Le président Barack Obama a été "retenu"

Allain Louisfert

Lors d'une visite en France, le président des États-Unis se rend au château de naissance de Lafayette et se trouve retenu par l'équipage de l'hélicoptère chargé de le conduire à l'aéroport de retour.

                                  Allain Louisfert








              Le président Barack Obama a été « retenu »

                                               Roman




                                         Avant-propos

Œuvre de fiction, toute ressemblance, etc.







                                           La Fayette


En 2012 d'importants élus du Conseil Général de la Haute-Loire émirent l'idée d'une réception du président américain en exercice au château de Chavaniac-Lafayette, lieu de naissance du héros de l'indépendance américaine dans ce département auvergnat. Cette visite –à titre privé- aurait lieu lors de la prochaine visite officielle du président Barack Obama en France. Bien sûr, il faudrait élaborer toute une procédure aux niveaux des ambassades respectives, ce serait l'affaire des responsables des affaires étrangères des deux pays.


                                          Les vétérans


Mon nom ne vous « dirait » strictement rien aussi vous pouvez m'appeler Pierre-Alain tout simplement. Etant sensible aux affaires de défense, aux anciens combattants et à leurs intérêts, il m'arrivait quelquefois d'échanger des informations avec un Américain, James T. (Jimmy ou Jim pour les intimes) à qui nous avions, mon épouse et moi, rendu visite aux Etats-Unis en 1975, justement un an avant le bicentenaire des USA. (C'est plus précisément pour revoir son épouse – française - que ma femme avait connue dans son adolescence, que nous avions fait le voyage dans le Maryland). Ce monsieur, qui est devenu depuis un ami, avait quitté le Nord Vietnam deux ans auparavant, il faisait partie des équipages d'hélicoptères américains engagés dans cette partie du monde. Rappelez-vous « Apocalypse now » (pas très joli à voir, encore moins à vivre quel que soit le bord des antagonistes…) C'était toujours ce rêve atroce qui hantait ses nuits : des huttes en flamme, un hélico qui vivait ses dernières secondes de vol, une femme qui implorait quelques mètres en dessous, elle et ses enfants fauchés par la mitrailleuse…

Quand j'appris le souhait des Altiligériens de recevoir le président, j'en informai (sans arrière-pensée) Jimmy T. par mail pour lui parler un peu de notre « pays de Lafayette» : la partie de la Haute-Loire où nous habitons. Nous échangeâmes plusieurs courriers électroniques à ce sujet, Jimmy en vint un jour à exprimer un grief au sujet du peu de considérations que le gouvernement avait pour les « vétérans».

Le temps passa, je n'y pensai plus, un jour d'août 2013 la nouvelle de la visite en France du président Obama (sur fond de guerre en Syrie) fut annoncée. Etait-ce Bachar al Assad ou les rebelles, les responsables de l'utilisation des gaz mortels ? On opta pour Bachar… Vous avez, bien sûr, entendu parler des « grandes oreilles » américaines, il semble que des oreilles soient plus à l'affût des conversations téléphoniques que des mails (cela va de soi !). Car des mails nous nous en envoyâmes en nombre et ni la CIA ni le FBI ne s'intéressèrent à nous (apparemment). Jimmy prévoyait de venir en France à la même date que le président de son pays, quelques jours plus tôt pour prendre un peu de recul (dans quelle galère m'embarquais-je ?). Il va sans dire que nous n'avions ni l'un ni l'autre de réelles mauvaises intentions, tant pis pour nous si l'affaire tournait mal, nous n'étions pas du genre « massacreur » nous serions pris c'est tout et nous ferions face à nos responsabilités. J'appris par « l'Eveil du 43 » que le président viendrait seul chez nous en Haute-Loire, cela nous arrangeait…Son épouse et la compagne de notre président feraient les magasins du boulevard Haussmann à Paris et rendraient visite à des enfants nécessiteux. Il prendrait la ligne régulière Hexair entre Orly, où resterait stationné « Air Force One » et le Puy-Loudes, l'aéroport d'ici. Pour le retour, ce serait la même compagnie qui serait utilisée mais en vol à la demande car le président rentrerait en début d'après-midi à Orly, à une heure qui ne correspondait pas à l'horaire de retour « normal », beaucoup plus tardif. Il serait accompagné de deux gardes du corps seulement : un militaire américain et un homologue français ainsi que d'un membre de l'ambassade des États-Unis, c'était peu mais c'était son souhait. Nous aurions besoin d'un hélicoptère « Écureuil » (quatre places). Je vins à passer à l'aéroclub de Brioude où j'avais déjà fait quelques visites afin de parler de mes chers avions même si je n'avais plus pratiqué le pilotage depuis une éternité, bref je n'étais pas tout à fait inconnu en ce lieu mais il ne fallait pas qu'on se rappelle trop de moi ! On en vint à parler d'hélico, il y a un certain temps déjà j'avais vu celui qui était parqué dans un hangar de l'aéroclub et qui appartenait à une société qui – parmi d'autres missions – surveillait les lignes EDF de la région. En bavardant davantage, j'en vins à parler de mon ami américain qui viendrait bientôt dans la région et serait « tellement content de voler sur ce type d'appareil qu'il ne connaissait pas, ça lui permettrait peut-être de se familiariser un peu avec cette machine » et lui rappellerait sa jeunesse et ses vols de guerre sur un autre type d'hélico : le Bell Huey (UH-1 Iroquois).


