à chaque instant, à chaque souffle. Je ne veux pas qu'on croie que je suis hautaine ! J'aime les mots, j'aime parler, mais c'est pas pour vous écraser, enfin ! C'est pour partager ! Oui j'ai lu Baudelaire et Musset, j'aime lire les Sciences&vies et pouvoir ressortir des anecdotes, mais c'est pour la conversation, bon sang, pour l'échange. Pas pour vous faire croire que j'ai l'Encyclopédie universelle à la place du cerveau... C'est parce qu'au fond, je me sens minable... Parce que sans tout cela, qu'est-ce que je serais ? Aurais-je quelque chose à offrir ?

Devrais-je abandonner tout cela pour être acceptée ?Chaque dispute me met dans un tel état de douleur. J'aimerais effacer, rembobiner, choisir les bons mots, comprendre sans pleurer. J'aimerais m'améliorer, pour être acceptée. Pour tirer un enseignement de chaque relation. Est-ce mal de chercher à être ce dont ses vrais amis ont besoin ? Est-ce mal de retenir tous ces mots, toutes ces rancoeurs et ces incompréhensions ?

Le pire, dans tout cela, c'est le sentiment d'injustice. Le sentiment d'être impuissant, de ne pas pouvoir réparer ce qui est brisé. Les fragments du passé traînent à mes pieds, leur éclat terni par les larmes. En fin de compte, mon âme se retrouve jonchée de ces débris, et moi je suis obligée de marcher dessus, mes pieds nus. Les morceaux s'enfoncent dans ma chair, dans mon corps. Et j'y pense sans cesse : "pourquoi ne suis-je pas quelqu'un de meilleur ?". C'est vrai, une part de moi s'appitoie sur ces pertes, ces cicatrices. C'est vrai, ces souvenirs risquent à chaque instant de me faire plonger dans le désarroi. C'est mon fardeau, celui des mots.