Le rêve de la charentaise écossaise
Amandine Macabies
Le rêve de la charentaise écossaise
Episode 1 :
- Bordel ! rumine Ophélie, elle n’était pas censée filer à l’anglaise comme ça…
- Fichtre ! s’emporte Alfred.
Ses envies d’envol se trouvent rattachées au plus bas, collées contre le bitume mou qui prend peu à peu la forme de ses sandales à scratchs. Quelle idée d’avoir inventé une horreur pareille si ce n’est pour pouvoir les enfiler et les enlever facilement, chose il est vrai qui leur convient parfaitement à lui et à ses orteils qui ont la fâcheuse tendance à dégorger à chaque coup de chaud, de stress, encore pire, les deux en même temps. Il en éponge le surplus d’un geste machinal avec son grand mouchoir à carreaux qui ne le quitte jamais malgré le dégout évident qu’il provoque chez Amélie. Amélie ! Ce prénom hurlé par leur fille, alors à l’avant de la voiture, avait bien failli les mettre dans le décor. Son retentissement jusqu’ aux tréfonds de son âme lui a comme tatoué la mémoire, une trace indélébile qui lui barre le front sans qu’il en ait conscience et a laissé un gouffre d’angoisse au creux de son cœur : il n’a aucune idée de comment ils se sont retrouvés sur la bande d’arrêt d’urgence à se liquéfier sous le soleil, les sandales à scratchs engluées et plus encore, son esprit qui n’a même pas remarqué l’absence d’Amélie à l’arrière de la voiture quand ils ont quitté le relais autoroutier. Il faut dire qu’elle a la fâcheuse habitude de s’endormir juste avant les pauses et d’en réclamer une dix minutes après. Il en a honte subitement mais il l’avait complètement oubliée…
- Elle ne répond pas sur son portable, ça fait dix fois que j’essaie…
Ophélie l’interroge de ses grands yeux de chat, les mêmes que ceux de sa mère qu’elle s’obstine à appeler par son prénom depuis ses dix ans. Cela a toujours désespéré Alfred qui rêvait d’une tribu avec labrador, break et joyeux bazar autour d’une piscine les après-midis d’été comme celui-ci. Mais elle, elle n’aime que les voyages qui dépoussièrent le quotidien, la moto cross à faire détaler les lapins et les bijoux clinquants de princesse en toc. Il lui a un jour fait remarquer que les deux derniers n’allaient pas bien ensemble mais son incohérence ne l’a jamais choquée moins encore son égoïsme qui lui va si bien. Est-ce l’apanage des belles femmes ? s’est-il souvent demandé… Il n’en reste pas moins seul à côté de la Mini noire aux rétroviseurs anglais à transpirer son coca tranche sous les yeux de plus en plus écarquillés de son unique fille de seize ans.
- Je ne sais pas quoi faire…
Son aveu d’impuissance ne semble pas surprendre Ophélie outre mesure.
- On retourne sur l’aire d’autoroute, on va au relais, quelqu’un l’a surement vue et elle doit tranquillement fumer ses clopes sans même prendre la peine de regarder son portable. Allez, bouge, merde quoi !
Alfred ne relève même pas l’écart furtif de vocabulaire et retrouve avec bonheur l’atmosphère glaciale de la voiture, saturée de relents de gauloise brune, qu’il a oublié d’éteindre et dont la clim tourne à fond crachant ses particules de nicotine et de goudron. Il enfonce l’accélérateur, la vitesse grise ses derniers neurones encore connectés, il rate la sortie sous les jurons d’Ophélie. Ils finissent par retrouver le relais et la place où ils devaient se rejoindre. Pas d’Amélie en vue ni même d’effluve ambré attestant de sa présence récente. Alfred sent à nouveau ses pieds flotter dans ses sandales.
- Je ne sais pas quoi faire…
Il n’a pas envie d’affronter le regard de sa fille qui pianote à nouveau sur son portable.
