Le rôle de ma vie

Aurelie Blondel

Partie 12

J'aurais aimé qu'il me réponde oui, mais non. Je suis toujours nue et j'en ai rien à foutre. J'ai juste la haine. J'ai passé une soirée qui m'a redonné goût à la vie. C'était pas un truc de malade pourtant, mais ça a suffit. Et en une réponse, je retourne à la case départ. Je ressens à nouveau ce vide en moi. Ma mémoire est embrouillée, j'en ai marre. Je veux me souvenir mais j'ai un frein. Je dois retourner dans cette baraque même si Gérald ne veut pas. Il m'énerve sévère lui aussi. C'est comme si je devais lui obéir sans qu'il me donne d'ordres pourtant.

Et là je réalise que je suis trop dépendante de lui. Il me loge, me nourrit, me prête sa caisse, me paye la fête foraine et c'est le seul contact qu'il me reste dans mon portable…

Je ne suis pas ressortie seule depuis mes déboires, j'ai perdu la notion du temps, je ne distingue presque plus la réalité. Même baiser… je ne peux pas.

Je commence à avoir froid mais j'ai la flemme de prendre le peignoir qui pend sur le chauffe serviette. Je cogite. Encore et toujours... Qui a dit que je ne pouvais pas sortir, dépenser le peu d'argent que j'ai ou même baiser? Je me freine toute seule, c'est ça la vérité.

«Gérald?»

«Oui princesse?»

«Arrête avec ça, je suis pas une princesse. Je suis libre, on est d'accord?»

«Oui naturellement. Pourquoi cette question?»

«J'ai envie de baiser»

«Euh là, maintenant, comme ça?»

Gérald a un air con. Je me suis mal exprimée et il pense que je lui propose de baiser avec moi. Je remarque néanmoins son regard qui en dit long. Il me mate. J'aime ça. Mais je ne baise qu'avec des inconnus. Désolée Gérald.

«Iris, je suis très flatté, vraiment, mais c'est pas comme ça que j'imaginais notre première fois.»

«Quoi? T'imaginais quoi?»

Qu'est ce qu'il raconte? Notre première fois… J'explose de rire et ça le vexe.

«Ah… Tu parlais pas de baiser avec moi…»

La situation devient carrément gênante. Je l'aime bien Gérald et même si tout m'énerve, je lui dois beaucoup et je ne veux pas le blesser.

«Je ne voulais pas te blesser. Je t'aime bien Gérald…» Il me coupe la parole sans me laisser le temps de finir de m'expliquer.

«Tu crois que je sais pas baiser peut-être? On t'entendrait crier dans toute la ville. Je suis pas que con. Tu veux pas de trucs romantiques, pas d'attaches, tu veux la lave dans ta bouche, la fièvre dans ton corps, tu veux pas des frissons mais l'orgasme. Tes seins pointent parce que t'as froid ou parce que j'ai raison?»

Voilà qui devient intéressant…

«Dans toute la ville? Je te savais vexé mais pas à ce point Gérald.»

«Me cherche pas Iris. Maintenant, dégage, t'as assez pris ton temps et je veux prendre une douche moi aussi.»

L'enfoiré!!! J'étais à deux doigts, voir un doigt, de le laisser relever le défi et il me jarte. Je suis frustrée et je déteste ça. Je me retrouve plus vexée que lui.


Je suis restée dans le couloir, emmitouflée dans ce peignoir bien chaud qui m'apaise un peu. J'entends l'eau couler de l'autre côté du mur dépourvu de toute décoration et je rigole intérieurement en me disant que la dernière fois où je me suis faite cette réflexion, c'était avant de me faire recaler de l'audition. Sur le mur de cette salle, il y avait un défibrillateur au moins.

Mon attention est soudainement attirée par des bruits. Je tends l'oreille pour bien entendre.

J'hallucine! C ‘est Gérald. Il grogne. Et pas de mécontentement. Il est en train de se branler sous la douche. Putain, c'est ça que j'aurais du faire quand j'y étais. Fait chier.

Je reste à écouter, je ne veux pas louper le clou du spectacle. Combien de temps avant qu'il jouisse?

Oh! Ressaisis toi pétasse! Je suis chez lui parce qu'il me vient en aide, je l'ai presque humilié et je ne lui laisse même pas un brin d'intimité. C'est pas correct tout ça. Mais depuis quand j'en ai quelque chose à foutre de l'être ou non? J'ai besoin de me sentir libre pour me sentir vivante. Puisque j'ai un mec prompt à me satisfaire à portée de main, pourquoi je m'en priverais?

J'ai pris ma décision et sans frapper à la porte, j'entre dans la salle de bain. Il m'a vu à poil, il va me rendre la pareille après tout. C'est une parfaite excuse remplie de mauvaise foi pour m'incruster en plus.

Et merde, je suis entrée au moment fatidique et je le vois se répandre sur lui dans un grognement intense. Trop tard…

«Putain Iris, qu'est-ce que tu fous là?»

«Ça se voit pas? Je récupère mes affaires dans ta machine lavante et séchante.»

«Dis plutôt que tu voulais mater…»

Je regarde son sexe et lui répond, en parfaite connasse: «Mater quoi?»

La frustration, surtout sexuelle, me rend mauvaise mais je sais que j'y ai été trop fort là.

«Je plaisante Gérald. T'auras qu'à venir me chercher quand t'auras récupéré.» Je lui lâche cette bombe tout en me léchant les lèvres et en regardant son sexe de nouveau. Si le message n'est pas clair là, c'est qu'il est franchement con.


J'ai attendu toute la nuit mais Gérald n'est pas venu frapper à la porte de ma chambre. Je suis d'une humeur de chien. Je me prépare et je vais voir Gérald.

«Il est passé où le double des clés?»

J'ai parlé sur un ton sec. Je sais qu'il comprend très bien pourquoi. Il ne sourit pas mais il a un air satisfait qui m'énerve.

«Oh t'accouche! Elles sont où?»

«Dans ma chambre princesse… Tu connais le chemin ou je t'accompagne?»

Il avait tout prévu l'enfoiré. Vas-y, joue, amuse toi. Je suis plus forte que toi à ce jeu là.

«T'auras mis le temps à récupérer dis donc.»

«Dans toute la ville princesse… J'espère que t'es en forme.»


Aurélie Blondel


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