                                         Le vif du sujet


La venue de président américain devait avoir lieu le quatre septembre. Jimmy arriva à Brioude le premier septembre, il logerait à l'hôtel, il ne résiderait pas chez moi pour ne pas attirer l'attention dans mon village (du nom de l'astre du jour), cette « opération » devant, vous vous en doutez, rester la plus discrète possible. Le lendemain, nous nous rendîmes à l'aéroclub, je présentai Jimmy, il n'y avait pas de problème de langue : Jimmy parlait bien le français puisque marié à une Française. Un responsable du club contacta le pilote de l'Écureuil qui se fit une joie de venir présenter son joujou à un ancien de l'US Army. Ils firent un vol de quelques dizaines de minutes dans les environs de Brioude : Issoire, retour par St Germain-l'Herm et Champagnac-le-Vieux, le moniteur était content de son élève qui avait « de bons restes » Il fut décidé qu'ils referaient un vol le lendemain et que Jimmy pourrait être « lâché » . Ce qui fut rondement mené le lendemain ! Le pilote en titre de l'hélico n'étant pas instructeur ne se crut pas habilité à demander son brevet et sa licence à Jimmy. Cela tombait bien : il n'y avait pas beaucoup de « missions » programmées en ce moment, ce qui fait que l'Écureuil A350 était disponible. Pour ma part, j'avais fait partie des équipages d'hélicoptères de l'armée de l'air en tant que mitrailleur appelé en Algérie, à bord de l'hélicoptère Sikorsky H34, il y avait donc fort longtemps. Aussi je me faisais une joie de revoler sur hélico (joie teintée d'appréhension, vous pouvez le comprendre étant donné le type d' « engagement » qui devenait de plus en plus précis)… Comme je l'ai dit plus haut, les « vétérans » des guerres américaines s'estimaient lésés : peu de considération, pas bien soignés des séquelles physiques et psychologiques, pensions dérisoires, ils ressentaient un abandon de la part du pouvoir (selon eux encore accentué depuis l'arrivée des démocrates bien qu'il y avait actuellement une « cohabitation » comme nous en avions connue une en France il n'y a pas si longtemps). Toujours selon eux, la venue de Barack Obama n'avait rien arrangé !