- Bordel, c’est pas croyable, elle nous fait quoi là. On va pas passer la journée à l’attendre. Pas foutue d’être à l’heure à un rendez vous…
Ophélie court aux toilettes. N’en revient pas. Trente minutes ont passé et Alfred tapote nerveusement le volant détestablement capitonné de la Mini. Il agite ses orteils comme si cela pouvait l’aider à faire de même dans son cerveau. Il allume la radio, sifflote le refrain de la chanson, essaie d’avoir l’air décontracté quand la barre de son front le ramène inexorablement au même constat : sa femme et maintenant sa fille ont disparu. Il ouvre la portière, avance un pied puis l’autre dans la vague de moiteur qui s’est engouffrée dans la voiture, puis se redresse difficilement, la main en visière dans l’espoir d’entrapercevoir ne serait-ce qu’un bout du tee-shirt rouge de sa fille ou le miroitement du soleil sur les immenses créoles plaquées or de sa femme. Des vapeurs de chaleur font onduler les arbres, les bancs et les poubelles au loin. Il se dirige à petits pas vers les toilettes dames. Entrouvre la porte. Personne. Pas même une petite mémé égarée ou une tripotée d’enfants braillards. Alfred ressort, déconfit. Des effluves acres lui font plisser les yeux ou serait-ce les larmes d’angoisse qu’il essaie vainement de retenir.
- Je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas quoi faire… murmure-t-il en une petite litanie tout en baissant les yeux.
Une créole. Plaquée or. Immense et si ridiculement petite sur la grande dalle de ciment. Son cœur s’emballe. Amélie ne serait jamais partie sans. Mais elle n’est plus là, il en est maintenant sûr. Donc elle n’est pas partie de son plein gré, oui, c’est ça, à son insu on pourrait dire… Si elle ne voulait pas c’est qu’on l’y a forcée. De force. Enlevée, ou encore pire, kidnappée comme dans les films. Il manque de s’étrangler de peur, glisse dans ses sandales inondées et s’étale dans un grand râle à côté de la créole de sa femme qu’il agrippe dans un grand geste de désespoir.
C’est devant ce spectacle navrant de débâcle paternelle qu’Ophélie réapparaît, brandissant le téléphone de sa mère.
- Qu’est-ce que tu fous à roupiller dans la poussière pendant que je me bouge, moi, bordel c’est pas vrai, t’es sûr qu’on est de la même famille ?
- Ha ça c’est sûr, tout ta mère, pas de doute… essaie Alfred l’air courroucé en essayant de se relever. Beau spécimen de ces immenses tortues, si vulnérables une fois sur le dos.
- Cherche pas, c’est bon, tu me gaves déjà, fulmine Ophélie en lui tendant la main. Bon, crise pas mais des gens ont vu une belle blonde démarrer en trombe avec un type. Et elle avait pas l’air de résister beaucoup…J’ai retrouvé son portable…
- C’est pas vrai, me faire ça à moi, comme ça, maintenant, une vulgaire chaussette qu’on abandonne parce que trop usée, trop utilisée, oui…
- Ne parle pas de pied, papa, ça tourne carrément au ridicule…
- He bien si, justement, une pauvre chaussette et en plus détrempée des larmes du désespoir d’être abandonnée sur le bord d’une autoroute miteuse sur la route de vacances que je ne voulais pas, que ta mère a organisées sans mon consentement plein et entier, vers le Sud, ha c’est sûr qu’on ne se sent pas seul, en plein mois d’août, Lyon-Labenne Océan, tu parles d’une épopée, toujours juste pour lui faire plaisir, ha, comble de la perversité, elle se jette dans la voiture de son amant dès Saint-Etienne…
- La moto, en fait, cross d’ailleurs…
Alfred s’étrangle, au bord de la crise d’apoplexie.
- Je ne sais pas quoi faire…
- D’abord arrêter avec cette phrase de loser. Ce que tu penses et ce que tu dis font ce que tu es… De plus, et c’est le plus important, j’ai trouvé ce mot d’Amélie, griffonné… tu comprends ce qu’elle veut dire ? « Sur la route des sanctuaires, en pèlerinage, hasta la vista mi amor ».
