Le point zéro

Christian Le Meur



Hypothèse-1:

Imaginons, traversant l'univers, une ligne droite parfaitement rectiligne qui n'a ni commencement, ni fin.

En passant par notre planète, sur cette ligne nous traçons le point zéro. Par cette démarche conceptuelle nous brisons son infinitude et lui attribuons une segmentation positive et négative, point de référence indispensable à notre compréhension du monde.

Le concept espace temps peut alors s'apprécier selon ce principe de graduation Cet étalonnage à notre échelle, faisant office de loi, modélise la conception que nous nous faisons de notre univers, de notre terre, du minéral comme du vivant, pourtant infime fragment de l'incommensurable.


La physique quantique nous indique que la matrice originelle est l'énergie. L'intérêt de cette hypothèse repose sur le postulat que l'énergie est consubstantielle de l'esprit car l'esprit est énergie, il en va de même pour la matière. L'esprit et la matière forment donc une Unité indivisible même si cette évidence entre en contradiction avec notre conception systémique, réductrice de notre environnement qui nous pousse à scinder cette Unité en deux parties distinctes.

L'esprit et la matière , équilibre du cercle symbolique émanant du chaos , forme l'Unité, l'énergie créatrice que l' homme nomme l'absolue, Dieu.


A partir du chaos, cette puissance créatrice, grand architecte des forces en équilibre, expérimente sans cesse une infinie diversité de combinaisons où émergent un ensemble d'éléments qui s'associent et interagissent pour miraculeusement enfanter la vie . Passage éphémère .

On sait que l'état d'équilibre permanent n'existe pas. Tôt ou tard un facteur exogène le perturbera , remmenant l'élément concerné à l'état de chaos, réamorçant le cycle.

Quelle que soit la diversité de la matière créée et des formes qui en résultent, elles sont toutes la résultante de cette puissance créatrice qui repose sur un principe supérieur, exclusif mais hors du temps.



Errance-2:

En complexifiant à l'excès notre rapport au monde, en le découpant en segmentations autonomes pour mieux intellectualiser les raisons de notre existence sur cette terre et justifier notre auto-sacrement au sommet de la pyramide du vivant voire du cosmos, notre ego a tout simplement rompu les liens d'interactions qui nous unissaient à cette matrice qui nous a enfantée : le Tout.


Paradoxalement, l'évidence la plus flagrante de notre destinée est celle que nous désavouons avec le plus de conviction. Notre planète et l'ensemble du vivant n'ont nullement besoin de l'homme pour exister mais sans notre terre nourricière que par manque de dignité nous ne respectons même plus, l'homme n'existerait pas. Hors même dans l'école du droit naturel où la raison se substitue à Dieu, cette même raison hésite à aller au-delà de l'individualisme souverain extirpé de son berceau originel , pour le réduire au sempiternel rapport antagoniste de l' individu contre l'autorité berceau du pouvoir .


Le genre humain chemine sur une voie aberrante lorsqu'elle limite le contrat social et politique, fût-t-il religieux, à un ensemble de règles édictées par l'homme pour l' homme ; Ce faisant, détachés de notre filiation maternelle ( la terre Mère) qui lui est supérieure , nous construisons une société empreinte d'utopies mais qui en réalité est l'archétype d' un monde pathologique émergeant du déni constant de notre nature première.


Pas étonnant que dans un tel décorum de superficialité le trait premier de l'homme submergé dans ses contradictions soit la permanence du conflit, seul courant d' énergie commun à l'ensemble de l'humanité. Ce penchant qui dénature notre relation à nous même comme à autrui, nous oblige, afin d'endiguer cette propension, à élaborer un contrat politique basé sur la soumission volontaire à une autorité séculière ou spirituelle, prévenante et avide de dévotion, à laquelle nous abandonnons notre libre arbitre, notre lucidité.

Pendant qu'avec délectation nous nous hypnotisons dans le miroir des apparences, le pouvoir, en fragmentant la population par appartenances catégorielles,désociabilise l'individu.