Pour en revenir à l'affaire, le quatre septembre au matin, nous nous présentâmes tous deux au terrain de Brioude vers 8 heures 45, le temps de sortir l'appareil, de faire le plein éventuellement, de faire la visite pré-vol, nous pourrions décoller à 9 heures 30 au plus tard. La confiance était totale envers Jimmy ! Donc l'arrivée du vol régulier d'Hexair est : 9 heures 30 au Puy-Loudes, le temps de sortir de l'avion, de recevoir les honneurs, il serait 10 heures 10 environ quand la voiture « présidentielle » (pour la circonstance celle du président du conseil général) précédée de deux motards de la gendarmerie, quitterait l'aéroport pour le château de Chavaniac-Lafayette distant de trente-cinq kilomètres environ, l'arrivée aurait donc lieu vers 10 heures quarante. Or, il faudrait que nous ayons atterri sur l'esplanade avant cette arrivée. Nous devions jouer le tout pour le tout, cet hélicoptère qui arrive de nulle part et qu'on n'attend pas ne semblerait-il pas « décalé » dans le paysage ? Peut-être mais après tout c'était « jouable » (je vous accorde qu'il fallait être « gonflé » ou inconscient). Nous avions une opération importante à effectuer : maquiller l'immatriculation de l'Écureuil, avec du scotch noir (type ruban adhésif d'électricien) cela ne devrait pas poser de problème majeur. Il fallut atterrir dans une clairière près du ruisseau Doulon au lieu-dit Baf..x (censuré !) Le lieu est souvent inhabité, un hélico fait un certain bruit audible d'assez loin mais c'est un endroit vraiment perdu, nous risquions seulement de tomber sur une bergère menant ses moutons, heureusement, personne en vue, l'immatriculation est : F-BEOT, elle est devenue F-BEQT, bon ce n'est pas du travail de « pro » mais qui ira regarder de très près ? Temps : moins de cinq minutes. Nous décollons aussitôt en faisant attention aux arbres si vite arrivés ! Direction Chavaniac-Lafayette, nous laissons le château de Servières sur son piton à notre droite. Puis c'est Saint Didier sur Doulon, Vals le Chastel, Paulhaguet et nous apercevons le château de naissance du marquis de Lafayette surmonté de la bannière étoilée sur notre gauche, c'est là que l'affaire se corse : dans une minute nous serons au sol. Le Ciel est avec nous, au moment de l'approche finale, la voiture officielle apparaît, personne ne s'occupe de l'hélico dont la turbine s'arrête lorsqu'on ouvre la porte arrière droite du véhicule mais le président, contre tout protocole était en place passager avant ! A l'arrière l'attaché d'ambassade américain qui servirait aussi d'interprète.

Presque comme n'importe quel touriste, le président, accompagné des membres du conseil général, des maires du Puy-en-Velay et de Chavaniac-Lafayette visita le lieu de naissance du premier américain de France (Héros des Deux Mondes) puis ce fut le moment des discours, d'abord celui du président du conseil général de Haute-Loire enfin celui de Barack Obama qui se dit honoré d'être ici comme chez lui en terre de France et d'Amérique et il insista sur l'amitié entre les deux pays (la France plus ancien ami des États-Unis). Ensuite on fit une rapide promenade dans le parc, l'Écureuil était bien visible… Puis il fut l'heure de passer à table au restaurant Lafayette (pas pour tout le monde, les capitaines américain et français furent oubliés !) On porta des toasts à l'amitié indéfectible entre les deux peuples puis les choses sérieuses commencèrent, je ne détaillerai pas le menu car je ne fus pas présent. Il est bien connu que le président US n'est pas spécialement gastronome, il s'accommode néanmoins de toute situation mais un hamburger et un Coca chez McDo lui conviennent aussi bien ! Comme vous le savez certainement, il ne se sépare jamais de son Smartphone (ou Iphone, je ne sais pas exactement), il fut appelé plusieurs fois au cours du repas, Michelle peut-être ? Quant à nous les hélicoptéristes, nous avions été bien contents de trouver nos sandwiches préparés par mon épouse avec une bouteille d'eau et une de rosé mises au frais dans une glacière portative, nous avons mangé sur l'herbe dans un décor enchanteur comme n'en avaient pas « nos officiels »!

La « météo » nous avait gâtés, comme souvent dans l'arrière-saison. Les militaires gardes du corps nous regardaient avec envie, eux qui avaient été oubliés et qui n'avaient rien à se mettre sous la dent ( !) Jim leur proposa même de partager, ce n'était pas une mauvaise idée comme entrée en matière, ils acceptèrent après s'être un peu fait « prier » pour la forme. Toujours pas de problème de langue, Jim commença à raconter sa campagne militaire … (pourtant une chose l'inquiétait beaucoup, vous savez bien laquelle : le temps passait, comment amener Barack Obama parmi nous ?) C'était notre jour de chance : vers 13 h 15, le président du conseil général vient vers nous, il ne nous pose aucune question sauf celle-ci : « Vous serait-il possible (en s'adressant plutôt à Jimmy) de conduire rapidement le président à l'aéroport du Puy car il doit rentrer rapidement à Paris pour s'entretenir de la situation avec le président Hollande ? »

- Bien sûr.

- Combien pourriez-vous prendre de passagers ?

- Jim (un peu pris au dépourvu) : deux.

- Bon, je vous les amène, merci.


                                      Encore plus dans le vif !