- Je ne reconnais pas son écriture…rumine Alfred l’air suspicieux.
- Et tu veux que ce soit qui ?
Devant l’évidence de la réponse, Alfred capitule et dans un lourd remue-méninge s’oriente vers la voiture, la démarre, actionne les essuie-glaces par erreur, s’énerve et se dirige cahin-cahot vers l’autoroute. Le Puy en Velay, départ du pèlerinage de Santiago de Compostela, qu’il lui avait toujours promis de faire un jour.
Ophélie ne sait pas trop si elle a bien fait mais un plan est un plan et il faut le suivre coûte que coûte même si son protagoniste principal lui échappe. Entre deux mots de travers, elle fait comme si de rien n’était.
La belle a enfilé son casque laissant échapper sa créole, l’or se perdant dans les boucles blondes avant d’atterrir sur le sol. C’est vrai qu’elle s’est toujours demandé comment elle avait pu tomber amoureuse de son ours de mari. Son fier chevalier, les yeux encore tout humides conduit à pleine vitesse sur la piste de terre qu’ils empruntent en direction du village voisin après s’être emmêlés dans le grillage délimitant l’aire d’autoroute. Elle espère qu’Ophélie ne s’inquiètera pas trop et qu’Alfred se rongera les ongles de stress. Il est vrai qu’elle commence déjà à n’en faire qu’à sa tête mais tant qu’à faire, un peu d’imprévu ajoutera du piquant à l’aventure. La moto s’arrête devant un petit pavillon mitoyen comme on en voit des milliers pullulant dans les banlieues dortoirs aux abords des grandes villes. Il ouvre la porte sur un capharnaüm digne du plus stéréotypé des célibataires.
- Paul, quand même, s’écrie Amélie la main en pince nez.
- Oui, je sais, je vous prie de m’excuser, répond-il, les larmes se mettant à nouveau à rouler sur son visage de jeune homme éploré. Vous savez, depuis … rien n’est plus pareil.
- Vous m’aviez promis de faire un effort. Déjà que vous avez oublié de m’apporter le paquet comme prévu, je me retrouve à improviser, non pas que cela me dérange mais ma fille risque de ne plus rien comprendre… D’autant que je ne trouve plus mon téléphone. Allez, dépêchez-vous ou je vais finir par croire que vous l’avez fait exprès.
Lourd regard plein de sous-entendus.
- D’accord, très bien, vous l’avez fait exprès. Mais à quoi cela vous avance-t-il ?
- J’aimerais que vous veniez la voir avec moi, vos longs discours me font penser que vous saurez lui parler, qu’elle comprendra. Mais d’abord, j’ai mon cercle dont je vous avais parlé qui m’aide vraiment beaucoup et auquel je voudrais que vous m’accompagniez, vous verrez, je fais des progrès extraordinaires…Juste une séance…
- Donnez-moi le paquet et je vais y réfléchir.
Amélie a dit cela pour se donner du temps et une contenance car elle commence à se sentir très mal à l’aise au milieu des boîtes vides de Mac Do et face à Paul qui ne lui avait pas tout dit sur Internet. Pourtant, depuis qu’elle a répondu à son offre, ils sont devenus très proches mais peut-être avait-il honte de sa situation, n’osait pas lui en parler par mail… Soit disant qu’il ne pouvait plus partir à cause de son travail… Que sa poule était malade et qu’il se trouvait débordé… Les torrents de larmes sur le parking de l’aire d’autoroute l’ont apitoyée mais le service qu’il lui demande lui pèse un peu… Elle-même ne reviendrait pas faire la béquille pour un déséquilibré comme Paul, incapable de vivre seul et de ravaler sa tristesse au bout de six mois d’abandon, certes brusque et implacable, certes pour un de ses amis mais il y a un moment où il faut se reprendre en main. Elle aimerait lui déballer tout ça mais il a une tête d’épagneul à s’appeler Droopy et elle a aperçu des bouteilles de gin à moitié vides flirtant avec d’énormes boîtes de somnifère. Amélie inspire un grand coup, se ravise tant l’atmosphère alentour est irrespirable, expulse tout l’air avalé à grand renfort de mouvements de bras et s’allume une cigarette.
