Le rêve de Yahn (L'AdK)

yahn


Yahn courait à en perdre haleine. Il longeait la falaise abrupte serrant Jess dans ses bras. Des boules de feu embrasaient le ciel avant de s'écraser dans les mers telles des milliers de soleils levants. Le souffle d'un projectile les plaqua à terre. Il sentit les flammes brûler ses vêtements et cuire son dos. Il roula sur le sol pour éteindre les flammes, se releva comme il put et reprit sa course. Dans la fureur des explosions il aperçut un chemin descendant le long de la falaise. La pente était abrupte et étroite mais il s'y engagea comme si le ciel venait de lui montrer la voie du salut. Cent mètres plus bas, la mer grondait d'une fureur inédite. Elle semblait participer pleinement du chaos, comme si sa voix venait grossir le feu du ciel et exprimer sa colère. Une autre météorite frappa la falaise tel un missile. Des gerbes de feu jaillirent du lieu d'impact. Le sol trembla et la lumière éclaira l'entrée d'une grotte. Yahn se précipita à l'intérieur essayant de reprendre son souffle quand soudain, le jour se fit en pleine nuit. Il vit une boule de feu si grosse qu'on aurait dit le soleil lui-même. Le silence se fit sur le monde. Plus aucun cri d'homme ou de bête ne vint accompagner la chute de cet astre sur Terre. La lumière était aveuglante. Alors ce fut le choc. La planète toute entière trembla comme prise d'un frisson d'horreur, et la nuit revint. Plus aucune météorite n'embrasa le ciel, la mer se retira pour disparaître à l'horizon suivie par un vent glacial. Il se passa une demi-heure sans qu'un bruit ne soit sur Terre. La mer et le vent s'étaient retirés pour décider du sort du monde. C'était le calme et le silence, un silence annonciateur de mort.
Alors Yahn entendit la fureur monter. A l'horizon un bouillonnement assourdissant. Et chaque homme, chaque être put contempler le mur d'eau effaçant ciel et étoiles en une vague de plusieurs kilomètres de haut. Un vent glacial souffla vers les terres et hurla dans les plaines comme pour annoncer la fin de toute chose. Yahn pria de toute son âme, serrant sa fille contre lui. Mais Jess, comme tous les justes du monde était déjà morte et il ne tenait plus qu'un corps sans vie. Les hurlements du vent déchiraient ses tympans. Il hurla de toutes ses forces mais aucun son ne pouvait se faire entendre face à la colère de la vie.
A cet instant, l'univers s'ouvrit en son milieu et Alia entra dans ce monde mourant, déchirant l'écran où se projetait le film. Elle criait pour se faire entendre de son père, tendant ses bras vers lui.
- Papa, papa réveille-toi ! Sors de là papa, viens avec moi !
Lorsqu'elle vit le mur d'eau, elle fut saisie à son tour. Une seconde, bouleversée, elle oublia ce qu'elle était venue faire. Elle regarda son père hypnotisé par la vague et sa mort prochaine. Près de lui, elle aperçut un agneau l'observant. L'agneau lui parla dans la langue des hommes et sa voix à lui était plus forte que la mer et le vent.
- Cherche ton nom en toi. Cherche ton vrai nom. Celui qui fera de toi ce que tu es et ce que tu seras, et prononce ce nom à haute voix face à la bête immonde.
Alors Alia s'accroupit à l'entrée de la grotte. Elle ferma les yeux, fit le calme en elle et trouva son autre nom, son premier nom. Elle rouvrit les yeux et son regard n'était plus le même. Fixant la vague comme un ennemi qu'on peut vaincre, elle dit dans La langue.
- Je suis le sixième sceau et moi seule peut décider du jour de la colère.
Ses paroles résonnèrent à travers le monde et la fureur du vent elle-même se tut. La vague cessa sa course folle, Yahn sortit de son rêve. Il était en sueur et continuait à hurler de terreur. Puis il se calma, conscient qu'il s'agissait encore de son cauchemar. Il essaya de reprendre ses esprits. C'est alors qu'il entendit les sanglots de sa fille. Assise devant lui, Alia pleurait toutes les larmes de son petit corps.

Extrait de "L'apocalypse de Kate"


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