le Serpent qui se mord la queue
Attiébaoulé Gounyoruba
Mail n1 : Zénobie à Cyrus
Salutations,
Mon cher Cyrus, je rentre à peine à Paris après quinze jours de vacances, et voilà que je suis assaillie de ragots!J'en profite pour te présenter mes condoléances pour tes fiançailles mortes nées. Je me moque un peu, pardonne cette mesquinerie de l'ancienne conquête délaissée. D'autant plus que je suis désolée pour toi. Je pensais que tu avais trouvé le bonheur mais voilà que ça n'a pas fonctionné, un peu comme nous. Non, je ne me réjouis pas, malgré ce ton enjoué et ironique, de ton chagrin d'amour, de tes larmes de rage , de tes cris de douleur en pleine nuit , de ton cœur piétiné par cette statue adorée . Comment l'appelle-t-on déjà? Arsinoé! A ce qu'on m'a dit,tu en étais fou comme jamais auparavant, pas même comme moi ou celle qui me précédait. Tu sais ce qu'on dit : on aime toujours plus la prochaine que l'ancienne, c'est souvent une révélation, celle qui nous est promise. Je te souhaite bien du courage si tu l'aimais autant, mais tu vas t'en remettre, tu le sais aussi bien que moi. Enfin , je te confie une anecdote pour te consoler ou te venger un peu: l'ex de cette Arsinoé, un certain Flavien, qui était m'a -t-on raconté son amour d'enfance, m'a fait une cour assidue, il y a trois semaines de ceci. Je l'ai rencontré à une soirée, nous avons discuté, sympathisé, il m'a raccompagné chez moi, je lui ai passé mon numéro. Nous sommes devenus amis, quoiqu'il a développé rapidement de plus grands sentiments non partagés. Voilà, j'espère que tu te sens mieux.
Bisoux, Zénobie
PS: nous sommes restés bon amis, tout de même. Je t'invite à boire un verre un de ces quatre!
Mail n2 : réponse de Cyrus
Salut,salut, ma belle Zénobie! Tu ne me croiras peut-être pas, mais tu m'as manqué! Où étais-tu passé, ma belle, ma rivale, mon égale? Tu as disparu juste après notre rupture, tu ne m'as plus parlé pendant un bon mois, nous nous sommes rabibochés, je me suis recasé avec cette Arsinoé, et tu es repartie aussitôt! Tu sais que malgré tout, je t'ai profondément aimé, peut-être pas autant que je l'aurais du, moins que certaines, mais bien plus que d'autres. Ah, belle Zénobie, tes cheveux bruns, ton visage droit et fier , et ta poitrine… Femme de chair pour un beau portrait de cristal! Je ne t'oublierais jamais et en souvenir de nos belles années passées ensemble, deux ans tout de même , un record pour moi, j'accepte ta proposition, mais c'est moi qui t'invite! J'insiste.
Arsinoé… Peut-être seras-tu agacée que je t'en parle mais mieux vaut évacuer le sujet dans une lettre pour éviter d'en parler à table. En effet, je l'ai aimé comme j'ai rarement aimé, excepté un grande passion de trois mois à l'adolescence pour une de mes professeures comme beaucoup de lycéens abrutis aux poèmes d'Apollinaire et aux bêtises de Gun and Roses. Enfin, il ne s'était rien passé donc ce chagrin , si douloureux soit-il n'est rien en comparaison de ce que je vis aujourd'hui. En général, je me lasse des femmes, sans te vexer, ma belle brune, mais pour une fois j'ai cru que c'était la bonne. Quand je l'ai vu à ce gala, une blonde éthérée, mince , pas trop grande, une beauté semblable à un diamant brut : polie sans être insipide et maniérée, d'une remarquable intelligence, la conversation la plus brillante, l'humour noir sauvage, la finesse d'esprit, la culture élevée, la curiosité insatiable, j'ai cru à une de ces filles décrites dans les films de Tarantino mais que je ne croyais pas exister réellement. J'étais accro en moins de deux semaines, ce qui ne m'était jamais arrivé, je te le dis franchement. Mais voilà, la belle ne parvenait pas à décrocher d'un amour du collège, le Flavien dont tu me parles. Il l'a relancé. Nous étions dans un trio amoureux insupportable. Elle a fini par le choisir, car lui seul la connaît aussi bien et lui donne tout cette sensation hors des sens. Ce sont ses propos. Tu es donc vengée, Zénobie, et celles avant toi, car je souffre comme un chien enragé désormais.
