Le retour du tsar
Jo Todaro
Trêve de poésie ! Le climat morose m'excusera bien quelque prose. Tant pis, j'ose !
Le Tsar est de retour. A grands coups de médiatisation télévisuelle et radiophonique pour se présenter aux français ou plus précisément pour présenter le nouvel homme qu'il est devenu. Nicolas 1er a vécu, voici le tsar Nicolas II, de retour d'exil. Comme Victor Hugo. A cette différence près qu'Hugo avait écrit « Les contemplations », « La légende des siècles » et « Les misérables » lors de son exil à Guernesey alors que notre empereur apparaissant comme l'ultime rejeton de la lignée des Romanov ne présente qu'un ouvrage à l'écriture blanche qu'il n'a sans doute pas écrit. Sa majesté a muri, sa majesté a compris. Enfin. Le grand tsar peut donc revenir, s'offrir et offrir à sa reine ce qui leur aura tant manqué : les fastes de la royauté. Pardon, je voulais bien entendu dire, et vous m'aurez corrigé, les fastes de la république. Le tsar et la tsarine sont donc de retour. L'homme certifie avoir à présent compris la sacralité de la fonction présidentielle. Après avoir occupé des fonctions ministérielles durant 6 ans avant de poser son impérial cul sur le trône présidentiel, il a enfin compris. J'avais jusqu'alors osé penser qu'une élection au suffrage universel consistait à placer les plus brillants d'entre nous aux plus hautes fonctions, à nous laisser diriger par les esprits les plus vifs. Onze longues années de pouvoir et trois années de réflexion pour cerner la dimension de la fonction d'élu. En termes de vivacité d'esprit, il me semble que l'on pouvait attendre mieux… Mais Nicolas II dit avoir réfléchi, il se confesse et effectue une auto critique dans l'espoir d'une absolution citoyenne à défaut d'être divine. Dans le vocabulaire juridique, une absolution inconditionnelle est un acquittement. Ce monsieur respectable qui traine plus de casseroles qu'un couple de jeunes mariés ricains partant en voyage de noces au volant d'une Ford mustang cabriolet 1965 reconnaît seulement avoir pêché par maladresse. L'homme est un sanguin, il aime d'ailleurs se présenter comme un guerrier. Mais de quelle guerre parle-t-il ? Ayons au moins la décence de laisser les honneurs de la guerre à ceux qui l'ont vécue. Nicolas Rambo reconnaît avoir commis quelques erreurs simplement parce que son tempérament de conquérant l'a poussé à réagir trop vite, de manière intuitive. Des réactions épidermiques qui lui offrent un statut d'éjaculateur précoce émotionnel dans lequel il se réfugie. Pfff… Tout cela ne m'inspire qu'un seul sentiment : le dégoût ! Un profond dégoût pour cette classe politique, tous bords confondus, qui n'a plus aucune considération pour la noblesse de la fonction publique. De Sarkozy amnésique à Fabius à peine chagriné par les quelques gouttes de sang écarlate sur le col de sa chemise blanche, en passant par Juppé condamné mais futur présidentiable ou Copé et sa considération toute bananière du principe même de l'élection, ils privilégient tour à tour leurs intérêts personnels ainsi que leurs prises d'intérêts au détriment de l'ambition collective. Le prochain grand homme d'état n'est sans doute pas encore né. Encornés, nous le sommes, par toute cette meute d'arrivistes acharnés obsédés par les responsabilités et pour qui le pouvoir n'a d'intérêt que s'ils peuvent en abuser. C'est à en vomir ! Une bande de clowns qui se sont auto-exemptés du devoir d'exemplarité. Tous ces discours dégueulés comme une soupe aigre composée de sempiternels ingrédients tels que devoir national, union républicaine, grandeur de la France. Et permettre à un ouvrier d'acheter des blousons à ses gosses avant l'hiver, rendre possible qu'un travailleur parvienne à payer sa facture de chauffage sans se demander ce qu'il mangera la dernière semaine du mois, caresser le doux rêve que chacun parvienne à payer sa taxe d'habitation sans plonger dans la dépression, n'est-elle pas d'abord là la grandeur française si chère à ces surdoués de la communication. Invitons-les à relire François de la Rochefoucault pour qu'ils reçoivent comme une gifle que « le propre de la médiocrité est de se croire supérieur ». Messieurs les impuissants, bien qu'avides de puissance, que vous puissiez crever de diarrhée plus qu'aiguë me ravirait. Comme il me plairait d'avoir le privilège de vous voir vous vider de vos idées putrides, de vos verbes et de vos maux jusqu'à en devenir livides, insipides et finalement vides.
Alors je vous le demande chers concitoyens, chers contemporains, chers consœurs, chers confrères et chers cons qu'ils nous croient, n'achetez pas leurs bouquins mal écrits, déjà écrits ou déjà mal écrits. Lisez de la poésie, pour rester en vie. Respirez le parfum des fleurs, même si elles appartiennent au mal, afin de ne pas suffoquer en reniflant les vapeurs nauséabondes qui émanent de cette république en putréfaction. Déçu ? C'est celui qui croit qui le sera. Tralala ! Il y a bien des solstices que je crois moins aux vertus qu'aux vices. Tout est fini. L'arrivisme a tué l'humanisme. Je ne me sens plus concerné par cette société toute entière vouée à l'avidité. J'ai cependant la grande chance d'avoir un père étranger. Au prochain dépouillement d'urnes, je m'auto-dépouille de ma nationalité française trop lourde à porter. Je ne me sens plus français comme eux, je ne me sens plus concerné quand ils s'adressent au peuple de France du haut de leurs piédestaux en contreplaqué. Je deviendrai dès lors un étranger, ce que je me sens déjà aujourd'hui, mais je ne sentirai plus responsable de l'état de mort clinique dans lequel ils ont plongé ce pays. Je ne veux plus collaborer à sa mise à mort en restant spectateur de cette corrida où quelques épouvantails en collants moule-couilles dorés et en chaussettes roses montantes s'amusent à planter des banderilles dans l'épine dorsale du taureau français. Toujours plus de banderilles pour éprouver la résistance de la bête, qui finira un jour par s'écrouler. En écrivant cela, croyez que je m'indigne, et pour la première fois, en conclusion je signe.
JO
J'applaudis à tout rompre ! J'ai de suite, bien naturellement, reconnu ce fameux "tsar" qui voudrait nous faire prendre des "vessies pour des lanternes " Oui, enivrons-nous de poésie, de fleurs, de paysages, ainsi nous maintiendrons notre tête hors de l'eau ! Merci, Jo, pour ce texte.
· Il y a presque 9 ans ·Louve