Le tour de l’éducation

bonsmaux

C’est une sophrologue, sophistiquée de prime abord, mais sobrement sociable et sauf-conduit de ma solennelle soif de société qui me conseilla ce livre qui allait changer ma vie. C’était celui d’un de ses amis, un certain Denis dont j’étais terriblement jaloux. Vous savez, ce genre de type doué en tout qui, dès qu’il s’essaie à une activité nouvelle, la maîtrise rapidement et peut vous décrire toutes les composantes de celle-ci.

Elle, elle s’appelle Sophie. Nous étions très proches, enfants, jouant ensemble avec toute la sagesse qui caractérise, à cet âge, les bambins qui ne pensent à rien d’autre qu’à apprivoiser cet univers autour d’eux, attentifs aux paroles raisonnables de leurs aïeuls, même s’il est vrai qu’ils négligent quelques uns de leurs conseils.

Je me revois souvent, partageant ces instants quand elle venait me retrouver chez moi, dans la cour de récréation, sur le banc du jardin public, auprès de cet aulne jonchant le torrent de notre petit village de montagnes, ou je ne sais encore à quel endroit. Cela m’évoque toujours les heures passées à nous plonger dans les plus nébuleuses discussions autant que dans celles éclatantes, les sujets divers rythmant l’été de notre juvénilité.

Enfin, revenons à ce cher livre qui bouleversa ma vie. Il pesait au moins le poids de cents et dès que je l’achetai, le découragement me gagna. Comment trouver la volonté et le temps pour terminer un tel ouvrage, me demandai-je ? Impossible me disais-je, tu n’auras qu’à le feuilleter lorsque cela te sera plaisant et à la page qu’il te plaira. Tu recouperas peu à peu les différents chapitres de l’histoire et ainsi, tu pourras toujours enrichir tes connaissances et entretenir des conversations sur ce qu’il contient.

Je ne le commençai donc point par le début mais m’aventurai au gré de mes caprices, tel un vaniteux chercheur d’or qui se doute qu’il peut trouver dans une rivière de quoi assouvir ses désirs, sans avoir à sonder tout le cours d’eau depuis sa source jusqu’à son embouchure. Et je découvris effectivement des pépites, me poussant plus à même à continuer inlassablement de le lire. Ainsi, peu à peu, il s’est retrouvé être à mon chevet. Enfin, vous me comprenez, il est devenu mon livre de chevet et ne quitte plus ma table de nuit, illuminant celles-ci.

A un moment, comme j’étais intrigué par la fin, je me suis hasardé au dernier chapitre. J’y ai trouvé des conclusions passionnantes.  L’une d’elle est qu’il sera toujours plus facile de faire évoluer les sciences que les consciences, ou les inconsciences, et qu’il faut tendre vers un idéal, sans l’idéaliser, en sachant s’adapter. J’y ai aussi trouvé la description de moult amants de ma jolie jeune jouvencelle tant convoitée. De toute façon, m’a-t-elle avoué, ceux qui l’aiment sont dans les livres. Parfois malheureusement, ceux qui la détestent itou. Et le plus grand ouvrage qui les rassemble s’appelle l’encyclopédie.

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