Le rôle de ma vie

Aurelie Blondel

Partie 10

Heureusement que je suis assise sinon je tomberais sur le cul. Je ne sortirais pas d'ici… «Des menaces p'tite bite?» Il a vraiment cru qu'il allait me coller la frousse en me disant ça. Il oublie vraiment d'où je viens.
Ah s'il pouvait fermer sa gueule comme avant, il me fatigue le muet maintenant. En tout cas, ma réponse le fait tiquer. Il se rue vers moi mais je n'hausse même pas un sourcil. Il va faire quoi? Me montrer qu'il en a une plus grosse que son attardé de frère?

Il me choppe par le bras et m'oblige par son geste brutal à me lever. Il me fait mal ce connard mais je ne lui donnerais pas la satisfaction de le lui montrer. Il m'agrippe les cheveux et me coince le bras dans le dos. Ok, là je flippe mais je continue à faire la poupée de chiffon.
Il me conduit jusqu'aux escaliers et me gueule de monter à l'étage tout en serrant encore plus fort mon bras. Je lui obéis sans broncher et je grimpe avec nonchalance l'escalier. Ma façon de subir ce qu'il espère être une leçon d'intimidation le rend encore plus furieux. Allez vas y connard, montre moi ce que t'as dans les tripes… J'ai connu pire contrairement à toi! Arrivés sur le palier de l'étage et comme je me suis laissée faire, il en a oublié que j'ai deux bras. Faisant fi de la douleur que ça va m'infliger, je me retourne, je sens mon bras craquer, et je lui colle un uppercut en pleine mâchoire. Toujours viser les couilles ou la mâchoire. Ko assuré!

T'as vraiment cru que j'étais sans défense, baltringue? J'ai mal au bras au point de sentir mon cœur y palpiter mais rien à foutre, je vais partir d'ici. Ma naïveté est restée au vestiaire depuis longtemps contrairement à ce qu'il s'imagine. Je me méfie de tout et de tout le monde. J'arrive à la porte mais elle est fermée à clé. Je me dirige vers la grande baie vitrée… Fermée elle aussi. Je fais toutes les portes et toutes les fenêtres mais impossible de m'échapper. Soit il y a des barreaux aux fenêtres, soit elles sont condamnées. Je fouille frénétiquement les tiroirs et autres endroits improbables pour trouver des clefs mais rien non plus. Je comprends aussitôt qu'il les a sur lui. Très bien, allons y, on va en découdre.


Je remonte les escaliers. Il est toujours Ko au sol et je me marre. Je le fouille. Bah merde, il a pas de poches. Il se les est pas carré dans l'oignon quand-même? Je suis déterminée mais faut pas pousser non plus. Pas question de lui faire une fouille anale. Quoique… Je ricane de plus belle rien qu'en imaginant la scène. Je continue mes fouilles à l'étage. J'y suis déjà allée donc je me rends dans sa luxueuse salle de bain pour commencer. Je fouine, je retourne tout… Rien. J'ouvre une pièce qui semble être sa piaule. À part son plumard et son dressing, y a que dalle. C'est vite fouillé et il n'y a rien. J'ai le sang qui commence à bouillir là. Je déteste jouer au chat et à la souris.

J'ouvre une autre porte, ce sont les chiottes. Par acquis de conscience, je vérifie dans le réservoir de flotte et autour. Rien. Et impossible de se barrer par les fenêtres. Pas une question de hauteur, non. Une question qu'elles s'ouvrent elles aussi avec des clefs. Mais quel genre de malade se calfeutre comme ça? Il reste une pièce, la chambre d'ami je suppose. J'entre et découvre qu'il s'agit de son bureau. Là, y a de quoi fouiller. Je trouve un trousseau, je le saisis et commence à vérifier les fenêtres une à une ainsi que chaque porte de l'étage. Vu la taille, je savais que ça ne rentrerait pas. Je ricane de nouveau. Faut pas la sortir de son contexte celle là. Comme si c'était le moment de penser à des blagues salaces… Je me ressaisis et descends les escaliers quand je réalise qu'il n'est plus par terre, il n'est plus là. À quoi il joue au juste?