Nous avions, cela va de soi, inscrit toutes les coordonnées GPS des points où nous serions susceptibles de nous rendre, j'indiquai à Jimmy les prochaines : 45° 16' 25'' N et 3° 40' 10'' E, il s'empressa de les « entrer » dans le système de navigation, ça correspond à un endroit en pleine nature, en lisière de la forêt de Lamandie, à la limite de Cistrières et St Didier sur Doulon, à plus de 1000 m d'altitude, tout près d'un enclos à daims. Chose importante : nos cellulaires devaient être muets. Évidemment nos deux passagers ne pouvaient deviner à quel endroit nous avions choisi de les conduire. Le président arriva, décontracté comme toujours avec à ses côtés l'attaché d'ambassade US. Nous présentâmes nos respects au président qui nous salua fort gentiment. Je fis asseoir le président Obama à l'arrière ainsi que l'attaché américain. Je montais à la place passager avant, à gauche. Une minute plus tard nous étions en l'air. Nous faisions confiance au système de navigation, par sécurité je vérifiais qu'on ne s'éloignait pas de notre route, je connaissais assez bien la région. Environ huit minutes suffirent pour effectuer l'approche, je reconnus le parc aux daims et le petit plan d'eau, l'attaché d'ambassade demanda où nous étions, si nous avions un problème d'appareil (nous arrivions au point le plus critique de l'épisode !). A cet endroit, les portables ne « passent » pas. Une fois posés, il fallut bien dire la vérité : en préambule ils ne risquaient rien en notre compagnie, Jimmy exposa les raisons de ce petit « détournement » (je ne savais pas où me mettre) :

- Mr. President, as an American citizen I would like to introduce the complaints of veterans of the war in Vietnam... (la suite en français, maintenant) (Le premier étonnement de se voir apostrophé dans sa langue passé, Barack Obama prêta une attention encore plus soutenue aux propos de Jimmy.)

- Monsieur le président, en tant que citoyen américain je tiens à vous présenter les récriminations des vétérans de la guerre du Vietnam si mal considérés par la classe politique américaine et la population, nous qui n'avons pas hésité à braver la mort pour notre pays nous méritons davantage et au moment où vous vous apprêtez à envoyer nos soldats en Syrie (même si vous n'envisagez pas d'envoyer de troupes au sol), des citoyens américains, une fois de plus vont voir leur vie menacée.

- Monsieur, je peux comprendre votre détermination à vouloir améliorer la vie de nos vétérans et je salue votre courage d'avoir pris tous ces risques pour vous adresser au président mais d'un autre côté je vous désapprouve formellement et je vous demande de cesser immédiatement cette « retenue » (le mot est faible) et de me conduire rapidement à l'aéroport comme vous vous y êtes engagé, sinon je serais obligé de déclencher une procédure d'urgence qui vous serait très préjudiciable.

- Monsieur le président pouvez-vous me promettre de déposer notre requête à la prochaine session du Congrès ?

- Je ne garantis pas que j'aurai toute latitude pour le faire mais je ne vous oublierai pas de toute façon et quelque chose sera fait dans ce sens, j'en parlerai à Jack (John Kerry, ancien du Viet-Nam, proche d'Obama). Conduisez-moi ainsi que notre attaché d'ambassade où l'on nous attend. (Une chose est sûre : Barack Obama n'oubliera pas !) Nous enfilâmes chacun une cagoule comme des bandits de haut vol (sans jeu de mot), vous verrez pourquoi tout à l'heure. L'on redécolla, nous n'étions pas restés plus de cinq minutes près de la forêt, maintenant direction l'aéroport du Puy.