- Je peux ? demande-t-elle sans attendre la réponse. Ok, je vais vous accompagner, souffle-t-elle, à votre cercle, chez votre chérie, mais une petite heure et après chacun repart dans sa vie … J’ai du pain sur la planche, moi, et appelez-moi donc les services de désinfection… ça doit grouiller de cafards chez vous.
Paul ne sait comment lui témoigner sa reconnaissance, s’approche pour la prendre dans ses bras mais comme elle est pendue à sa cigarette, il se ravise, ramène ses bras croisés sur sa poitrine et sourit : son instinct ne l’a pas trompé sur Internet. Ils enfourchent à nouveau la moto cross et roulent jusqu’à une maison des associations mais Amélie se doute bien que ce « cercle » n’est pas celui des amoureux des animaux à moins qu’on considère un cafard comme un ami domestique.
I.D. J.E.E.P.P. R. Forcément quand on débarque avec un coup de retard sur le groupe, on a l’impression qu’on parle chinois. Mais faut suivre les initiales. Pas les lâcher d’une semelle. Tant qu’on les suit, c’est bon, la demande tient la route et on l’obtiendra. Enfin, peut-être. C’est pas une science exacte. Ça dû leur prendre dix plombes pour trouver cette histoire de jeep, mais ça marche pas à tous les coups. C’est pas une science exacte. Forcément, on travaille avec de l’humain. Et quel humain.
- Ben y a tout pourtant : « I », j’ai clairement « I »dentifié ma demande. « D », j’ai « D »éfini ce que je voulais, très clairement. J’ai dit « J »e, ça c’est sûr, je m’en souviens très bien. C’est quoi déjà les « E » ?
- Ben, c’est bien là le problème, Paul, y a aucune « E »mpathie et tes « E »motions tu les jettes à la gueule de l’autre. Regarde Solène dans l’état où tu l’as mise alors qu’elle est censée être ta supérieure…
- C’est pas de l’affirmation, c’est de l’agressivité…t’as la bonne lettre de départ mais pas la suite…
- Ben toi tu m’as l’air bien sure de toi…pourquoi t’es là, hein ?
- Chacun sa merde, ça te regarde pas…tu fais chier…
Ca y est, une de partie. Dix de retrouvées ? Pas sûr. Sophie a claqué la porte. Personne ne sait si on la reverra la semaine prochaine. Ils sont tous tendus comme des strings. Pourtant les deux sont là pour les aider. À s’affirmer. Amélie est restée un peu raide sur le bord de la chaise qu’on lui a attribuée en lui faisant bien comprendre que c’était une immense faveur de raccrocher les wagons comme ça en plein milieu et elle se demande ce qu’a bien pu leur raconter Paul pour qu’ils l’acceptent. Comme ça, on dirait des gens lambda et Amélie cherche qui pourrait être l’institutrice ou la médecin dont lui a parlé Paul. Il paraît qu’il y a les passifs, les affirmés et les agressifs. Après cette séance édifiante, Amélie a le regret de constater que Paul fait partie du dernier groupe et ne se demande plus pourquoi sa copine est partie, tout comme cette Sophie. En claquant la porte.
Très content de lui et de la séance, Paul redémarre la moto sur laquelle le suit Amélie, totalement dépitée, cherchant ses mots pour se débarrasser au plus vite de ce boulet sur roues. Comment convaincre quand on est tout sauf convaincu. Ils roulent jusqu’à la tombée de la nuit pour atteindre un petit village sur la route qui serpente entre les collines. La lune est déjà haute quand ils arrivent devant une grande villa qui semble abandonnée tant le jardin est laissé en friche, le lierre ayant envahi chaque fissure du vieux mur de pierre, les ronces chaque recoin de ce qui semble avoir été un jour un potager. La moto arrêtée, Amélie frissonne dans le silence pesant et l’obscurité glaciale. Aucune lumière ne vient témoigner d’une occupation quelconque. Paul se précipite vers la porte d’entrée et frappe à s’en décrocher le poignet en hurlant « Pauline », le prénom de sa chérie, ça en a tout l’air.
