le spleen du quinqua
luinel
1.
Je ne me souviens plus des bois au-d’ssus d’Montreuil
Ni des champs d’Saint-Martin
Ni des prés d’Saint-Germain
Pas plus que des citernes près du viaduc d’Arcueil.
C’est enfoui dans l’passé et j’en ai fait mon deuil.
Paris, p’tite ville
Elle était comme les filles
Sauvageonn’, fagotée comme une fée, charmante
Nichée dans les collines
Allongée dans les vignes.
Mais c’est si loin
Si loin
Encore bien plus loin que les années cinquante…
2.
Je ne me souviens plus du chant de l’Alouette
Ni de la Cerisaie
Plantée tout près des quais,
Ni des cailles de la Butte tirées à l’arbalète.
Ces noms n’sont plus qu’des rues, qui trottent dans ma tête.
P’tit piaf, bosquets
Etranges farfadets
Des sentes qui sinuent des chemins qui serpentent
Dans les jardins du roi
Ou les enclos bourgeois.
Mais c’est si loin
Si loin
Encore bien plus loin que les années cinquante…
3.
Je ne me souviens plus du courant de la Bièvre
Ni des sources à Belleville
Ni des ruisseaux d’la ville.
Encore moins des puits, des sceaux d’eau qu’on soulève.
C’est en vain que je cherche et que me vient la fièvre.
Jeux d’eau, jets d’eaux
Glou glou des caniveaux
Et Gargouilles baveuses ou fontaines suintantes
Au carrefour des rues
Même quand il n’a pas plu.
Mais c’est si loin
Si loin
Encore bien plus loin que les années cinquante…
4.
Je ne me souviens plus des traversées à pied
Du Roule jusqu’à Bercy
D’Vaugirard à Saint-D’nis
Ni des petites virées, ni des grandes tournées.
Ma mémoire fait défaut, ma tête est fatiguée.
Moteurs, bagnoles
Et les mille roues folles
Cet’ fureur mécanique, cette marée grondante
Ont tué la vie en ville
Ont tué la vie tranquille
Et c’est pas bien
Pas bien.
Faudrait-il rebrousser loin des années cinquante ?