Le retour du guerrier

violetta

Désir et sensualité chez les vikings

Il franchit la porte d'enceinte au galop, suivi par sa troupe armée jusqu'aux dents, dans un grand bruit de sabot et d'armes secouées par la course. Les deux grands vantaux de bois se refermèrent derrière eux tandis que la population s'amassait pour les accueillir. Ils avaient subi des pertes, des corps inertes étaient posés en travers de la selle de certains cavaliers, et déjà des cris et des sanglots se faisaient entendre. Des épouses, des mères, des filles, venaient de perdre un mari, un fils, un père, un frère…

Gunnar sauta de sa selle et étreignit le doyen du village venu à sa rencontre en tête des villageois, puis se tourna vers la population et déclama d'une voix forte :

- Vous dormirez en paix la nuit prochaine et les suivantes. Nos ennemis ne sont pas près de nous attaquer à nouveau. Leurs pertes ont été lourdes et il va leur falloir du temps pour s'en remettre.

Il laissa planer un silence qui fit même cesser les plaintes des femmes, et reprit d'un ton plus pénétré et vibrant :

- Prenez soin de vos morts. Ils sont partis en héros et se réjouissent déjà au Valhalla. Alors fêtez cette victoire vous aussi, vous qui êtes vivants et protégés grâce à eux !

Des hourras et des vivats jaillirent de toutes les poitrines, et une vive agitation s'empara de tous pour descendre les morts des chevaux, s'occuper des montures harassées, étreindre les guerriers victorieux, prendre en charge ceux qui étaient blessés, et commencer à s'activer pour les festivités du soir.

Gunnar, le visage fatigué, couvert de crasse et de sang, leva les yeux vers l'ouverture de sa demeure, juste sous le pignon de bois décoré d'entrelacs rituels multicolores. Il aperçut Hella qui tenait contre elle un enfant qu'elle allaitait, et qui lui souriait. Il sentit les muscles de ses épaules se dénouer un peu et prit brusquement conscience de l'épuisement qu'il éprouvait.

Il entra chez lui, et l'obscurité de la halle lui fut bienfaisante après la violente lumière des journées de combat, éclaboussées de sang, le fracas des armes, et les cris des guerriers des deux camps. Hella avait donné des ordres dès que le messager avait annoncé leur retour quelques heures plus tôt, et les serviteurs s'activaient en tous sens pour préparer le festin du soir. Un grand feu flambait au milieu de la pièce, et l'odeur des viandes rôties se répandait déjà. Les pas de Gunnar étaient lourds sur les marches qui le menèrent jusqu'à la vaste pièce où Hella venait de confier l'enfant aux bras d'une servante, et de rajuster la robe qu'elle avait ouverte pour le nourrir.

- Mon seigneur, dit-elle avec un sourire lumineux sur son visage modelé de sauvage du grand nord.

- Ma reine, dit-il en mettant dans ces simples mots toute la charge d'estime et d'amour qu'il ressentait pour elle.

Il alla vers l'enfant que la servante venait de placer dans sa nacelle, bien serré dans des linges qui lui faisaient comme un nid. Il passa doucement son pouce sur le dessus de la tête du nourrisson, là où les os non refermés encore laissaient la place à une membrane souple qui semblait palpiter.

Hella le regardait fièrement. Son homme, son guerrier, son seigneur et son égal.

- J'aurais tant voulu être à vos côtés, dit-elle d'un ton où perçait le reproche.

- Vous avez notre fils à nourrir.

- Je sais, mais j'aurais pu trouver une nourrice.

- Je sais, mais vous savoir auprès de lui m'a donné force et courage pendant cette campagne.

Elle inclina légèrement la tête pour accueillir ce qui était un hommage, et demanda à la servante de les laisser.

Comme la jeune fille s'éclipsait, elle dit à Gunnar qui avait levé un sourcil surpris :

- C'est moi qui vais m'occuper de vous.