Bien à toi, Cyrus.
Mail n3 : Zénobie à Cyrus
Je suis de retour chez moi, et je ne peux m'empêcher de sortir mon smartphone pour t'envoyer ce message: ah! mon cher, quelle nuit après cette rencontre délicieuse. Comme deux amants qui ne se sont jamais séparés! Nos corps se connaissent si bien, ils ne tromperont pas nos cœurs. Peut-être ai-je tort : as -tu ressenti comme moi cette explosion du désir , l' extase poétique de nos baisers , cette harmonie parfaite de nos mouvements, cette symphonie des sens, ces cris du ciel? Rassure-moi sur cette impression de divinité, d'union absolue de deux surhommes nés pour la séduction, le sexe, et le plaisir. Comment cela pourrait-il être compris par une fille aussi romantique que cette Arsinoé, prude avant l'heure? On m'a parlé d'elle . Soutenait-elle à tous qu'elle n'embrassait qu'un homme dont elle était profondément amoureuse, rétive aux aventures d'une nuit ou d'une semaine, aux sentiments superficiels, à l'amour physique. Je suis étonnée qu'elle t'ait autant tourné la tête. C'est cette pudeur affectée sans dérision qui ennuyait Flavien. Il m'en parlait comme d'une pucelle dépucelée, pas trop coincée mais sans surprise,avide de sécurité. Cela te plaît-il réellement? Pas toi, mon cher Cyrus, tu es un passionné, un fiévreux, un coureur, un tailleur de jupons. Tu es né pour les sensations chaudes du midi, pour les danses ensorcelantes, les beautés du diable! Nous sommes faits l'un pour l'autre, je le sais, je le ressens, rassure-moi !
Ah, sais -tu que j'ai découvert un gros paquet de roses rouges à mon retour de vacances? Signé Flavien! Il me les a envoyées il y a trois semaines. Il me dit que je suis l'une des femmes les plus fascinantes qu'il ait jamais rencontrée, et qu'il aurait tout donné pour moi, dommage que je ne sois pas intéressé. Il s'en retourne vers des cieux plus sages ( allusion à Arsinoé) mais le feu brûle en lui et ne demande qu'à dévorer mon corps de sa fureur. Perspicace , il a bien vu que c'était peine perdue puisqu'il a repris sa chère Arsinoé. Je leur souhaite bien du bonheur! Je dois t'avouer quelque chose : j'ai un peu joué avec ce nigaud. Je ne sais pas pourquoi, j'avais un besoin fou de plaire. Je l'ai laissé un peu mariner avant de l'envoyer paître. Bien , il passera vite à autre chose, je pense.
Bisous, Zénobie
Mail n4 Réponse de Cyrus
Zénobie, ma belle, ce n'est pas très correct de partir en douce après notre nuit passionnée! Bon, je ne t'en veux pas, et nous savons que tu as des circonstances atténuantes. Toutefois, après ton mail, j'ai réfléchi. Oui, il y a toujours eu entre une nous une connexion qui ne s'explique pas, un truc puissant , sexuel, sauvage, voire destructeur. Je n'étais pas prêt , je crois, peureux que je suis. Tu connais les hommes: la vraie passion les fait tenir quelques temps, puis les fait fuir de peur de tomber sur une femme, une carmenita qui les fera faire n'importe quoi. C'est très rare, ce genre de femmes, même parmi les plus belles. Quand on en rencontre une , on la fuit aussitôt, ce sont de vieux lieux communs que l'on retrouve toujours. Passons, je crois bien qu'il faut retenter l'aventure avec toi, c'est mon destin. Arsinoé était une erreur, le passage obligé pour arriver à la maturité et comprendre qui l'on est et pour qui l'on est fait. Mon grand-père me disait souvent que l'on a deux grands amours dans sa vie : celui qui nous fait souffrir et grandir, voué à l'échec, et celui qui nous transforme et scelle notre avenir. tu es mon avenir, mon coeur.
