Le songe d'une larme

Némri Axèn

    A peine entrer dans le Tram que je prenais depuis plus de deux ans, je retrouvais ce quotidien matinal, des regards vides ou perdus dans des lectures diverses et variées, où aucuns individus n’osaient se dévisager. Comme d’habitude, je m’asseyais dans un des seuls sièges disponibles, et tournais la tête vers la fenêtre pour observer les paysages défilés devant mes yeux, inexpressifs et vides, incapable de savourer la beauté d’une nature se faisant rare à Orléans. Le temps défilait et les stations s’enchaînaient, que dire, il n’y avait rien de spécial dans ce voyage, rien de captivant qui aurait put rompre toute cette monotonie pesante, rien qui aurait put m’aider en sommes.

    Je ne sais pas si c’est son physique ou son air abattu qui a attiré mon attention sur cette jeune femme, mais je ne put m’empêcher de la regarder parler au téléphone, tremblante et au bord de la crise de larme. Elle entra une fois le Tram arrêter et se posa à ma droite, non loin de moi, sur un siège encore libre, toujours au téléphone. Essayant de baisser le ton lors de ces rares paroles pour ne pas attirer trop l’attention sur elle, elle se trouvait presque à chaque fois forcer d’hurler pour être entendu de l’homme au téléphone. Tellement apeurée par la conversation, la jeune femme d’une vingtaine d’année au regard bleu perçant, en oublia même de valider son ticket. Alors que le Tramway redémarrait dans un léger son semblable à celles des cloches, la demoiselle prit la parole en glissant derrière son oreille, une longue mèche blonde d’une main fine et douce, le tout en prononçant avec une petite voix fluette et tremblante une phrase qu’elle ne put s’empêcher de répéter plusieurs fois...

    « - Ne cris pas ! Ne cris pas ! Je suis désolé ! Je suis désolé... »

    Tout semblait être dit pour apaiser le ton sec et énervé du jeune homme, audible même de ma place tellement il parlait, ou criait, fort. Dans ce quotidien, que par sa seule présence, cette jeune femme venait de briser, je ne put m’empêcher d’écouter avec attention cette conversation qui semblait, par déduction, parler d’une rupture où la demoiselle ne semblait pas avoir son mot à dire. Le Tram, depuis que l’étrangère était entrée, semblait avancé moins vite, pour moi comme pour elle, comme si le temps s’arrêtait. Pour elle, car chaque mots prononcer par le jeune homme étaient comme des coups de couteau reçut dans la poitrine, pour moi, car je lisais dans ses yeux à demi inondés de larmes, une tristesse de plus en plus forte, à mes yeux, c’était une sorte de remède contre le quotidien avec cette envie irrésistible d’aller la consoler et de voir l’ébauche de son sourire se dessiner grâce à ses fines lèvres.

    L’inconnue finit par regarder autour d’elle après le hurlement de son compagnon, et comprit que tout le monde, y compris moi, la regardait mais essayer de détourner les regards pour ne pas la gênée davantage. N’arrivant plus à contenir ses larmes, elle sortit en courant du Tram, avec un sanglotement pour seuls mots.

    Je sortais du véhicule, juste derrière la jeune femme en pleure et la suivit doucement jusqu’à un banc qui n’avait pour seul vu qu’une route dont le trafic incessant était assez irritant. Je regardais autour de moi toutes les personnes du quai et nul individu ne prêtait attention à la jeune femme et ce, bien qu’il la voyait et l’entendait pleurer...

    Je ne put me résilier à partir, et la laissée seule, c’est pourquoi je m’avançais vers elle et lui tendit un mouchoir, sortit délicatement d’un paquet dans lequel il manquait déjà un kleenex. Elle m’observa, son regard était magnifique, bien que les traces noires du maquillage et ses yeux rougis par les larmes lui enlever de son charme. Pour seul remerciement, je n’eût qu’un beau et fin sourire, suite à quoi elle le prit et se nettoya. Je la regardait et m’assis à ses côtés, attendant qu’elle ait finit. Après quelques secondes, je me relevais et lui tendit une main pleine d’assurance accompagnée d’un sourire qui se veut rassurant.

