Le poison

Jade Dorcier

"Finis les silences brûlant, les yeux emprisonnant, Finie l'eau noire aveugle qui coule dans tes veines, Tu dis, tu cherches, tu aimes, tu gagnes, Car tu te nommes Verbo..."

     Les ténèbres m'enveloppaient toute entière. L'air était saturé d'humidité et de poison. J'étais prise à la gorge par une main invisible, emprisonnée dans une toile d'araignée dont je ne voyais pas les fils. Mon corps tout entier semblait être de plomb, mes jambes tremblaient sous la pression croissante d'une force inconnue, mon coeur se comprimait dans ma poitrine. Je ne pouvais plus respirer, je ne pouvais plus bouger, mes poumons étaient en feu, ma gorge sèche et ma tête semblait être sur le point d'exploser. Toute ma force me quittait, je devais lutter pour garder les yeux ouverts. Mes cheveux trempés collaient à mon visage et un liquide poisseux coulait sur ma peau et tombait par gouttes au bout de mes doigts. 

     Anéantie, je tombai à genoux, la tête en arrière pour essayer tant bien que mal de respirer. Je n'entendais plus que le bruit assourdissant des battements désespérés de mon coeur. Je sentais le poison m'envahir à chacune de mes inspirations, couler dans mes veines et paralyser chacun de mes membres. Je le sentais remonter lentement dans ma poitrine pour atteindre mon coeur. Je savais que ma mort était inévitable, que j'allais mourir dans ces ténèbres et que personne ne viendrait trouver mon corps. Je ne voulais pas lutter, je ne pouvais pas.

"Arrête de te ficher de moi, je sais que tu es plus forte que ça!"


    Comment avais-je pu oublier...?

 

     Cette voix semblait lointaine mais avait résonné avec force dans mon crâne, me rappelant qui j'étais vraiment : je n'étais pas en train de mourir, j'étais en train de me laisser détruire par un ennemi que je pouvais aisément vaincre. La personne à qui appartenait cette voix me connaissait, savait de quoi j'étais capable et s'enrageait de voir que je ne me battais pas.

"Lève-toi!"

     La lumière se fit dans mon esprit et j'ouvris lentement les yeux. L'étau autour de ma gorge s'était desserré, mon corps allégé et l'air purifié. J'étais de nouveau libre de mes mouvements et je sentais une force nouvelle envahir ma poitrine. C'était une énergie lumineuse et fraîche, une énergie solide et inébranlable. Je me relevai et pris une grande inspiration. Les ténèbres autour de moi s'estompaient, le poison s'était évaporé et l'atmosphère s'était clarifiée. J'étais debout bien que blessée. J'étais prête à me battre.

     Je me sentais de plus en plus légère, comme si des ailes me poussaient dans le dos. J'avais oublié qui j'étais, oublié la force que je maintenais enfermée à l'intérieur de moi, oublié ce pour quoi j'étais là, mais c'était terminé : je me rappelais. 

     La réalité se reforma autour de moi. Mon ennemi se tenait là, face à moi, terrifié. J'avais déjoué ses plans, j'étais sortie de son piège et il s'était rendu compte que j'étais infiniment plus puissante que lui. J'étais déterminée : je ne laisserai plus personne essayer de m'écraser.

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