- Vous voyez bien qu’il n’y a personne. Ça ne sert à rien de s’époumoner et moi je vais finir par chopper une angine à attendre dans cet air glacial. Venez, j’ai rempli ma part du marché, votre Pauline n’habite plus ici, c’est tout.
- Mais où est-elle alors, c’est impossible, cette maison c’était toute sa vie.
- Faut croire que sa vie a changé, vous devriez faire de même…
- Non, hors de question, vous m’avez promis de m’aider, de lui parler, nous allons la retrouver…
- Ce sera sans moi, je n’en ai rien à braire de votre histoire, je ne connais même pas cette pauvre fille qui, ça m’en a tout l’air, a tourné la page bien plus vite que vous…
Paul lui jette un regard tellement froid qu’Amélie en oublie l’air et le vent et se tait d’un seul coup.
- Je vous préviens, si vous ne m’aidez pas, je vous plante ici.
- Tant mieux, au revoir, bonne soirée, dit Amélie en s’éloignant.
Paul la rattrape en deux enjambées.
- Je vous préviens…
- Ça fait la deuxième fois…
- Eh bien je vous repréviens que si vous ne m’aidez pas, je retrouve votre mari et je lui dis que nous sommes amants depuis six mois et que nous allons nous marier…
- Ca m’arrange, de toute façon s’il nous a vu partir, il le croit déjà et au moins j’aurais retrouvé ma famille… lui répond-elle amusée.
- He bien alors… Paul semble à court d’idée… je vous harcèlerai jusqu’à la fin des temps, je ferai de votre vie un enfer, je vous rappelle que je connais votre adresse…
La peste soit de cet Internet et de leur accord, pense Amélie maintenant très agacée. Elle a peur de perdre son sang froid malgré la température hivernale de cette nuit d’été.
- En fait j’ai le choix entre être suivi par une portée de canards toute ma vie ou avoir une Twingo greffée dans le dos, en gros, c’est ça l’alternative, vous aider et m’embarquer dans une galère épouvantable, ou ne pas vous aider et vivre une galère épouvantable…
Paul a retrouvé son sourire car il sait qu’il a gagné. Amélie se rallume une cigarette et souffle chaque bouffée avec de grands gestes.
- Merde alors… ok, pour rattraper le coup, vous allez vous débrouiller pour trouver le numéro de téléphone de ma fille que je ne me rappelle plus, bien évidemment, et lui dire où nous en sommes…
Ophélie réécoute avec attention le message laissé par un inconnu d’un numéro inconnu qu’elle ne peut donc pas rappeler. Qu’est-ce que c’est que cette histoire d’otage dans une histoire rocambolesque de reconquête de sa femme : si Amélie s’occupe des problèmes des autres avant les siens, Ophélie ne sait plus quoi faire…ha non alors, ne pas ressortir les phrases toutes faites de son loser de père et se ressaisir. Aux questionnements d’Alfred, Ophélie répond par un large sourire.
- Tout va bien, un ami.
Cela fait plusieurs heures qu’ils arpentent les pitons rocheux du Puy en Velay et de ses alentours, à la recherche d’Amélie, qui aime tant les églises et les chapelles qu’elle a toujours dans son sac un joli foulard à fleurs pour se protéger les épaules ou la tête en signe de profond respect pour une religion à laquelle elle n’adhère pas cependant. À chaque tête enrubannée, Ophélie et Alfred sursautent, s’approchent doucement par côté dans l’espoir de surprendre la fugueuse. Les petites mémés dérangées en sont toute retournées. Maintenant Ophélie fait semblant et se demande comment faire dévier leurs recherches vu que le preneur d’otage lui a indiqué par où ils allaient passer sans même exiger une rançon ou quoi que ce soit d’autre du même type. Etrange. Peut-être Amélie s’est-elle montrée sous son jour le plus exécrable et cherche-t-il finalement à s’en débarrasser. Faut faire vite car il risque d’avoir aussi des envies de meurtres. Même si ce n’est pas bien loin du lieu où ils se trouvent, il va falloir y embarquer Alfred et là est toute la difficulté. La nuit est tombée depuis un moment maintenant, laissant place à une lune pleine et à un vent glacial qui font redescendre prestement le père et la fille en direction de la voiture.