- Monsieur le président, nous espérons toute votre mansuétude, quelquefois il faut utiliser des méthodes pour le moins peu « protocolaires » pour faire aboutir nos revendications, comme disent les Français. A l'aérogare, on commençait à trouver le temps long, le président du conseil général avait dit un quart d'heure environ, les journalistes regardaient leur montre. Aurait-il eu un accident ? Il fallut encore près de vingt minutes depuis la forêt avant d'être en approche de l'aéroport, l'atterrissage eut lieu dans la zone d'activités sportives de l'aérodrome, à trois ou quatre minutes à pied de l'aérogare proprement dite. Le rotor à peine arrêté, nous saluâmes le président qui esquissa un sourire, je descendis pour ouvrir les portes, indiquai la direction à prendre, remontai à bord en place avant, la turbine n'était pas arrêtée, on redémarra en moins de quarante secondes. La cagoule ne nous a pas servi, on a eu affaire à des gens bien élevés, aucun de nos deux invités ne prit de photos avant ou après la séparation avec son cellulaire, à moins que nos cagoules les aient dissuadés, dans ce cas on ne le saura jamais. Maintenant l'appréhension ! Direction le nord de la Haute-Loire, il fallait que nous nous posions encore une fois dans un lieu désert pour corriger la petite « faute de frappe » sur l'immatriculation. Un quart d'heure et on se posa dans une clairière récente (après abattage d'arbres) dans la forêt, près de Ceilhac, commune de St Didier pour enlever la petite queue à la lettre O. Puis ce fut le dernier décollage pour Chaniat, Lamothe et enfin Brioude-Beaumont où nous rendrions l'appareil. Je pris la décision (judicieuse ?) de remettre mon portable en service avant la fin du vol et appelait mon épouse pour lui demander de venir nous chercher à l'aéroclub avec l'Espace Renault le plus vite possible. Ne pas oublier d'effacer les données GPS enregistrées, c'est chose faite. Donner un faux nom si on le demande, en fait tout prévoir, est-ce possible ? Nous avions un peu oublié l'heure, il était 14 heures 45, on ne nous demanda rien sur notre vol, (nos interlocuteurs toujours aussi enthousiastes), Jimmy dit qu'il arrivait à la fin de son séjour, bien sûr il fallut honorer les frais de vol (autour de deux mille quatre cents euros !) que Jimmy régla « rubis sur ongle » en espèces ; au moment de remplir la facture, c'est à quel nom ? Heureusement, nous étions prêts… Je vis notre voiture qui arrivait, nous prîmes congé.

Arrivés au S. (l'astre du jour comme nom du lieu-dit), nous prîmes une douche, je rasai ma barbe, Jim sa moustache (il essaierait de ne pas porter ses lunettes). Après les embrassades de circonstance entre Jimmy et ma femme, qui n'avaient pas eu le temps de se voir beaucoup, nous partîmes (avec la Clio cette fois) vers Lyon Saint-Exupéry que nous atteignîmes en deux heures quinze. Nous eûmes une petite frayeur : après la Chaise-Dieu, au moment de prendre la direction de St Étienne, deux voitures de gendarmerie étaient stationnées sur le bas-côté. Ce fut tout, nous ne vîmes plus de forces de l'ordre jusqu'à l'aéroport (elles étaient peut-être bien cachées). Jimmy devait décoller à 19 h10 pour Baltimore Washington (vol très long sur Lufthansa par Francfort) mais pas trop cher, il avait tellement dépensé pour l'hélico ! Nous avons décidé de ne plus parler des vétérans dans nos futurs mails. J'attendis son départ, enfin son passage en douane et police, apparemment il ne fut pas inquiété, ouf ! On se fit un signe de loin, nous reverrions-nous ? Je rentrai ensuite à la maison, la nuit suivante, je ne dormis pas très bien. Quelques jours plus tard, nous quittâmes notre résidence secondaire pour quelque temps et rentrâmes en région parisienne. Nous recherchait-on ? Quand nous revînmes au S. je trouvai dans la boite aux lettres une avis de la gendarmerie de La Chaise-Dieu m'enjoignant de me présenter pour « affaire me concernant », quelle nuit ! En fait, ça n'avait pas de lien : juste un problème de voisinage comme il s'en présente souvent à la campagne.


                         Les suites médiatiques et autres


Vous devez évidemment vous poser des questions sur ce qui se passa –dans les médias et en coulisses - après le retour de Chavaniac-Lafayette - et vous avez raison… Bien sûr cela fit « désordre » de voir arriver seuls à l'aérogare le président américain et l'attaché d'ambassade à pied, leur hélicoptère s'étant posé à trois cents mètres au moins… Les journalistes (BFM, ITV et la presse locale) ne se privèrent pas d'épiloguer sur l'incroyable légèreté de l'organisation avant de découvrir « l'énorme affaire » : le président avait été ni plus ni moins pris en otage. N'y tenant plus une journaliste de la presse audio-visuelle, dans un assez bon anglais s'était adressée directement au président :

- Monsieur le président nous ne savons ce que vous allez penser de notre pays après que nous vous ayons perdu de vue pendant plus d'un quart d'heure mais pouvez-vous nous dire ce qu'il vous est arrivé ?