Cette stratégie consentie nous isole dans des ensembles cloisonnés et hermétiques eux mêmes scindés en sous ensembles qui menée à terme aboutit à ce que je qualifierai d'amnésie affective et sensorielle, sorte d' Individualisme de substitution où liberté et harmonie ne peuvent s'épanouir.

De cette frustration, il résulte que notre revendication primordiale se résume au droit d'obtenir, de posséder, un droit d' obtention irrépressible fait d' exigences irraisonnées de sécurité prenant l'apparence d'une soif de bien-être individualisé.

Mais ce sentiment d'épanouissement radieux n'est en réalité qu'un cheminement de domestication insidieux baignant dans le salut d'une rhétorique stérile.


Le chemin de l'éveil, que tant de mystificateurs tourmentés nous présentent comme une épreuve initiatique empreinte de renoncement et parcellée de souffrance, n' est en réalité qu'une théologie de libération, un acte d'émancipation, une porte ouverte sur la paix retrouvée, véhicule d'humilité, de créativité et d'altruisme.



Rencontre-3 :

Épris de beau,

                             Les sens en éveil

Paisiblement je vagabonde sans objectifs

J'oublie hier, j'ignore demain


Au gré des rencontres j'interroge le réel

                     J'accueille les mots d'amour qui viennent du cœur

                      Je contemple une fleur...

                                   dont la beauté se suffit à elle-même

                Nul artifice

                                                          Nul théorie


Par la simplicité de sa présence

                                                  Elle est Vérité

Elle déploie ses pétales de soie à la chaleur du soleil

                                                A la caresse du vent

Elle offre son parfum à qui prend conscience de sa présence


Sur ce chemin de pleine conscience

Je remercie cet instant précieux

                           Qui jamais ne fera date dans la petite histoire des hommes


En ce lieu d'humilité où le silence est roi

Les pensées sur un nuage

                                 Je voyage dans le ciel azuré.


Soulagé du verbe devenu inutile

Je ressens le vivant qui s'anime autour de moi

                                                  En moi


Délicatement

                              Pour ne pas l'incommoder

J'effleure du bout du doigt l'infinie beauté de ce monde

                                Et je suis heureux


Enfin libre, je m'unis à la vibration du vivant

                       A la résonance du chant des étoiles

                     Champ de quiétude, plus vaste que l'univers.




Chemin-4 :

Pour une grande majorité d'entre -nous le point zéro, centre de vanité, se résume au Moi. Un Moi enflé par la superficialité de notre conditionnement acquis, par le poliçage de nos certitudes idéologiques.

La compréhension du tout, autrement dit du sens de la vie n'a que faire de ce type de séparations arbitraires

Plus l'homme s'absout des lois naturelles, plus il se déconstruit et devient ignorant . Il en oublie la valeur fondamentale de la connaissance intuitive, source d'éveil .

Le chemin vers la connaissance de soi commence avec la fin du questionnement. Ce chemin symbolise le présent et non le devenir, il s'impose dans la simplicité d'une relation familière avec la nature. Cette nature sacrée aujourd'hui terrassée par les méfaits d'un matérialisme primaire foyer d' idolâtries grotesques .

La lucidité rédemptrice qu'il ne faut pas confondre avec la voie du Non-être, voie prisée mais o combien incertaine , représente l'humilité du moi réintégrant son destin originel, en perpétuelle interaction respectueuse avec l'Autre. Cet Autre, qui, bien évidement ne se limite pas au genre homo sapiens, mais bien à l'ensemble du vivant.


De cette renaissance, perception de la liberté retrouvée, l'effort d'exister perd son sens, puisqu'il ne subsiste plus d'opposition et donc de conflits.

Maître de ses énergies, le corps-esprit apaisé contemple au delà de lui-même pour mieux s'imprégner de l'immanence de toute chose.


Cette harmonie heureuse,essence même de la réalité universelle, n'est autre que la vie.



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