La moto, où Amélie somnole à moitié, lancée à pleine vitesse sur les petites routes de campagne, n’aperçoit qu’au dernier moment la voiture, heureusement au ralenti et capitonnée pour ses occupants. Le temps d’un suspens, elle éclipse la lune pleine puis retombe dans un fracas épouvantable. Allongée, elle ronronne encore faiblement dans la poussière blafarde aux reflets goudron.
Scénario :
Episode 1 : lire ci-dessus
Episode 2 : Ophélie et Alfred partent dans la bonne direction suite à la demande de la jeune fille. Alfred, qui a une peur bleue de rouler la nuit, avance au ralenti avant de percuter une moto à lancée à pleine vitesse. La Mini étant bien capitonnée, Alfred s’en sort indemne. Ophélie a perdu connaissance. Alfred ne supportant pas la vue du sang et, trop occupé à surveiller sa fille en attendant les secours, ne regarde même pas du côté des motocyclistes qui ont été éjectés et gisent sur la bas côté de la route. Monologue intérieur où Alfred se débat avec lui-même pour affronter sa peur et aller vérifier s’ils sont toujours vivants. Echec. Les secours emmènent tout le monde sans qu’Alfred se rende compte une seconde que l’autre ambulance emmène sa femme. Le petit matin s’éveille sur les blessés avec son lot de retrouvailles et de rencontres, entre autres, une certaine Pauline, venue, elle aussi, veiller un blessé.
Episode 3 : Dans les allées du jardin de l’hôpital, Alfred, promenant Ophélie en fauteuil roulant, retrouve Pauline qui promène son labrador avec son blessé, Paul … Ils se lient d’amitié. Course de fauteuil roulant, repas pris dans le jardin, saute d’humeur de Paul, Alfred se sent mieux mais Ophélie a perdu une partie de sa mémoire récente et n’a plus aucune idée d’où devait se rendre sa mère. Elle avoue à son père l’histoire de la prise d’otage. Retour à la case départ. Alfred a signalé la disparition d’Amélie au commissariat, indiquant dans sa panique et pour faire accélérer les choses, que le preneur d’otage devait être agressif, ce qui, en soi, n’est pas totalement faux !
Episode 4 : Amélie, plus grièvement blessée, a été transportée dans un hôpital spécialisé à Lyon, pour se faire opérer, et doit rester un jour de plus pour récupérer de son intervention. Paul débarque dans sa chambre le jour de sa sortie, lui racontant ses retrouvailles avec Pauline dans de grands élans lyriques (Paul et Pauline, ce que c’est kitsch se rend compte Amélie) et comment il a pu la retrouver pour la re. Il la libère donc de ses engagements et s’apprête à partir quand Amélie lui demande de l’aider, elle, cette fois-ci, à retrouver sa famille, car, blessée, sans téléphone, sans numéro pour les joindre, elle ne sait vers qui se tourner. Elle se rappelle du plan mis en place par sa fille et elle pour amener Alfred à sortir de sa réserve et ainsi redynamiser leur histoire d’amour qui s’effilochait. Ils partent en direction du Puy en Velay. Paul omet de rappeler à Amélie qu’il a le numéro de sa fille, trop content d’être un élément capital dans cette recherche : il l’appellera en toute discrétion quand la situation deviendra intenable ou insolvable. Il passera ainsi pour un héros.
