Le rescapé de Dana
Caïn Bates
Le regard vers l'horizon, une brise légère vient caresser mon visage brûlant avant de s'engouffrer dans mon casque d'os et de disparaître dans ma toison d'ébène. Le coassement d'un corbeau brise le silence glaçant qui plane sur la vallée, mon index glisse une fois de plus sur la poignée de ma dague. Je sais que le combat est inévitable alors, autant le provoquer pendant que je suis alerte. Mes adversaires sont des êtres abjects, vils et sanguinaires, faire couler leur sang ne sera pas un problème, bien au contraire. Après tout, c'est pour eux que je le fais, je ne fais qu'obéir à leurs volontés.
Le regard vers la vallée écarlate qui avait une teinte émeraude il y a encore quelques heures. Tant de sang versé, tant de corps mutilés, tant de lames souillées, et pourquoi?! La barbarie de l'Homme?! Son besoin instinctif à s'emparer de tout ce qu'il peut?! Un réel besoin de s'approprier un territoire dans le but de survivre?! Une pulsion totalement sadique?! Pas cette fois-ci en tout cas, j'ai ma part de responsabilité quant aux événements d'aujourd'hui…
Le regard vers le ciel, je peux désormais les voir fuir vers une paix futile, se laissant guider par la voix des anges aux allures de sirènes et leurs mensonges perfides d'un repos bien mérité. Ils sont bien sûr coupables de la haine, de la guerre et de la mort mais ils sont aveugles. Aveugles au serment illusoire de leurs dieux et de leurs promesses d'éternité paisible, aveugles à leurs corps de marionnettes estropiés dont le bois pend misérablement sous la dernière ficelle, aveugles aux douleurs qu'ils ont endurées et ont fait vivre aux autres. Ils étaient simplement coupables et ont été punis.
Le regard vers le gouffre qui s'étend devant moi, les vagues fracassent les derniers morceaux de cadavres sur les falaises escarpées. Les dieux ont perdus cette bataille, une autre que je remporte non sans la moindre modestie. Ils sont maudits de ma propre existence, celle qu'ils ont créée sans avoir eue le courage de la faire disparaître.
Les dieux sont comme les Hommes, ils payent leur lâcheté.