Le Syndrome de Stockholm

Hélène Benetreau

Elle est condamnée à être cultivée, Jusqu’à ce que meurt sa solitude.

 

L'été et ces beaux jours arrivaient dans la précipitation, désirant vivre et voir le monde à leur tour. Le soleil s'était réveillé avec Marie à l'aube, puis avait pris le trône du monde pour ne faire qu'un avec le Zénith, et rallonger sa puissance vers les cieux. Spectateur d'un désir de pouvoir, Marie s'était entretenue avec son délicieux jardin. Elle y posa, sur la pelouse parfaitement tondue, ces jambes pâles, son arrière treint imposant, si imposant qu'il détruisit plusieurs centaines de petites fourmis, et sa nuque suivit de sa tête penchée vers le haut.                        Le soleil rencontra son corps, se l'accapara, et bientôt, l'engouffra dans sa lumière. Ce n'était qu'une énième victime, ignorante de son sort, et qui ressentait un grand amour pour l'été et ses crimes. Si nous avions cherché plus loin, dans les profondeurs de l'esprit, nous y aurions vus un syndrome, le syndrome de Stockholm. Ah la folie de l'esprit !                                Mais dans l'absolu, il n'en était rien, l'apparence joyeuse du moment en était tout. Il ne fallait se fier qu'au regard et non à ce qu'il signifiait. La joie de l'instant, ais-je affirmé, n'était dût qu'au paysage dépaysant de ce fabuleux jardin. Un vaste et grand terrain où les enfants peuvent s'y aventurer et imaginer toutes sortes d'histoires à dormir debout.                                                Une atmosphère idéale aux rêves qui fuient la réalité.             Propice au bonheur, et confident du malheur, les arbres morts revivaient de leurs cendres, et laissèrent l'impression d'une réelle immortalité. C'est ainsi, que les âmes pourrissantes aimaient à venir, perdant la notion du temps qui les aurait tôt ou tard. Devant un tel pouvoir édénique, il n'y avait qu'une chose à faire pour Marie, procéder à la lecture de Candide.          Candide, un nom qui l'avait déjà beaucoup inspiré, lui rappelant le parfum des jasmins, ou le craquement des groseilles.             En ouvrant le livre, Marie s'était sentie, en premier lieux, incompétente devant des mots qu'elle ne connaissait guerre.   On y parlait de baron, de beauté, de château, et parfois d'une gracieuse Cunégonde. A ce prénom, il n'y avait assurément aucune beauté, si ce n'est qu'un grande paradoxe avec celle qui le portait. C'était un peu comme Marie, et son prénom bienveillant, un grand et immense paradoxe. Il y avait donc, au fond de cette histoire de prénoms contradictoires, quelque chose de tout à fait rationnelle. Seulement, en vus de la beauté de l'instant, qui ne laissait entrevoir aucune importance au sens des choses, nous ne pouvions nous attarder sur une telle affaire.                            

La lecture se poursuivit, lorsque le soleil jouait à cache cache derrière un nuage gris. Si gris, que la fillette avait, une fois de plus, eu du mal à dépasser sa distraction. Fâchée, elle tourna le dos au soleil, avec un de ses regards meurtriers.                             A croire que les arbres étaient terriblement d'accord, ils se réveillèrent en baillant, ce qui fit s'estomper les nuages ennemis. L'enfant était alors seul dans les cieux, et bien obligé d'éclairer à nouveau, le monde dont il avait la charge.                          

L'instant édénique reprit de plus belle, et il avait été question cette fois-ci de voyage dans des pays imaginaires.                         Le plus imaginaire dans tout cela, fut ces sensations qui parvenait jusqu'à la fillette. Au fur et à mesure que l'histoire avancée, elle semblait en osmose avec sa lecture.                          

Quand Candide s'était rendu dans le pays de Paraguay, et qu'il avait dût abandonner sa Cunégonde adorée, Marie s'était rendus au pays de la tristesse et de l'abandon. Quand, une autre fois, il s'était rendu au pays utopique de L'Eldorado, la fillette revint chez son cœur, pour y rencontrer la joie et ses éclats de bonheurs. C'était comme si elle buvait chaque mot inscrit sur ce papier qu'elle prenait pour une vie. Mais à cette vie qu'elle lisait, il n'y avait qu'une succession de malheur. L'histoire paraissait s'engouffrer dans une cacophonie, un bazar absolu. La fillette buvait les mots oui, a-t-elle point qu'elle s'engouffrait, elle aussi, jusqu'à en oublier le jardin. Elle ne vit plus rien, ne fit attention ni à l'acharnement du soleil, ni aux cris désespérés des arbres.     Le jardin était devenu, en un instant, le rendez-vous des males aimés. Les dernières pages se tiraient, les unes après les autres, lentement. Une lenteur rythmée par les respirations atmosphériques de la Terre entière.                                                 Oui, la Terre entière, car le fond du problème n'était pas l'histoire de ce simple jardin et de cette simple fillette.

L'histoire, c'était la fin du livre.

« Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin ».

Et à cette fin, nous pouvions nous demander qui était vraiment ces arbres, ce soleil, ce jardin Édénique, s'ils existaient réellement. A cette interrogation, nous aurions pus répondre que oui, mais qu'il n'y a rien de naturel à un jardin.                      Le plus merveilleux jardin n'est autre que le plus artificiel aussi et la réelle nature n'est pas signe de perfection. Et c'est dans ce genre de paradis, que règne la mort. Et si les hommes aiment leur jardin, et s'ils aiment à y cueillir des jasmins ou des roses, les arracher à leurs vie,  et s'ils aiment à s'assoir sur de merveilleuse fourmis, c'est leur irrationnel amour de la nature qui en est la cause.                                                                           Mais à cet amour de la nature, n'y règne que le culte de la beauté.                                                                                                       Et à la beauté, il n'y a qu'à se demander :

 

 

Elle est condamnée à être cultivée,

Jusqu'à ce que meurt sa solitude.

Et quand viendra la foule,

Et partira l'ignorance,

A la fin,

Ne serons-nous pas dans un monde véritablement laid ?

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