Le Printemps de Peter Flash (2nd extrait)

lucphilogyne

Ce texte est la propriété de Jean-Marc Lamothe dit Luc Philogyne.

Le bus démarra. Deux stations plus loin, le nombre de voyageurs commença à  croître, quand le trio assista à une étrange scène. Deux  filles vêtues de manière la plus voyante qu’il soit, firent leur entrée sans un mot puis fondirent dans la rotonde du fond. L’un d’entre elles, la plus en chair, déposa un énorme sac en plastique à ses pieds puis se mit à souffler bruyamment. La seconde manipula son portable tactile puis alluma le volume de façon à ce que la rangée voisine de la rotonde puisse être inondée du brouhaha sonore émis par l’appareil. Eric V. qui était le seul à ne pas avoir le casque, jeta un œil discret vers la rotonde puis détourna sa tête. Le manège des deux passagères dura une bonne dizaine de minutes, sans que personne ne puisse son mot à dire. A ce moment-là, une femme d’un âge incertain assise au dos de la fille au sac plastique se retourna puis demanda :

-          Pardon, pouvez-vous baisser le volume de votre appareil, s’il vous plaît ?

-          Quoi ?

-          Baissez le son de votre portable, s’il vous plaît.

Aucune réponse. Aucun geste de la part des deux jeunes resquilleuses.

-          C’est très désagréable de voyager dans des conditions pareilles, je paie mon abonnement et quand je prends les transports en commun, c’est pour supporter un bruit pareil auquel je n’adhère pas du tout. Personne n’ose l’ouvrir et...

-          Ben, fermez-la, madame. Et changez de place ! Pas plus compliqué que ça... fit finalement la fille au portable.

-          Comment ça, « changez de place ! » Sous prétexte qu’il n’y a pas assez de place pour nous tous, il faudrait qu’en plus, je change de place. Mais qu’est-ce que ça veut dire, ça, « Changez de place » ? Changez de place vous-même ! Changez de bus !

-          Bon, ça va. J’éteins pas mon portable. Je n’change pas de place. Le bruit ne m’dérange pas, voilà. Fin de l’histoire.

Le chauffeur du bus finit par entendre les clameurs du fond puis jeta à son tour quelques coups d’œil sans trop prêter attention en attendant quelqu’un apaise un peu le désordre. Quelques passagers osèrent quelques commentaires en directions des filles sans pour autant prendre position avec la dame outragée.  Le bus traversait la ville à fur et à mesure, du monde montait dans le bus puis la fille au portable se mit à monter le son.

-          Non, là c’en est trop ! fulmina la quinquagénaire au bonnet rose. Allez-vous finir par baisser ce portable, oui ou merde !

Les filles se mirent à rire. La fille au sac plastique finit par lâcher un merde significatif et bien articulé. La, la quinquagénaire fit un bond, faillit bousculer une jeune Africaine à lunettes, debout qui la séparait de la rotonde puis, d’un geste brusque, s’empara du portable de la fille. Sa copine au sac se leva à son tour puis administra une gifle suffisamment  bruyante pour qu’une partie des voyageurs tourne la tête comme d’un seul homme. Des cris se firent entendre, ainsi que des insultes.

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