Le sage et le lave-linge

Pierre Miglioretti

De sa seule et unique toge,

Un linge blanc immaculé,

A laquelle jamais il ne déroge,

Dont son corps toujours affublé,

Le sage n’omet les lessives,

S’y rendant de bon cœur,

Négligeant les femmes lascives,

Venues ici pour un autre labeur.

Souvent il s’installe et s’y fixe,

Se place face au tambour,

Regarde les vêtements en pleine rixe,

S’attache aux bruits sourds,

Que les étoffes imbibés,

Provoquant le hublot,

Lâchent totalement inhibées,

A la tête du ciboulot.

Dans cette cyclique itération  

Apprécie-t-il, sage oriental,

Cette image de réincarnation,

D’une existence moins sale

Après chaque passage,

D’une purification de l’âme

Par chaque aquatique massage,

L’engageant sur une meilleure trame.

Ainsi nouveau rituel hypnotique,

Son regard ne change de trajectoire,

Le rendant tout à fait apathique,

Pour ne pas dire hallucinatoire.

Quand l’essorage touche à sa fin,

Comme revenu au monde,

De son linge au frais parfum,

Il se saisit dans la seconde,

Pour remiser au vestiaire,

Ces tuniques propres et nettes,

Qui le font toujours austère,

Tout autant qu’il est en goguette.

Nul manuel de philosophie,

Ni même de livre Saint,

Ne mettent la laverie au défi,   

Au risque de contribuer au malsain. 


Août 2012

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