Une main à plat sur son torse, elle le fit reculer vers un fauteuil dans lequel il se laissa tomber sans pouvoir réprimer un soupir de fatigue. Elle s'agenouilla devant lui et entreprit de lui ôter ses bottes. Il la regardait s'activer habilement sur les liens de cuir, et lui dit avec respect :

- Vous êtes la seule femme à ne pas perdre votre grandeur en vous agenouillant pour déchausser un guerrier.

Elle leva vers lui ses yeux d'un bleu de glacier et répondit avec tranquillité :

- Vous êtes le seul guerrier qui ne perdez pas votre grandeur en vous abandonnant aux soins d'une femme.

L'air vibrait entre eux.

- Vous êtes blessé, dit-elle en passant ses doigts sur les traces sanglantes.

- Ce n'est pas mon sang, mais celui de mes ennemis qui m'a éclaboussé.

- Et ça, dit-elle en appuyant plus fort sur une longue estafilade sur la tempe burinée de Gunnar.

Il frémit et elle eut un petit rire de victoire. C'est ainsi qu'elle masquait son inquiétude et sa sollicitude. Sous l'arrogance et l'ironie. Et il accueillait tout cela avec un frisson délectable. Elle apporta un bassin empli d'eau et entreprit de passer un linge mouillé sur le visage de son homme. Elle effaça les traces de sang et de terre mêlés, et nettoya précautionneusement la plaie à la tempe. Une sourde colère l'emplit envers l'ennemi sans nom qui avait causé cette blessure : si elle avait été là, elle aurait lui aurait passé son glaive au travers du corps.

- Les dieux n'ont pas voulu de vous cette fois encore, dit-elle les mâchoire serrées. Pourtant votre adversaire n'y est pas allé de main morte.

- Sven a tué le coupable sur le champ, ma reine. Et moi dans l'ardeur du combat, je n'ai pas senti la douleur et ai continué à faire tournoyer mon épée et mon bouclier, le sang de nos ennemis giclait sans arrêt !

Elle lui posa un doigt sur les lèvres. Elle ne voulait pas en entendre davantage. Même si elle connaissait ses capacités et sa force de combattant, elle lui en voulait encore un peu de ne pas l'avoir autorisée à l'accompagner. Elle le prit par la main pour le faire se lever, et entreprit de le dévêtir. La broigne de cuir, lourde de sueur et de sang, tomba sur le sol et il la repoussa du pied. Sa chemise de lin était collée à son torse, sale et déchirée. Hella la retira doucement, mais constata qu'il n'y avait aucune blessure, à part des hématomes. Elle jeta sur le sol le linge souillé et caressa du doigt la ligne des tatouages qui soulignaient les muscles durs du torse et des épaules. Il s'efforça de rester imperturbable tandis qu'elle commençait à dénouer les liens qui retenaient les braies à la ceinture. Elle se baissa tandis qu'il levait un pied puis l'autre pour l'aider à retirer ces vêtements comme s'il s'agissait d'une dépouille.

Avant de continuer, alors qu'il ne lui restait qu'un seul vêtement sur le corps, elle planta hardiment son regard dans le sien et lui effleura les reins de ses doigts.

- Tu joues avec le feu, le sais-tu, ma reine ?

- Mais tu aimes le feu, n'est-ce pas, mon seigneur ?

Et de ses doigts agiles, elle dénoua le dernier vêtement qui couvrait les reins et les cuisses de son guerrier, le fit glisser le long de ses jambes et s'accroupit pour l'aider à le retirer. Avec une ambiguïté calculée, elle effleurait son bas-ventre de son front et de ses cheveux, et faisait comme si elle ne s'apercevait pas du trouble instantané qu'elle provoquait.