Episode 5 : Alfred découvre qu’il est en possession d’un paquet fermé qui a été mis dans ses affaires lors de l’accident : il a dû tomber de la moto. Résistant à la tentation de l’ouvrir (mais Alfred est très conventionnel, rappelez-vous !), il lui faut donc en retrouver le propriétaire. Enquête dans l’hôpital mais Paul, le jeune homme en question, est déjà sorti. Heureusement, ils ont son adresse. À défaut de savoir quoi faire pour retrouver Amélie – laissez la police faire son travail – Ophélie et Alfred se dirigent vers la maison de Paul. Poussée par la curiosité, Ophélie ouvre le paquet et découvre qu’il contient les fameux billets achetés par Amélie sur Internet. Une croisière de luxe en Méditerranée, peu de chance qu’il s’agisse de quelqu’un d’autre, justement sur la route qui les menait à eux… Ophélie raconte l’histoire à son père omettant de donner le contenu du paquet et lui disant que sa mémoire était subitement revenue.
Episode 6 : Visite du Puy en Velay d’Amélie et la petite troupe à la recherche de la famille de la blessée et rencontre avec le bedeau de la cathédrale qui leur raconte qu’un pervers accompagné d’une jeune fille importunait toutes ses paroissiennes les plus fidèles sous prétexte qu’elle portaient un foulard à fleurs. Amélie se rend compte qu’il s’agit d’Alfred. Elle essaie de joindre sa secrétaire, Corinne, au bureau, afin de récupérer le numéro de portable… que Corinne ne veut pas donner, ne voulant pas croire à l’histoire rocambolesque que lui raconte Amélie… La secrétaire connait bien son patron et ne veut pas se laisser avoir : Alfred serait bien incapable de participer à une telle histoire, lui qui aime mettre ses charentaises écossaises au bureau quand il fait sa pause de midi. Dispute entre les deux femmes mais Corinne a le dernier mot. Elle cherche tout de même à joindre Alfred pour le mettre au courant de l’hystérique qui a cherché à récupérer son numéro. Elle tombe sur la messagerie.
Episode 7 : Amélie, voyant son visage placardé sur les murs, se rend au commissariat. Longue explication de l’histoire rocambolesque qui les a menés là. Sautes d’humeur de Paul, en qui les policiers reconnaissent le preneur d’otage. Amélie et Pauline cherche à le défendre. Gros quiproquo, bagarre. Toute la clique mise en cellule. Les policiers cherchent à appeler Alfred qui ne capte pas dans le patelin de Paul.
Episode 8 : Après une nuit de tempête dans la Mini car il n’y a personne à l’adresse indiquée, Alfred est d’une humeur exécrable. Dispute avec Ophélie qui lui dit ses quatre vérités et l’informe du projet de sa mère et qu’elle n’a plus du tout envie de faire fonctionner vu que, de toute façon, il a dérapé dès son lancement.
Episode 9 : Sur la route pour rentrer chez eux, dans le silence pesant qui suit toute grosse dispute, le téléphone d’Alfred sonne enfin lui indiquant deux messages, celui des policiers et celui de Corinne. Mi-figue, mi-raisin, Alfred et Ophélie se rendent au commissariat pour retrouver les trois autres. Chacun se rend compte que tous sont liés depuis un moment. Dans le brouhaha des discussions, Alfred découvre avec bonheur sa tribu, avec même un labrador. Bien content que la croisière n’ait pas pu avoir lieu – et rêve de ses charentaises écossaises.
Epilogue :
Nuit torride dans une petite chambre confinée. Pauline et Corinne. Alfred sait qu’Amélie est aussi dans le coin mais pas dans la chambre. Il se retrouve avec elle sur le pont d’un bateau immense et luxueux. Paul est là aussi en train de discuter avec Ophélie. Sa tête se change en celle d’un labrador. Alfred baisse les yeux et se rend compte qu’il a ses charentaises au pied. Réveil brutal et angoissé. Alfred est dans son fauteuil, certes les charentaises aux pieds. Que l’aventure est agréable depuis ses pantoufles.