Le sale miroir et la grenouille

Ferdinand Legendre

Sale miroir,



Je te regarde, tu n'es que salissures,


Et d'un simple salut, je ne suis plus serein,


Tu n'es qu'une vitrine, qu'un léger coup de rein,


Tu m'évoques l'échec de toutes mes aventures,



Je laisse des mots fissures, des phrases brisées,


Le long des nerfs, dans le creux des veines,


Des marques sur nos peaux, J'ai du mal à viser,


Je vis à vive allure , à la parisienne,



A genoux, chuchotant dans un coin de la pièce,


Mes pupilles sont brûlantes, je me retiens de dire,


Que mes doigts sont humides, parfois couverts de cire,


Et que la nuit acquiesce,



Je danse et puis j'ai honte, je suis embarrassé,


Je fais un don d'organe sur un plateau d'argent,


J'écris chansons d'amours et ballades toutes cassées,


Des vies rafistolées que je raconte aux gens,



On me glisse à l'oreille "sympa ton personnage",


Je ne crois pas comprendre ce qu'elle veut insinuer,


Ca brille dans ses sinus, et puis dehors l'orage,


Couvre alors ses paroles, ses rires et ses huées,



Sale miroir,



J'invite ma douce amante à baisser sa culotte,


Ma langue n'est dérangée ni par le goût du sang,


Ni par le sentiment qu'on restera des potes,


Malgré l'amour naissant,



Je fais tourner le joint, je m'étais endormi,


C'est que me connaissant j'évite ce savoir-faire,


Je ne sais pas rouler je manque d'autonomie,


De glucides et de fer,



J'écris sur vos silences, sur vos petits secrets,


Ne me faites pas confiance, ne me révélez rien,


Car j'irai tout redire, sur les murs à la craie,


Comme le dernier des chiens,



Parfois je fais du mal et je ne ressens rien,


Certaines vont en pâtir, ce manque d'empathie,


N'a pas d'explications, je ne vois pas de lien,


Avec un bout d'enfance, un trauma du passé,


Un événement spécial, dont tout serait parti.



Sale miroir,




Tu me demandes d'être honnête et puis tu pleures après,


Derrière la fenêtre, des lignes et puis des traits,


On arrondit les angles, on se coupe les ongles,


Pour pouvoir mieux baiser.



Géométrie du cul,


Nos souffles en parallèle,


De moi tu es déçue,



Quand ta main me parcourt,



Quand tu me parles de toi,



Je n'attends pas mon tour,



-



je regarde le miroir,


J'aimerais le briser,


A la place je mettrais une photo de toi à poil,


Un truc un peu pin-up genre peint sur un avion qui va lâcher des bombes sur des enfants derrière,



-



Il aura fallu que j'ai plus de temps,


Manger les mots un peu plus longuement,


Pour accoucher comme une nymphe devant un étang,


d'un batracien obsessionnel de désir battant,



Mon amour est une putain de grenouille,


Tu veux lui faire un bisou?


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