À peine en bas des marches que je le vois, tranquille Émile, assis dans son fauteuil, comme si de rien était. Parfait, reste où tu es. Je suis face à la porte d'entrée, j'insère une des clefs, c'est pas la bonne. Je jette un œil par dessus mon épaule, il me regarde, l'air indifférent. J'essaye une, deux , trois autres clefs mais ce ne sont toujours pas les bonnes. En revanche, la quatrième entre comme dans du beurre dans la serrure que je déverrouille. Bingo! Quand soudain je sens une piqûre qui me brûle les veines dans tout le bras droit.


Merci chère mère, tellement shootée qu'elle ne se rendait pas compte qu'elle venait de me dire où aller. J'ai pris le premier flingue qui venait. J'avais la nausée, le cœur au bord de l'explosion. Pitié, faites qu'il ne soit pas trop tard… J'ai visé la serrure de la porte et j'ai tiré. Mes oreilles sifflaient, j'avais un voile noir devant les yeux qui m'empêchait de distinguer quoi que ce soit. Mon tir n'avait pas suffit alors j'ai recommencé, jusqu'à ne garder qu'une seule balle à lui foutre entre pleine cervelle. Je n'étais plus moi-même, juste un animal prêt à tout pour sa survie et celle de sa meute, j'étais enragée.


J'ouvre les yeux. Je sens et reconnais cette odeur si particulière qui se trimballe dans les hostos. J'ai horreur des hostos. J'ai l'estomac qui brûle et la bouche sèche. J'ai tellement soif que je pourrais boire la mer et ses poissons. Je me sens shootée en revanche, faiblarde. J'aperçois la nuit par la fenêtre. Je n'ai aucun souvenir des heures qui sont passées.

J'ai de nouveau fait ce putain de cauchemar. Celui que je fais à chaque fois que je me mets une mine sévère. Elle devait l'être encore plus celle là pour finir en coma éthylique à l'hosto. Mais pas de le temps de niaiser. Je débranche ma perfusion moi même et dégage tout l'attirail médical qui me maintient prisonnière. Je ne sais pas l'heure qu'il est mais j'ai pas intérêt à être en retard au boulot. Va expliquer à ton connard de patron ce que tu n'es pas sûre de savoir toi-même. Il y a son frère qui me «protège» certes, mais ma méfiance ne s'est pas dissipée. Loin de là. Puis je me souviens. Ma fuite, l'hôtel, Vincent, Gérald… Je suis sûre que je ne l'ai pas rêvé ça. Qu'est-ce que c'est que ce putain de bordel?


Je me lève, convaincue de me fracasser la tronche par terre, de ne pas trouver mes affaires, de tomber sur le doc et l'infirmière chelou mais tout est calme. Ou presque.

J'entends un ronflement inconnu. Je tourne la tête lentement et j'aperçois Gérald, assis sur la seule chaise de la chambre, le visage enfoncé dans son manteau, en train de dormir. Qu'est-ce qu'il fout là après ce qu'il vient de me faire? J'enfile mes fringues à toute blingue pour me barrer et ne surtout pas aller à l'hôtel où je suis allée la veille. Au moment de prendre mon sac à dos, une main ferme m'attrape le bras avec délicatesse.

Mon bras me fait très mal, ce n'était pas un rêve. Il est bandé d'ailleurs. Je passe ma main dessus à la recherche de l'endroit où j'ai senti la piqûre et la brûlure mais je ne sens rien. C'est pas déconnant ceci dit puisque c'est ce qui m'a fait perdre connaissance et atterrir ici de nouveau.

La différence, c'est que je me souviens de tout mais ça je ne dois pas le dire. Je ferais mieux de feindre l'ignorance ou l'amnésie si je veux être en sécurité. Où puis-je être en sécurité maintenant? Je baisse la tête, mes cheveux me couvrent le visage et je sens mes larmes qui commencent à couler.

Gérald semble très surpris, réellement surpris. Il se positionne devant moi et me prend dans ses bras.

«Hey ma belle, je suis là, ne pleure pas. Enfin si pleure. T'as pas pleuré depuis longtemps toi.»