    « Madame, je vous invite à vous changer les idées. »

    Après une courte réflexion, elle me la prit, sans doute car j’étais le seul à m’intéresser à elle, et je la menais sur le quai, où on s’assit sur le quai de Loire. Alors, elle commença à ouvrir son cœur et me parla, encore et encore de son histoire, de ce qui la bouleversée, de ces doutes, de ces peurs, de sa peine. D’une oreille attentive, je l’écoutais, hochant la tête, proposant des idées pour qu’elle récupère cet être aimé ou ne parlant simplement que pour la rassurer, avec humour, et sérieux, lorsque la situation le demandait. Elle se croyait perdu, mais comprit au bout de quelques minutes que la vie n’est qu’un torrent de doute et de peine, et que cela finit toujours par aboutir par quelque chose de gaie et de serein.

    Suite à une dernière petite blague qui la fit rire à gorge déployée, je me relevais et l'accompagna jusqu'au quai du Tram, ma route étant la même, cela me permettait de continué ma courte mission et de lui faire oublier sa récente rupture. Je lui dit enfin que je devais partir, elle baissa la tête et la releva soudain en me regardant droit dans les yeux, avec un sourire plein de remerciements et un regard émerveillé pour tout ce que j’avais fait en une dizaine de minutes. Elle me fit la bise avec joie accompagné d'une franche étreinte et eut du mal à décrocher son regard de mon corps qui s’éloignait tandis qu'elle se rasseyait et passait ses mains sur son visage pour commencer à le nettoyer.

Je suis parti par la suite dans une petite ruelle, ne prononçant pas le moindre mot, ne pensant qu’au bienfait que je venais d’accomplir et à son sourire qui valait bien plus à mon égard qu’un milliard d’euro. Une fois la rue franchie, je suis entré dans une petite maison et me suis assis dans le silence le plus complet, observé par quatre autre jeunes personnes qui m'avait salué d'un signe de la tête et d'un fin sourire discret. J'attendais l’arriver d’Henri, un vieil homme plein d’assurance et de bonté, un être en somme, parfait. Une fois entré dans la demeure, il nous posa directement, à moi et aux autres individus de la salle, cette question si importante :

    « Alors? Combien en avez-vous eu? »

    « 3

    - 1

    - 2

    - 1 »

   Je lui dis également ma réponse :

    «2. Y en avait une dans le Tram que je prends d'habitude.. »

    Henri reprit de plus belle, très enthousiaste :

    « Eh bien ma fois, c’est très bien, et encourageant à la fois!

A présent, te sens-tu capable de te débrouiller seul? » Dit-il en me souriant.

    « Oui je pense être capable de cela.

    - Dit moi Brice, reprit-il avec sérieux, tu entames une nouvelle carrière et le poste te plaît. As-tu des suggestions à faire pour améliorer notre travail en pleine croissance? »

   Après un court silence, je commençais :

    « Eh bien... Je pense qu’il faudrait plus de personne dans les Trams ou les transports en commun, il semblerait que la tristesse y règne plus qu’ailleurs. »

    Henri se gratta doucement la barbe et regarda l’assemblé, comme pour demandé des avis.

    « Moi je penses qu’il nous faudrait surtout plus d’informateurs, ainsi nous pourrons voir plus de monde dans le besoin de parler.

    - Oui mais pour ça il faudrait plus d’effectif, le coupa Henri. Et bien que notre emploi s’élargisse, nous sommes encore trop peu à avoir cette envie d’aider... »

    Ophélie releva la tête, ouvrit les yeux, et finit de passer ses mains sur son visage humide pour en chasser les larmes. Elle regarda aux alentours, pensive, puis dirigeât son regard au loin, vers le quai de Loire pour y laisser vagabonder ses pensées et ses questions qui resterons sans nul doute sans réponses : "tout cela s'était il vraiment passer?"

Adrien alias Némri Axèn

Nouvelle pour Court Métrage

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