le sourire du tablier

entrer dans un magasin ici c’est un peu comme retomber en enfance, traverser l’écran de sa bonne vieille cathodique et se faire inviter pour le thé chez les bisounours. les chemises à carreaux en plus. l’amabilité est une règle d’or au canada, de même qu’un sourire permanent fixé sur le visage. quelque soit votre profession: vendeur, caissier, portier, piéton, clochard. ils doivent l’apprendre à l’école: un sourire vous rapportera plus que n’importe quelle formule de politesse. ajoutez une dose de courtoisie digne de la cour de cléopâtre et vous avez une bonne vue d’ensemble des commerçants canadiens.

on rentre dans une grande enseigne de bricolage. devant la porte d’entrée, postée là pour vous accueillir et vous renseigner, une employée nous sourit (jusque là ça reste normal), nous souhaite la bienvenue, comment on va (bon d’accord là en français ça fait bizarre), et si elle peut nous être d’une aide quelconque. en version originale ça donne quelque chose comme: hi, how are you doing, welcome to home depot, how may I help you guys?autant dire que pour nous autres français habitués à au mieux un hochement de tête et au pire … rien du tout si ce n’est un portillon automatique qui ne fonctionne pas et se rabat sur la personne derrière vous avec la violence d’un tsunami japonais (bon, ou d’un ouragan martiniquais pour ne pas choquer). les gens se plient en quatre pour nous servir, courent à droite à gauche, font des recherches google (bing? yahoo?). notre présence ce jour-là était pour le moins étrange pour eux, ils se sont pas mal concertés pour nous renseigner… en vain. allez expliquer à des canadiens habitués aux lingettes à usage unique et anti-ours polaires au possible qu’on est en quête d’eau de chaux (hydroxyde de calcium Ca(OH)²) pour confectionner du liniment oléo-calcaire afin de nettoyer les petites fesses de notre fille. enfin. morts de rire. intéressés par le concept, ils nous regardent quand même avec des yeux tout ronds (en gardant le sourire) quand on explique la fabrication de la chose.

bref on repart bredouilles. la personne qui était postée à l’entrée a changé. on pense que si quelqu’un répond oui à la question may you need some help? le vendeur l’accompagne dans le magasin et est alors remplacé à la vigie par un collègue. ils doivent faire la queue quelque part dans les coulisses, pister quand leur camarade à tablier orange est emmené par un client et courir le remplacer illico. la prochaine fois j’essaierai de mener l’enquête, quitte à me cacher derrière les agglos ou les planche de contre-plaqué de la tête de gondole la plus proche en guise d’affut. ah oui, j’allais oublier cet autre employé posté à la sortie de l’établissement qui vous souhaite une bonne après-midi (ou soirée ou journée selon le contexte) et vous administre une dernière dose de sourires tout droit sortis du coeur (un tantinet corporate management je le crains). en tout cas toute cette gentillesse moi ça me donne des envies de barbapapa et de chamallows grillés je sais pas vous. en rentrant à la maison le soleil était en pleine forme, il avait enfin viré ses copains les nuages et se la pétait haut dans le ciel à inonder de ses rayons brûlants la mousse encore détrempée par la pluie de ce matin. j’en ai donc profité pour jouer avec chiara à chasser les papillons.