Le retour
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Elle avait le cœur lourd et les jambes tremblantes. Elle n'avait aucun moyen de calmer les battements de son cœur. Toutes ses astuces habituelles n'avaient pas fonctionné un seul instant. Elle se sentait oppressée par la pression qu'elle s'imposait. Elle avait toujours eu l'habitude de douter et de se perdre dans les questions qui la torturaient. Des craintes qui étaient souvent balayées d'un coup de vent dés qu'elle se lançait. Elle s'inquiétait longuement avant à force de s'imaginer une réalisation possible mais oubliait tout une fois qu'elle se jetait dans la bataille, se laissant submerger par sa créativité, ses envies et son plaisir.
Elle se trouvait souvent face au mur de comparaison qu'elle se créait à force de lectures. Comment passer au-dessus de cette immense haie qui lui semblait infranchissable ? Qui était-elle pour s'imaginer accrocher le plaisir des autres ?
Elle chassa ses pensées pour retrouver un terrain neutre, propice à la création. Un terrain stable et propre qui ne la ferait pas vaciller.
A bas les doutes et les inquiétudes. A cet instant il n'y avait qu'elle à qui elle devait plaire et qu'elle devait satisfaire.
La maison vide, personne pour la déranger. Elle était seule au monde, simplement attirée par la page blanche qu'elle avait ouverte devant elle et tous les mondes qu'elle cachait.
Elle avait trop peur de débuter son texte alors elle resta passive devant la page pendant un certain temps. Ce que ça pouvait être compliqué de s'y remettre après tant de temps ! Plus de six mois qu'elle avait décroché et elle ne se sentait plus aussi confiante en s'asseyant devant son ordinateur.
Pour se changer les idées elle fit défiler tous les dossiers déjà remplis d'histoires qui venaient de son propre esprit. Ca restait plus facile à imaginer qu'à mettre en œuvre. Dès qu'elle voyait ces fichiers, elle se sentait confiante et certaine quant à son retour. Mais une fois qu'elle devait se mettre au travail, tout semblait lui échapper, se cacher hors de sa portée. Et alors les démons de l'incertitude lui accrochait les mains et l'empêchaient d'aligner deux mots.
Aujourd'hui ce serait différent. Elle souffla longuement pour éloigner la chappe de noirceur qui enveloppait son corps. Elle allait avoir confiance en elle pour une fois.
Et tant pis si ce qu'elle notait était mauvais.
Et tant pis si ça ne convenait à personne.
Et tant pis s'il n'y avait qu'elle à l'apprécier.
Après tout, elle n'écrivait pas pour un public mais pour elle-même, pour se procurer du plaisir et apaiser son esprit. C'était exactement ce qu'elle comptait faire en s'installer à son bureau ce jour-là. Mais comme toujours, toutes ses questions étaient revenues la trouver pour la rendre fébrile et l'empêcher de se détendre et de s'évader.
A présent, elle revoyait trop bien les livres qu'elle avait tant aimé et qu'elle trouvait si savamment écrit. Des livres qu'elle-même n'aurait jamais pu écrire, ne serait-ce que dans ses rêves.
On lui avait tant de fois reproché les secrets autour de ses textes mais elle n'avait jamais plié. Aujourd'hui, face à la perte de son inspiration, elle en était bien heureuse. Elle n'aurait pas supporté les questions pourtant bienveillante de ses proches : sur quoi travailles-tu en ce moment ? Tu nous le feras lire ?
Non. Elle ne le faisait pas lire, mais personne ne le comprenait jamais.
Toutefois, elle savait que ce jour-là elle aurait envie de le partager, d'ouvrir son temple aux autres. Peut-être pour les séduire, peut-être pour faire un peu de place en elle pour de nouvelles histoires. Peut-être alors que son retour aux lettres lui ferait du bien ou qu'il serait trop lourd à porter. On ne peut pas savoir avant d'avoir sauté.
Elle fit fi de toutes ses inquiétudes et de ses questions pour se lancer à corps perdu dans une nouvelle page de son histoire. Oublions les incertitudes et les doutes, ils ne peuvent que faire du mal et nous retenir. Aujourd'hui, elle se sentait prête à lâcher tout ce qui la retenait pour se lancer à corps perdu dans le flux de sa créativité.
C'était ce qu'elle pouvait faire de mieux pour elle-même. Ouvrir les vannes et laisser déferler son inspiration et ses idées jusque dans ses mains qui les feraient devenir matière. Même si tout ça avait été relégué au fond de son cerveau pendant un certain temps, elle sentait qu'il lui suffirait de peu pour que ça revienne avec force et fracas.
Elle n'attendait que ça. Se livrer corps et âme dans un nouveau projet pour oublier tous les tracas de la vie réelle. Se perdre dans l'imaginaire et flotter au-dessus de questions matérielles qui la retenaient toujours beaucoup trop.
Elle avait simplement besoin de retourner au fond d'elle pour trouver ce qu'il y avait de bon à créer et à partager.