Le pull

Je ne sais pas quoi vous dire…

…

Je suis désolé, hein, je ne sais vraiment pas quoi vous dire. Alors c'est vrai que j'aurais pu apprendre un texte mais je me suis dit : vas-y, lance-toi, improvise !

C'était peut-être pas une super idée en fait. Parce que maintenant que je suis là, face à vous…ben…je ne sais pas quoi vous dire...

(Guillaume enlève son pull et le garde à la main)

Bon, allez, j'essaie d'improviser. De quoi je pourrais vous parler… Ah ben de moi. C'est bien ça comme sujet.  Alors moi…

Ah mes passions ! J'adore le cinéma… Et…et vous ?

…

Vous n'avez pas froid ? (Guillaume tend son pull vers le public)

Non mais c'est pas facile l'improvisation. C'est une grosse pelote de laine, l'improvisation.

On essaie d'attraper un bout de laine, en espérant qu'on arrivera à défaire la pelote entière de manière fluide, enveloppante.

J'en connais qui sont très forts en impro. Ils te chopent un bout de laine, ils te déroulent un canevas, les mecs ils te tricotent carrément un pull. Des as de la torsade ! Pelote et re-pelote ! On croit qu'ils se mettent à nu, mais non, ils brodent, ils brodent, ils savent habiller leur discours, ils savent vous donner chaud. Pourtant on voit les fils !

Et pendant ce temps, je fais tapisserie. Mon discours à moi, il est décousu.  C'est ma croix. Ces mecs-là, les patrons, ils n'ont point de croix.

Moi si déjà j'arrive à trouver un bout de laine, en général, il ne fait que 2 centimètres, il n'est pas solidaire du reste de la pelote. C'est juste une chute. Une chute de laine, hein, parce que sinon moi les chutes…

Vous n'avez pas froid ? (Guillaume tend son pull vers le public)

Ou alors j'insiste, prêt à en découdre, je tire comme un con sur mon bout de ficelle, je te fais un gros nœud dramatique et là Bim !  C'est toute la pelote qui m'arrive dans la gueule.  Et ça m'énerve ! La pelote d'improvisation, j'ai envie de  lui foutre un crochet. Crochet du gauche, crochet du droit, des coups, des coups comme ça là ! Ouais des coups de théâtre. (pendant ce passage, Guillaume malmène son pull et finit par le jeter par terre)

Non mais on parlait de mes passions. (en ramassant son pull) J'adore le cinéma. Par contre le tricot… Je me sens trop tricard en tricot. Comme en amour. Puisque c'est le thème.

Mais en fait c'est pas de moi que je voulais vous parler. Je voulais vous parler de vous … mais on n'a plus le temps là… Rhaaa je suis nul. Vous avez froid là, non ?

…

Peut-être que ce que j'aurais du vous dire, c'est juste : « Mademoiselle, vous me plaisez. Si vous avez froid, je peux vous prêter mon pull. » 

(Guillaume remet son pull et sort)