Sa voix est douce et son corps est chaud contre le mien. J'ai comme une sensation de bien-être qui me fait presque oublier ces dernières 24 heures. Je pleure de plus belle, plus bruyamment aussi. Je ne me retiens pas cette fois. Il a raison. Je veux me montrer forte et indifférente mais je me sens seule, méprisée, partout où je vais, je suis paumée, je ne sais même plus ce qui est vrai ou non.

Ce que je redoutais est entré pile à ce moment, quand je commençais à me laisser aller un peu. Le docteur entre dans la chambre et me sermonne sur ma conduite, qu'il faut attendre un avis médical avant de se lever.

Pourquoi fait-il comme s'il ne me connaissait pas? Je ne comprends pas. «Vous ne me reconnaissez pas?» Le doc rougit.

«C'est à dire que je vois tellement de patients défiler… Je suis désolé. Est-ce que j'aurais dû?»

«Est-ce que vous auriez dû quoi Docteur?»

«Vous reconnaître...»

Je le vois jeter un œil inquiet vers Gérald. «Est-elle tombée en se levant?». Gérald lui répond non de la tête.

«Ne vous inquiétez pas, c'est naturel de se sentir confuse après un traumatisme. Mais vous êtes entre de bonnes mains. Vous avez la chance d'avoir un ange gardien solide.»

Mais de qui parle t'il? De Gérald? C'est lui qui m'a envoyé tout droit ici.

«Hey? Iris? Ça va? T'es sûre de ne pas vouloir rester un peu plus ici?»

«Oui je veux bien. J'ai pas envie que tu me séquestres à nouveau.»

Il me regarde, crédule, comme s'il ne comprenait pas. C'est lui qui aurait du passer des auditions tiens. Sacré comédien.

«Qu'est-ce que tu dis? Qui t'a séquestré? Quelqu'un t'a fait du mal?»

Je réfléchis à ce que je devrais faire. Lui expliquer. Trop risqué. Rester à l'hosto. Pas question. Partir seule. Impossible. Le mieux est de jouer le jeu. Peut-être me fier aussi à ce que j'ai ressenti quand il m'a pris dans ses bras. Je n'ai pas eu de réflexe de recul. Habituellement, les étreintes me font fuir. La baise oui mais les câlins, non merci.

«Je dois être encore perturbée. Si j'ai bien compris, tu veilles sur moi provisoirement c'est ça?»

«Bien sûr que oui, j'ai déjà récupéré toutes tes affaires chez Romane. Elle est en garde à vue cette garce. Mais tu seras plus en sécurité chez moi.»

«Euh d'accord mais je vais dormir où vu que tu n'as qu'une seule chambre?»

«Quoi? Non, j'en ai plusieurs. D'où est-ce que tu sors ça?» Il me scrute, l'air vraiment inquiet. Si mon bras n'était pas bandé, je pourrais presque le croire mais bon, je joue le jeu. J'en aurais le cœur net.


Arrivés devant chez lui, il me demande d'attendre dans la voiture le temps pour lui de descendre mes affaires. Il revient rapidement pour me soutenir jusqu'à son palier. Il me demande si ça va toutes les 5 minutes, ce qui commence à me courir sur le haricot. Ah je me reconnais enfin un peu là. Mais je me remets à pleurer à chaude larmes en constatant que sa maison n'est pas du tout comme dans mes souvenirs.

Gérald accourt aussitôt et me reprends dans ses bras. Il me caresse les cheveux avec douceur. Il ne les agrippe pas cette fois. Mais est-ce que l'autre fois a existé?

Je ne sais plus, je ne me souviens de rien ou mes souvenirs ne sont pas bons et j'aimerais savoir. Le plus simple serait encore de tout lui raconter? J'ai plus rien à perdre de toute façon. Je n'ai rien, je ne suis rien. À ce moment, je réalise que je n'aspire qu'à une seule chose: mourir. D'aussi loin que ma mémoire me le permet, je n'ai jamais senti un tel désespoir. Je craque encore.


