le repos du guerrier

Olivier Memling

Dans ces îles sous le vent

dans ce monde d’un autre âge

tu étais venu en pèlerinage

et tu étais resté à moitié nu, à moitié boucané

entre ton faré, ton harpon, tes vahinés

Dans ces îles sous le vent

où sous les piquées des moustiques

les membres s’épaississent d’éléphantiasis

et sous les pluies des Tropiques

l’esprit de moiteur et d’oubli

nous avons partagé tant de ruines

qu’entre paludisme et crises de rire

tu as fini par presque tout me dire 

Tu avais trop peur de mourir

dans ton silence aux dures pointes de bambou

dans ton souvenir de rizière jusqu’au cou

dans tes cauchemars de guerre et de boue

que tu as fini par tout me raconter

avec des enfants et du napalm au fond des yeux

il en fallut des nuits et des feux et des grèves

des cailloux lavés par la vague et les torrents

des brancards de homards parmi les cochons noirs 

il en fallut des aubes de platine ou d’argent

dans les palmes et dans le vent

après la honte, après le pire, après l’orgie

au bout de combien de godets d’alcool de riz

pour te purger de ta jeunesse

au rythme des pilou pilou

des guerriers et moissonneurs

qui furent réducteurs de têtes

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