Le saut

Lisa Martin

Ce que son prêt à faire les hommes malheureux...

Je m'avance sur le haut de cette immeuble, le temps est maussade.  Le ciel est d'un gris intense qui semble nous écraser. Il ne fait ni chaud ni froid et pourtant ce vent violent vient me râper le visage m'extirpant les larmes des yeux. Cette journée à elle seule résume le court de mon ignoble vie; terne, oisive, douloureuse et noyée de tristesse. Je viens me poser sur le bord, les pieds au bord du vide je me sens vivant, pour la première fois. Quelle ironie tout de même... Je me sens vaciller, une poussée d'adrénaline me traverse, transperce mon être. Je sentais tout au fond de ce corps incroyablement vide et déchiré, que le temps était venu de faire ce pas qui me délivrerait; qui me sauverait de cette souffrance infinie qui me ronge les os.

Je ferme les yeux une dernière fois, inspire cette air sale... Mais je ne saute pas. J'ai le besoin inexplicable de voir, de voir cette fin, cet arrêt définitif, je l'espère. Je regarde alors devant moi... Je reste là, debout, sidéré... Une fenêtre se tient face à moi... Dans le vide. Mais il m'est impossible de voir au travers tellement il y fait noir, un noir terrifiant qui me glace le sang. Pourquoi là ? Pourquoi maintenant ? Est-ce moi et le fruit de mon imagination?  Je n'en ai aucune idée, mais une chose est sûr. Il faut que j'ouvre cette fenêtre.

La peur s'installe en moi, elle me fait trembler, me glace, me tord le ventre. Je tends les bras, le temps s'arrête.

La poignée tourne, doucement. Tout se met à trembler... La fenêtre s'ouvre en un vacarme épouvantable, et cette brume noire m'enrobe, m'avale. Mon souffle se coupe, mon cœur s'affole, je fais un pas en arrière, essayant de m'échapper de ce brouillard meurtrier qui me fige, me tétanise, me tue à petit feu...

Et dans toute cette horreur, il me semble entendre une voix, oui c'est bien ça, une voix que je reconnaîtrais entre mille ! Cette voix dangereusement fluette, fine, infantile... Une voix que je n'avais jamais  oubliée depuis qu'il était parti... Les larmes chaudes et acides coulent sur mon visage, il est là!

-" Max! Max je suis là! " tremblant et étouffé le son sort de ma bouche tel un rescapé. De nouveau, la voix traverse le brouillard et m'atteint en plein cœur. Il n'y a plus de doute, je rassemble toutes mes forces pour faire ce pas qui me rapprochera de mon fils.

-"je suis là Max."


Signaler ce texte