Je me rends compte aussi que ton charme ravageur traîne beaucoup de cadavres : ce cher Flavien? Ah qu'il est doux d'être aimé par une femme convoitée, surtout lorsque l'amoureux en échec est un ancien rival victorieux! Si j'étais mesquin, je te dirais que tu as bien fait de tourner en bourrique ce mâle contemporain mais je suis un homme digne et je te blâme. Ça me rappelle que je ne l'ai pas toujours été, dans ma prime jeunesse évidemment. Je te raconte : j'ai fait un petit peu la cour à une fille très jolie que j'ai trouvé vite ennuyeuse. Pourtant, je remarquai qu'elle était séduite. Je n'ai pu m'empêcher de continuer un peu le jeu de séduction sans toutefois être très explicite : seulement jeu de regards langoureux, sourire en coin, clin d'oeil avisé sous-entendus malins, etc bien que je suis jamais allé plus loin. Je la voyais tourmentée par des questions, n'osant faire le premier pas, se demandant si tout ceci était sérieux où si elle était au début d'un complexe érotomane. Je me suis bien amusé, je le regrette. Pourtant, ma vanité fut la plus forte et je continuais ce petit jeu. Une fois, je l'ai invité à prendre un verre sans préciser que nous allions être rejoints plus tard. Pendant la première demie-heure , je lui ai sorti le grand jeu jusqu'à ce qu'elle craque.Le timing fut malheureux pour elle et je lui avouais que je n'avais que des sentiments amicaux. Elle devint cramoisie, humiliée pour assouvir ma minable fierté. Je ne sais pas si ce cher Flavien mérite une telle conduite venant de toi, ne serait-ce que pour voir si Arsinoé n'est pas qu'un bouton pour combler le trou de sa solitude, pour tester la force de ta séduction au delà de ses résolutions ou pour exciter ma jalousie naissante, car tu sais bien que nous autres humains nous aimons mieux quand l'objet de notre amour nous met en concurrence.
Bien à toi, Cyrus.
Mail5 : Arsinoé à Cyrus
Bonjour, Cyrus
Je tremble un peu en écrivant ce message Je suis bien consciente du mal que je t'ai fait. Il serait déplacé de m'excuser : c'est la vie qui suit son cours avec ses moments de joie intense et ses inévitables souffrances. Je sais que tu m'aimais beaucoup, à la folie peut-être , comme tu le disais. Je n'ai pu, malgré mes sentiments sincères et profonds, répondre tout à fait à cet amour. J'étais déjà liée, et comme tu l'as vu hier, à un homme qui ne le méritait pas. J'essaie de comprendre pourquoi je suis tant attachée à cet homme, ce qu'il a de plus que les autres- que toi! mais je n'y arrive pas, hélas! Flavien est le premier, tout d'abord, même si ce n'est pas une raisons. Et les quelques suivants n'ont jamais pu vraiment l'égaler. Cependant, je ne me lasse pas de lui autant qu'il se lasse facilement de moi. C'est un fardeau, je ne te demande pas de me plaindre, bien sûr, mais sache que si tu as souffert à cause de moi, je sais ce que tu vis , et je me permets d'être quelque part solidaire de ta douleur.
J'ai toutefois eu la force de le quitter. Je ne l'allais pas , après cette énième humiliation, le laisser rompre une nouvelle fois. C'est ma petite consolation, ma revanche. Il n'a pas même pas bronché et ma courte joie s'est envolée devant son indifférence. Il ne m'aime plus , m'a-t-il seulement aimé? Il l'aime , elle, ton ex copine à ce qu'on m'a dit, cette Zénobie. Il n'est revenu vers moi que pour l'oublier. Te rends-tu compte? Alors que nous sommes restés au moins sept ans ensemble, avec des hauts et des bas , des ruptures incessantes, d'autres relations! Enfin, je ne suis pas surprise, il m'a déjà fait le coup avec une certaine Abla Pokou, au lycée, une relation d'un an que dis-je! Elle l'avait aussi quitté, et il est revenu vers ! Je l'ai repris car Abla disait à tous qu'elle ne pouvait pas rivaliser avec moi, je me suis dit qu'elle avait quitté parce qu'elle pensait qu'il m'aimait toujours et pour toujours. Pourtant, elle aurait du insister, car une nouvelle fois il est parti et pour de bon cette fois! Je l'ai compris quand je l'ai vu avec elle, est-elle si formidable , cette Zénobie, dis-le moi, toi? J'ai compris que c'était fini. De toutes façons, il n' a pas cherché à protester ni à nier. Il m'a dit qu'il ne ressentait plus grand chose. Tu vois, malgré tout , comme c'est facile quand on aime plus! Quelle force il a sur moi! J'arrête de me pleurer, mon bon ami, vois comme je suis réduite à la misère à adorer ce qui m'aime peu et à ne pas aimer ce qui m'aime.
