Le Tilleul, suite 3

  Le Tilleul, suite 3 (texte protégé)

5. Georges

« Je suis très heureux d’être à la retraite. Parce que je peux enfin réaliser mon rêve. Car, figurez-vous que j’aspirais à me faire embaucher dans un musée depuis que j’étais gosse. Ah, côtoyer de belles choses... Mais je n’ai pas eu le choix, et j’ai été comptable.Pendant quarante ans, toujours dans la même maison. Alors, comme je gagnais bien ma vie, et que j’ai économisé un solide pécule pour la retraite, dès que j’ai pu, je me suis mis au vert. C’était mon luxe. Je l’avais bien mérité !J’ai offert mes services dans des musées, pour tous les postes a priori inintéressants, le plus souvent comme surveillant de salle. Rien à faire : ils donnaient toujours la place à des étudiants. Je comprends qu’ils avaient davantage besoin d’argent que moi, pourtant je ne demandais quand même pas grand-chose... Quand j’ai vu qu’on cherchait un gardien pour les éventails, j’ai aussitôt expédié ma lettre. Mais sans me faire d’illusions. Vous n’imaginez pas ma tête quand j’ai reçu la convocation à l’entretien !Avec ma femme, nous avons fêté mon engagement au champagne ! »

 6. Irène

« Il était ravi, au début, qu’on lui ait donné ce poste. Ne le lui répétez pas : je sais qu’il n’y avait aucun autre candidat. Il est le seul à être venu visiter. Il avait un sourire émerveillé... C’était touchant.  Je ne lui ai jamais rien dit. Je suis peut-être bavarde, mais pas idiote.

Je l’ai laissé croire qu’on l’avait vraiment choisi. En plus, je suis sûre qu’ils sont contents de son travail. Au début, il fanfaronnait un peu : « L’âge et l’expérience... La maturité des gens qui ont dépassé les illusions et les erreurs de la jeunesse... »

Bah, certains rêves, une fois réalisés, apparaissent moins beaux que l’image à laquelle on s’était accroché. C’est normal qu’il soit un peu déçu. Le musée est minuscule, et les objets ne changent jamais. Il finit sans doute par les fixer sans les voir. »