Le Tilleul

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Le Tilleul (texte protégé)

1. La rue


Mme Sandhaus ouvre la fenêtre et l’odeur miellée qui l’a frappé lorsqu’il est entré dans la ruelle emplit soudain la pièce.

— On est juste à la bonne hauteur pour sentir le parfum des fleurs du tilleul.

Il jette un coup d’œil à l’arbre. Un tilleul. Il faudra essayer de s’en souvenir. Il regarde par la fenêtre; elle poursuit sur sa lancée.

— Le quartier est très sympathique. Vous avez remarqué la bibliothèque et le musée ? Ils n’intéressent pas beaucoup de monde.

Il s’arrête un instant au milieu de la pièce. C’est bon, il se sent déjà chez lui. Mais Mme Sandhaus continue la visite guidée.

— Bon, c’est vrai que le musée est vraiment petit : il n’y a que deux pièces. On y expose quelques éventails.

Pendant que Mme Sandhaus babille, il se penche à nouveau par la fenêtre et essaie d’apercevoir la fontaine à travers les branches de l’arbre. Quand il se retourne, il tombe sur son regard étonné. Il regrette d’avoir mis cette veste quelconque et les pantalons beiges qui pendent sur ses genoux. Il lui sourit beaucoup. Il faut toujours être gentil avec sa concierge.


2. Mme Sandhaus


Lorsqu’on arrive par le passage du Montrose dans la rue de Sour, parallèle au boulevard, on tombe sur l’arbre.

Sous les branches, il y a un banc, devant la fontaine; une de ces vieilles fontaines un peu kitsch, mais celle-là taillée dans une belle pierre. L’impasse est peu fréquentée. On y rencontre quelques habitants du coin, surtout des jeunes, ou des personnes âgées en quête d’ombre. En été, une demi-douzaine de vieux messieurs squattent le banc, assis en ligne. On se croirait dans un village italien, ou grec.

Disposés en U, les immeubles de la rue se pressent les uns contre les autres, laissant à peine de la place pour un petit carré de ciel. Mme Sandhaus, la concierge en chef du pâté de maisons, a fait de cette ruelle son territoire. A toute heure de la journée, on la croise dehors, en plein travail d’inspection de la propreté, ou tenant le bras d’une brave dame qui cherche désespérément à se dérober à sa sollicitude bienveillante.

Cette bonne Mme Sandhaus à la beauté élégante et majestueuse — plus italienne qu’allemande — aime cette impasse comme son royaume. Elle y déambule avec une démarche et une confiance qui laissent soudain apparaître sa ressemblance avec Claudia Cardinale. Irène de son petit nom, qu’elle clame à tous vents, est parfaitement capable de vous établir une liste des habitants, et de vous informer précisément sur les horaires de leur bus.

(A suivre)

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