Cordialement, Arsinoé.
Mail6 Réponse de Cyrus à Arsinoé
Bonjour ma chérie.
J'ai reçu ton message hier. Je n'ai pas répondu tout de suite car j'étais un peu bouleversé. Tu sais, je ne t'en voulais pas. J'étais furieux contre mes sentiments, malheureux, je t'ai détesté mais s'en t'en vouloir. C'est paradoxal , mais c'est ainsi. Ce qui compte , c'est ton bonheur au fond, et je vois que ce cher Cyrus n'en est pas capable. Tant pis pour lui, les hommes chanceux sont aussi aveugles que leur déesse, dit-on. Et Zénobie… C'est une femme que j'ai aimée, un volcan, un bouillonnement intérieur incessant qui m'a lassé. Je comprends ce qui plaît à ton cher Cyrus, s'il n'est pas habitué à l'éclatement de la fougue féminine. Je n'ai pas connu tant de pareilles filles, mais Zénobie m'aimait trop, c'était trop facile, trop intense, trop extrême, et cela m'a épuisé. Et quand je t'ai rencontré : ta stabilité, ton intégrité, ton intelligence et ton calme en toutes circonstances m'ont fait succomber. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un comme toi, dotée d'une telle confiance, d'un tel optimisme!
Cela fait de moi ton serviteur à vie, ne rie pas , ma belle! Je crois que je t'aimerais toujours, car l'un de mes amis m'a dit qu'il y a des femmes que l'on aime pour toujours malgré la rupture et le temps qui passe. La blessure se cicatrise, ne fait plus mal, mais le sentiment palpite encore, comme un trait indélébile, une marque au fer rouge de la brûlure des baiser. C'est que tu ressens pour ce Flavien, c'est que je ressens pour toi. Et tu vois, je suis prêt à ramasser des miettes, à me contenter du quart de ce qu'il a eu. Je te l'avoue, avec un peu de honte, un peu de gêne, mais je te l'avoue , délaissant tout orgueil derrière moi, la fierté s'agenouillant toujours devant l'amour.
Si tu me revenais…
Bien à toi, Cyrus.
Mail7 Zénobie à Cyrus
CYRUS! Je te hais, toi et ta poule blonde!! Pourtant, je sais qu'elle n'a rien à voir avec ce plan, avec cette machination, mais tant pis, je la hais autant , non plus que toi, pour que tu souffres! JE TE HAIS! Tu m'as trompée, trahie, humiliée! Tu me tendais un piège quand tu as approuvé ce déjeuner mesquin avec Flavien! Quand je t'ai vu arriver avec elle , au restaurant, alors que j'étais avec c e crétin de Flavien, j'ai compris ce que tu préparais!
Tu t'es servi de moi, de mes sentiments, de ma vanité, de ma séduction et enfin de mes espoirs pour récupérer cette imbécile heureuse! J'ai cru mourir de rage quand Judéon m' appris que vous étiez de nouveau ensemble, quand il m'a raconté à quel point tu avais l'air heureux, qu'il ne t'avait jamais vu ainsi, et que cette Arsinoé racontait à tout va qu'elle ne s'était jamais sentie aussi épanouie, respectée, aimée , et qu'elle ne laisserait plus un homme la malmener de la sorte, qu'avec toi, elle se sentait en sécurité, choyée et toutes autres niaiseries de bonnes femmes! JE TE HAIS de l'aimer autant , de l'aimer plus que moi! Qu'a-t-elle de plus cette blonde anorexique, stupide et fragile? Des sentiments élevés? Une meilleure éducation? Ah , j'ai parfois l'impression que c'est son admirable stoïcisme, je l'ai vu ! que tu admires, ce sang froid à toute épreuve, cette maîtrise de soi, ce sentiment de supériorité, son charisme naturel! Tu aimes donc les femmes raisonnables, les passions simples, les baisers tendres, les peaux douces? Je te connais si peu en fait… Et je le paie cher.
Je ne t'embrasse pas, Zénobie.