- Tout d'abord je suis vivant et l'attaché de notre ambassade, comme moi, se porte bien ! (sourire). C'est une affaire interne à notre pays, si je puis dire, qui a fait que je me suis absenté quelques instants et surtout je ne voudrais pas que les autorités gouvernementales de la France puissent se sentir si peu que ce soit concernées et responsables.

- Monsieur le président, pouvez-vous nous en dire un peu plus ? renchérit quelqu'un de la presse écrite mais il n'obtint pas de réponse. Entre temps les officiels, les motards, les gardes du corps, les journalistes qui se trouvaient à Chavaniac-Lafayette avaient rejoint l'aérogare. Barack Obama fut assuré que les coupables seraient châtiés, le président américain insista sur le fait que c'était une affaire américaine qui se règlerait sur le sol des USA, il ajouta qu'il demanderait que tout ceci soit « étouffé » aux niveaux américain et français, de toute façon l'enjeu n'était pas capital. Il fit encore remarquer que le président français et lui-même avaient en tête des sujets bien plus importants (pensez à ce qu'il se passe en Syrie !) L'avion fut rapidement mis à la disposition du président et de tous ses accompagnateurs par la compagnie régionale et l'envol vers Orly eut lieu dans les trente minutes. Quelles furent les réactions du président français ? Eh bien, nous l'ignorons ! Les commentaires ne manquèrent pas en Haute-Loire, la droite et la gauche s'invectivèrent copieusement. BFM après quelques « manchettes » n'insista pas, quelques heures plus tard on n'en parlait plus, quant aux journaux du soir sur les grandes chaînes, ils restèrent muets sur l'affaire, on ne fit que quelques commentaires sur la visite privée d'Obama en Haute-Loire.

Les forces de l'ordre auvergnates s'activèrent encore quelques jours, la gendarmerie de Brioude enquêta à l'aéroclub, c'était inévitable ; ce qui dérangeait le plus les autorités était le manque d'informations (Obama lui-même n'avait rien « lâché » et l'attaché avait été certainement incité à ne rien dire non plus) on en restait aux supputations, même les plus invraisemblables, un journal de Brioude reparla du « terroriste de Brioude » un certain A. qui avait défrayé la chronique il y a encore peu de temps. On abandonna les contrôles routiers, les investigations cessèrent rapidement, l'affaire fut oubliée. Je n'avais rien contre !

Aux États-Unis, pour autant que je sache, aucune enquête n'a été effectuée (le FBI ne dira rien si on lui pose la question). Quelque temps après, je lus un article sur « le Monde » qui faisait état de considérables avancées dans la façon dont les vétérans (surtout ceux du Vietnam, qui avaient particulièrement souffert) étaient perçus… Jimmy devait se dire que son intervention n'avait pas été tout à fait inutile.


                           La politique suit son cours


Après le G20 et l'abandon des frappes programmées de la part d'Obama sur la Syrie, le fait que François Hollande va-t-en-guerre ait été lâché, pourrait-on dire par l'Amérique (mais est-ce vraiment le cas ?) c'est une nouvelle politique qui se met en place, les États-Unis voient leur prépondérance, en tout cas pour le moment, remise en cause. Les Russes n'hésitent pas à faire preuve de mauvaise foi en ayant l'air d'hésiter sur la responsabilité d'Al Assad quant à l'utilisation du gaz sarin et « roulent dans la farine » Kerry à Genève en faisant semblant d'accepter le délai d'une semaine donné à Bachar Al Assad pour fournir la liste des implantations d'armes chimiques et n'hésitent pas à démentir quelques jours plus tard. Pour ce qui est du recours à la force, il n'est plus question que Poutine accepte ! Bref, les Russes essaient de reconstituer leur influence passée face aux États-Unis.


                                            Epilogue


Bien sûr, ne rêvons pas, je ne pense pas qu'il faille voir une quelconque influence de notre part dans la décision finale de Barack Obama de ne pas prendre part aux hostilités envers la Syrie. Rappelez-vous seulement que Jimmy avait fait référence à des combattants (ses propres termes du quatre septembre : « au moment où vous vous apprêtez à envoyer nos soldats en Syrie (même si vous n'envisagez pas d'envoyer de troupes au sol »). Sait-on jamais, ces paroles n'avaient-elles pas pesé dans la balance ?

                                                                                     A. L.

                  St Didier-sur-Doulon septembre 2013

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