J'ouvre les yeux… Non pas ça, pas encore! Je deviens folle! Je regarde autour de moi, je respire à plein poumon. Pas d'odeur d'hosto. La chambre est spacieuse et raffinée, le lit est confortable, les draps fleuris sentent bons. Non, ça ne recommence pas. Je suis chez Gérald. Mon moment de panique s'évanouit aussitôt et je me blottis dans ces draps aux si jolis petits motifs de myosotis. Je profite de ce moment de sérénité encore un peu, je sais que ça ne va pas durer. Pourquoi ça durerait? Si j'étais née le jour de la chance, ça se saurait.

Je me lève et j'aperçois Gérald. Il est installé dans son canapé et semble jouer à la console. Il me fait signe de venir en me souriant tendrement et me tend un manette.

«Une partie?»

Incroyable. À 33 ans, c'est la première fois que je vais jouer à la console. Je fronce les sourcils aussitôt. Comment puis-je être sûre de ça?

Je pose la manette et Gérald me sonde de nouveau de son regard si tendre. Oh oh, qu'est-ce que tu fous Iris, ressaisis toi. Depuis quand je m'attendris comme ça devant une paire d'yeux?

J'ai pris ma décision et je me lance. Je raconte tout à Gérald. Tout depuis le début, depuis mon audition ratée. Il est là devant moi, bouche bée. Il ne semble pas en croire un mot. Il a un regard triste aussi.

«Comment tu peux penser une seule seconde que je te ferais du mal? Comment peux tu croire à une conspiration? Écoute, je te propose un deal. Prends ces clefs, ce sont celles de ma caisse. Tu te sens de conduire?» Je hoche la tête, les clefs dans la main, médusée par leur forme, leur matière et ne réalisant pas que je vais conduire, aller où je veux.


Je monte côté conducteur. J'espère ne pas avoir oublié comment faire. C'est comme le vélo de toute façon. Et je sais exactement où je veux commencer par aller. Dans le parc magnifique que je voyais depuis la terrasse de la suite du palace. Je veux m'assurer qu'il existe… Ou pas.

Mes réflexes sont bons.
Putain! Quel pied de conduire. Je ne veux plus jamais prendre le bus et j'emmerde les écolos. Je me sens si bien, si légère. Je ne sens même pas mon bras. Je roule sans savoir où je vais finalement et je me retrouve en dehors de la ville assez rapidement. Je le regarde, ne sachant quelle direction prendre. Il me sourit et me dit de m'amuser, d'aller où je veux, de profiter. Je ferme les yeux très forts. Je sais où je veux aller. Ce n'est pas dans le parc. Je veux aller voir cette maison. Il y a beaucoup de route mais j'ai la permission.

Gérald semble percuter aussitôt et me demande pourquoi je veux aller là bas? Que je vais me faire du mal inutilement. Puis il réalise soudain.

«Putain de merde! T'as tout oublié alors! Demi-tour toute princesse. T'es pas encore prête, crois moi. Laisse toi le temps. Vas ailleurs, s'il te plaît.»

En effet, je ne suis pas sûre de mes souvenirs. Entre mes cauchemars, mes souvenirs certains et les autres où Gérald est un sombre fils de pute alors qu'il est le plus charmant des hommes que j'ai eu la chance de rencontrer. J'opte pour la confiance, étrangement et je change de direction. Je n'ai plus rien à perdre de toute façon. Je roule toujours sans savoir où aller quand j'aperçois au loin des lumières de toutes les couleurs qui tournent. Un fête foraine!!!


«Merci...»

De quoi me remercie t'il? Mon air perplexe l'encourage à m'en dire plus.

«Merci de ne pas avoir insisté pour y aller. Je n'en ai pas le courage moi-même à vrai dire. J'ai pas remis les pieds dans ce bled depuis ce qu'il s'est passé.»

Je ne lui réponds pas. Je sais pas quoi répondre, je sais pas de quoi il parle.

«On était voisins...»

Oui, ça il me l'a déjà dit sauf que je m'en souviens pas. Pourquoi je ne m'en souviens pas. Il a vraiment pas l'air de mentir. J'ai vu la détresse dans ses yeux.

«Est-ce que je suis toujours à l'hôpital et je vais me réveiller encore et encore après avoir vécu des trucs sans les vivre. Je sais pas si tu comprends, moi je me comprends...»