Mail8 Flavien à Arsinoé
Bonjour Arsinoé,
Je ne sais pas si tu vas ouvrir mon mail mais je persiste à t'écrire ce message. Je voudrais que tu acceptes de lire que je vais dire. Je ne te demande pas de comprendre ni me pardonner, ma goujaterie a ses limites. Cependant, je veux te parler une dernière fois, pour que tu saches le fin de mot de cette histoire.
Arsinoé, je t'ai aimé comme un amoureux tendre, un peu jeune, mais sincèrement. Ensuite, comme un homme marié qui a perdu toute passion. Enfin, comme un frère. Ces dernières années ont été pénibles car je t'aimais même si je ne te désirais plus vraiment parce que tu étais là, parce que c'était facile. Je t'ai connu trop tôt , peut-être. Et pourtant, j'ai parfois l'impression que c'était l'évidence de notre relation qui a fini par me dégoûter. Tu es brillante, je le suis, tu es très belle, je pense être beau, tu es sociable, je le suis aussi, etc. Nous nous ressemblons comme deux frères jumeaux, et nous étions aussi inséparables. Identiques. Beaucoup trop. J'en aimé d'autres, même quand nous étions ensemble, et des moins belles que toi. Je te le dis à présent. Quant à Zénobie… Inutile de te décrire ce que je ressens pour elle, je t'épargne des souffrances supplémentaires. Sache seulement qu'elle n'a rien de plus que toi. Elle est bourrée de défauts, émotive, instinctive, d'une intelligence redoutable. Elle n'a rien de plus que toi, elle est seulement le contraire de toi, et c'est pour cela que je l'aime. Elle et moi n'avons rien à faire ensemble. Ce n'est pas mon ami, ni ma soeur, ni mon âme. C'est mon feu, comme la Lolita de Nabokov, celle qui me rend fou, me donne le tournis, m'oublie complètement.
Arrivons à toi, maintenant. Je te connais par coeur, ma chère soeur, je sais que tu es droite et fière. Tu es la noblesse de coeur à la cour des hypocrites et des menteurs. Tu ne joues jamais, tu n'es pas égocentrique et vaniteuse, tu n'es pas faible, tu ne manipules personne pour arriver à tes fins. C'est contraire à tes principes. Je n'ai pas eu cette noblesse avec toi, malheureusement. Lorsque Zénobie m'a repoussé, j'ai senti un vide en moi, une humiliation insupportable à ne pas être aimé par cette femme, de n'être rien à ses yeux. J'ai voulu reconnaître ce qu'est être tout pour quelqu'un. Et tu étais là. Alors, lâche que je suis, je t'ai reprise. Je voudrais m'excuser, mais c'est encore une lâcheté, je n'ai aucune excuse, surtout après ce que nous avons vécu toi et moi. En revanche, ne suis pas mon exemple: il ne faut pas que je déteigne sur toi. Ne t'engage pas dans une nouvelle relation pour oublier la précédente . C'est une faiblesse que je peux comprendre quand on a si mal, qu'on pourrait te pardonner car ce serait l'une des rares auxquelles tu succomberais mais ne cède pas , je t'en prie, car ce n'est pas digne de toi. Les meilleurs d'entre nous commettent des erreurs, et étrangement , c'est aux plus faillibles conscients de leur valeur de les arrêter quand il en est encore temps. Une façon pour nous , les faibles, de nous racheter.
Prends soin de toi, Flavien
Mail9 Arsinoé à Flavien
Bonjour, Flavien,
J'ai bien reçu ton message. Je l'ai lu. Ton discours m'a touché et ne m'a pas fait souffrir. J'apprécie le respect définitif que tu me portes, bien qu'il fût aléatoire. J'ai beaucoup réfléchi à ce que tu m'as dit. Tu as raison. Peut-être surestimes -tu un peu mon caractère , cela n'empêche que tu as raison. Je n'ai pas le droit de me servir d'un homme comme lot de consolation. Je n'aime pas assez Cyrus, pour l'instant , en tout cas. C'est trop précipité. J'ai donc décidé de le quitter , une bonne fois pour toutes. De toutes façons, j'ai besoin d'être seule, de faire le point, d'essayer de comprendre ce que je veux et ce que je recherche, bien que cela reste au fond toi que je veux. Suis-je peut-être moins responsable que tu ne le crois puisqu ‘au fond j'aime les amours tendres, sécuritaires; simples , un peu faciles. Je recherche peut-être un compagnon solide, un frère plutôt qu'un homme des bois tel l' amant de Lady Chatterlay. Je suis plus encline à la sécurité ordinaire d'un Lévine qu'à l'amour fou d'un Vronski ou d'un Rochester. Au fond, cette femme survoltée, Zénobie, qui te fascine tant, est-elle plus matûre, plus femme, plus profonde que moi puisqu' elle capable de sentiments violents dont je suis dépourvue.