- Oh, dit-elle en s'attardant sur une plaie au genou, vous avez une entaille ici, je dois m'en occuper…

Il éclata de rire, la saisit par la nuque pour la faire se relever et la plaqua contre lui :

- Ma chère femme, c'est vous qui m'infligez les pires tortures. Vous êtes terrible…

- Venez mon seigneur, vous allez me pardonner…

Elle recula, et lui, la tenant toujours étroitement enlacée, lui mordillait les lèvres tandis qu'il avançait pour se laisser conduire là où elle voulait. Derrière une tenture, à côté d'un feu de bois crépitant, un grand cuveau de bois tendu de toile blanche semblait les attendre. D'une torsion rapide et forte, elle pivota et fit basculer Gunnar dans l'eau où il s'abattit dans un grand jaillissement d'eau et d'éclats de rire. Sans attendre, elle fit passer sa robe par-dessus sa tête et enjamba le bord du cuveau pour le rejoindre dans l'eau. Elle allait s'accroupir dans l'eau en face de lui mais il la saisit sous les aisselles pour l'en empêcher et elle ne put que s'agenouiller, l'eau lui arrivant juste en haut des cuisses. Gunnar se repaissait avec gourmandise de la vision de son corps de guerrière, à peine adouci et arrondi par la maternité, plus désirable que jamais. Gunnar la lâcha soudain et appuya de toute ses forces sur sa tête, lui enfonçant la tête sous l'eau. Elle se débattit et jaillit de l'eau en crachant et suffoquant. Avec un cri plus rieur que rageur, elle se jeta sur Gunnar en lui martelant le torse de ses poings. Il lui attrapa les poignets, lui mit les bras dans les dos, et se pencha pour lui embrasser les seins. Elle commença à gémir. Il remonta doucement les lèvres le long de sa gorge, de son cou, puis l'embrassa avec voracité. Lui lâchant les poignets, il la saisit par les cuisses pour l'amener sur lui. De la main, elle guida son sexe jusqu'à l'orée de sa propre chair et se planta lentement sur lui, puis passa ses bras autour du cou de son homme, posa son front contre son épaule, et tous deux se mirent à bouger à l'unisson.

Leur plaisir vint rapidement, intense et brutal. Gunnar resta en elle, et quelques instants après reprit ses poussées, plus lentement, plus langoureusement, tandis qu'elle accompagnait son rythme en ondulant son bassin… La deuxième salve de plaisir les laissa apaisés, blottis l'un contre l'autre… Puis Hella se dégagea, se retourna, et posa son dos sur le torse de Gunnar, la tête sur son épaule, et ils restèrent ainsi de longues minutes, les yeux clos, ivres l'un de l'autre. Au bout d'un moment Hella frotta Gunnar, ce bain était tout de même destiné à le laver des traces de la bataille. Il se laissa faire, laissant traîner son regard et ses mains partout où cela lui plaisait sur le corps de sa reine qui s'activait tout près de lui…

Ils sortirent ensuite de l'eau, se séchèrent mutuellement dans de grandes toiles blanches, et allèrent s'étendre sur les fourrures de leur lit. Gunnar prit Hella dans les bras et lui dit :

- Pendant tout le combat, je n'ai pensé qu'à toi et à notre fils, et ceux que nous aurons encore. Je ne pensais qu'à garantir la paix pour que tu n'aies plus peur de perdre ce bonheur.

- Tu es le rempart de ma vie, murmura Hella. Devant qui tremblerais-je ?

L'enfant se mit à pleurer dans sa nacelle, Hella eut un mouvement pour se lever.

- Reste, dit Gunnar en se tournant pour sortir du lit.

Il alla chercher l'enfant et le posa contre sa mère. Il se mit à téter goulument et ses pleurs cessèrent instantanément. Gunnar les regarda un moment, profondément, intensément heureux et fier, puis frappa dans ses mains pour appeler la servante.

- Prépare nos tenues de fête. Nous devons nous préparer et festoyer avec nos guerriers et notre peuple.

Moins d'une heure après ils descendirent dans la halle emplie déjà de clameurs et de rires. Ils furent ovationnés, et s'assirent chacun sur leur trône respectif, un sourire radieux sur les lèvres.

 

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