«Non, tu n'es pas à l'hôpital, tu ne vas te réveiller là-bas, je t'héberge et ça me fait plaisir. Et Romane est belle et bien une sale garce qui a essayé de te buter. Ça, c'est vrai malheureusement. Bon, on fait quoi? On y va à cette fête foraine?»

Je suis partie sans argent et il n'est pas question d'être une assistée. Maintenant que je sais que la vie existe en dehors de ma ville, rien ne presse à y retourner. Je me gare sur le bas-côté de la route, je coupe le moteur et je pose ma tête avec lourdeur sur le volant. J'aimerais tellement me souvenir.

Je choppe mon sac à dos sur la banquette arrière et en sort la photo de ma mère et ma sœur. Je la contemple, je caresse le visage de ma sœur puis je vois celui de ma mère et je sens la colère monter en moi comme à chaque fois.

«Elles te manquent...»

J'éclate de rire. «Pas du tout!»

«Mais Lou?»

Putain il connaît son prénom. Qu'est-ce qui cloche chez moi bordel?

Gérald a senti la haine me submerger. Il prend mon menton entre ses doigts pour me forcer à le regarder. Il n'y a aucune haine en lui. Il me propose de faire le tour de mes souvenirs, il va m'aider à faire le tri. Pourquoi pas. J'allume une clope pour me donner du courage mais il me la prend et la jette par la fenêtre. «On fume pas dans ma caisse!» Ok, bah je vais aller fumer dehors.

C'est une fois sortie de la bagnole que je vois le paysage qui m'entoure. Des falaises d'un côté, d'où sortent des petites chauves souris attirées par la lumière des phares et dansent autour de moi avec leurs ailes de velours, et de l'autre côté la mer. J'aime la mer. Ça, c'est un vrai souvenir. Je crie à Gérald que je me souviens adorer me baigner, j'enlève mes chaussures, mes chaussettes et je cours sur la plage.

«Hey, tu fous quoi là?»

«Ça se voit pas pignouf?» J'éclate de rire, insouciante, la clope au bec. Je vais me baigner.

J'entre dans l'eau en courant, comme une gamine. L'eau est froide, je sens des algues s'emmêler entre mes orteils. Ça, j'aime pas. Autre vrai souvenir. J'entends monsieur pignouf gueuler des trucs au loin mais je l'écoute pas. Il m'a dit de profiter et c'est exactement ce que je fais.

Je nage, je défie les vagues. Les plus grosses bien entendu. J'adore ça. L'eau me paraît moins froide. C'est toujours meilleurs une fois dedans. Phrase de nécrophile. Je me marre toute seule de ma blague.

Gérald est pieds nus lui aussi, pantalon retroussé jusqu'aux mollets. Il sait pas ce qu'il loupe.

«Allez reviens s'il te plaît. Iris…»

Pas question. J'ai encore envie de profiter de la mer, des vagues et mêmes des algues. Il fait presque nuit noire mais je m'en fous.

«Viens me chercher si t'es cap couilles molles» Je le provoque délibérément pour qu'il vienne se baigner avec moi mais les gamineries, c'est pas son truc. Pourtant il joue à la console…

Très bien, il m'oblige à employer les grands moyens. Je retire mon tee-shirt que je trempe le plus possible et lui jette en pleine figure. Headshot, strike, 3 points! Il dégouline de partout et je suis prise d'un fou rire. Ça ne semble pas le faire marrer lui en revanche. Putain mais quel rabat-joie.

D'un coup, il se rue sur moi et m'appuie sur la tête pour me faire boire la tasse. J'ai un élan de panique pendant lequel je me dis qu'il va me noyer mais non, je ressors la tête de l'eau et je le vois, torse nu, en calbut, toujours l'air pas content, bras croisés sur son torse en mode défensive et me lâche un «T'es contente, on peut y aller maintenant?»

Encore moins maintenant qu'il est dans l'eau que je brasse pour l'arroser. «Arrête bordel, elle est glacée.»

«Rentre entièrement dedans couillon, t'auras plus froid.»

«T'es toujours aussi chiante qu'avant.»

Cette seule phrase m'a coupé net dans mon humeur joyeuse et insouciante.
Chiante comme avant...


Aurélie Blondel

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