Je te souhaite d'être heureux,
Arsinioé.
Mail10 Flavien à Arsinoé
Bonjour , Arsinoé.
Je constate avec plaisir que tu vas bien. Je me sentais coupable , à vrai dire, mon comportement étant l'équivalent du dernier des salopards. Ce n'est pas la première fois , et c'est évidement la dernière. Tant mieux..
Toutefois, je n'ai pas écrit ce message dont tu me parles. Il aurait fallu un courage que je n'ai pas. A vrai dire, quelqu'un a utilisé mon mot de passe à mon insu. Je l'ai confié à de rares personnes, mon frère seulement, mon meilleur ami Judéon ,et à Zénobie dans un moment d'inattention. Je vais le modifier de toutes façons, et renforcer la sécurité.
Enfin, j'ai lu ce fameux message dans » messages envoyés » et bien que je n'ai pas écrit un traître mot , je suis d'accord avec tout ce qui est raconté, excepté ta relation avec Cyrus, qui ne me regarde pas du tout. J'ai effectivement confié ces pensées retranscrites à mes plus rares amis, dont cette fameuse Zénobie, tout amoureux que je suis. Je me permets d'ajouter : j'aurais t'aimer autant que je l'aime, cette brune intempestive , qui d'ailleurs ne réponds plus à mes appels depuis quelques temps. Malheureusement, j'en suis fou, et je crois en revanche qu'elle ne m'aime pas autant que toi. Elle me préfère ce type, Cyrus,j'en suis sûr, celui avec qui tu es sorti. Ils sont restés deux ensemble. Elle l'a dans la peau, je l'ai compris maintenant. On dirait une ronde sans fin, comme un serpent qui se mord la queue.
Je te laisse, Arsinoé, et j'espère que tu seras la première à guérir de son venin qui coule dans nos veines.
Porte toi bien, Flavien.
Mail11 : Cyrus à Zénobie
Zénobie!
Tu m'as pourtant prévenu, petite garce! Tu as juré ma perte! Et tu y es parvenue! Ce message stupide, c'est toi qui l'a envoyé à Flavien, c'est toi qui l'a écrit mot à mot pour pousser Arsinoé à rompre avec moi! Nous soupçonnons tous ton subterfuge, Arsinoé , Flavien et moi! Pourtant ça n'a pas fait fléchir mon amour, elle refuse de me revenir car même si ton procédé est malhonnête, il lui a rappelé son honnêteté qui l'interdit de s'engager sans être assurée de ses sentiments!
Et comment connais-tu si bien cette fille alors que tu l'as à peine rencontrée? Flavien t'en as parlé, c'est cela? Je te connais, derrière la volcanique Zénobie se cache une femme perspicace et fine, froide et calculatrice!Tu as su la manipuler! Pour arriver à mes fins, je me suis servie de ta vanité, de ton goût pour plaire! Pour obtenir ta vengeance , tu t'es servi de la droiture et de la dignité d'Arsinoé! Je dois t'avouer mon admiration, ma chère , tu es mon égale, mon miroir! Ah, je te hais de me ressembler autant, c'est ce qui t'as fait m'aimer, et moi c'est ce qui m'a dégoûté! Malgré toute ta finesse, tu n'as jamais compris que je voulais échapper à tout cela, que j'en étais lassé. Tu as pourtant trouvé quelqu'un qui apprécie ces qualités! Ah on a jamais ce que l'on veut, c'est bien connu!
Adieu, Zénobie, tu ne l'emporteras pas en enfer!
Mail 12 : Zénobie à Flavien :
Vraiment , ce serpent à sonnettes nous a bien fait tournés en rond! Nous voilà au même point, nous quatre, impossible pour nous de sortir de cette impasse amoureuse sans réciprocité satisfaisante!
Adieu, je sais que je t'ai perdu!