12 x et
Etaïnn Zwer
J’ai 26 ans.
Si l’on estime que j’ai commencé les lectures qui comptent à 12 ans, reste 26 - 12, 14, c’est-à-dire, 14 x 12, 168 mois. Sachant que je lis approximativement une petite dizaine d’ouvrages par mois – nouveautés et classiques mêlés – cela fait environ (en intégrant les pics de lectures et les absences, suivant un rééquilibrage mouvant) 1344 livres potentiellement marquants. Et si l’on déduit le nombre de livres « rapiécés » publiés par l’industrie littéraire, autrement dit, que sur 10 lus, peut-être 2 s’avèrent tout à fait extraordinaires, disons qu’il n’en reste que, produit en croix, (1344 x 2) / 10, 268,8. L’aléatoire du 2 permet de réduire, par expérience, à 200 objets louches et lumineux courant à travers un espace-temps de 12 ans. Ajoutons que, selon le contexte changeant de l’individu (âge, nature, mentalité, méandres de l’esprit, actualités, préoccupations, nécessaire jeu socio-professionnel, capacités et sensibilité à mobiliser d’urgence au temps donné -t, etc.), ma préférence varie, d’un livre à l’autre. Il n’y a que des combinaisons, nul Panthéon en ma bibliothèque. Sacrifier à l’obsession du top, qu’il soit 100, 10, 5 ou 1, semble, en considération de cette démonstration forcément sommaire, bien limité. Mais s’il faut s’essayer.
Voilà les livres qui m’ont bousculée, ces douze années.
Little Nemo, Winsor McCay, prolifération de l’inconscient changée en Walking Bed.
Une saison en enfer, Arthur Rimbaud, et il n’y a rien en dire, sinon que je préfèrerai toujours le portrait de Carjat au visage chassé et retrouvé de cette année.
L’insoutenable légèreté de l’être, Milan Kundera, je ne saurais plus dire pourquoi, mais il est là, plein du sable ramené d’un été d’adolescence.
Une prière américaine et autres récits, Jim Morrison, et un rêve noir de peyotl, poésies assemblées d’extases, de routes, de terreur, de possibles amours.
Notre-Dame-des-Fleurs, Jean Genet, prise dans les murailles d’un désir sourd, anachronique, au milieu d’hommes-femmes atrocement beaux, prise dans une langue alourdie, sinueuse.
Mythologies, Roland Barthes, affleurement génial des signes du temps, de la marche trouble du monde.
Rimbaud le fils, Pierre Michon, inventant, en soi, pour soi, la silhouette et la voix inaudibles du garçon poète.
Artistes sans œuvres, Jean-Yves Jouannais, fascinée par cette notion du vide, aporie en forme de traces pleines de trouvailles.
Pinocchio, Winshluss, érotique-tordu-monstre.
Le roi du KO, Harry Crews, parce que son « Knockout Artist » c’est un peu chacun, cogneur vs destin à mille jambes.
Orfi aux Enfers, Dino Buzzati dont le dessin aqueux, les coloris criards à la manière pop et les corps nus de femmes sorcières s’entrechoquent élégamment dans ma mémoire.
I’m still the greatest says Johnny Angelo, Nik Cohn, vision flamboyante d’une sorte d’Elvis/Cash étrange, et riant à la mort.
Et Pierre Louÿs, Henri Michaux, Georges Perec. Et les surréalistes, William S. Burroughs, Jean Baudrillard. Et Robert Crumb, Jean-Luc Nancy, Pierre Senges.
Et,
Et.
Et
Vraiment excellent !! Bravo forme et fond
· Il y a presque 10 ans ·Aloysius Isidore Dambert D'eaucloret
J'ai lu ce texte à la fin. Je comprends tout. Bravo. Chapeau bas jeune femme.
· Il y a plus de 14 ans ·bibine-poivron
Sans avoir lu les livres que tu cites, et en ayant été d'une exemplaire irrégularité quand à ma fréquence de lecture, voici trois livres qui m'ont bousculé
· Il y a plus de 14 ans ·"Narcisse et Goldmun" - Hermann Hesse
... "l'évangile de la colombe" - Oria (édition de l'Osiride)
... le "yi-king" (le livre des transformations) traduit par Richard Wilhelm
...
amouami
J'aime beaucoup l'approche mathématique des souvenirs littéraires ;)
· Il y a plus de 14 ans ·Moi aussi je n'ai lu que Rimbaud parmi les livres cités ...
lull
J'aime beaucoup comment vous exposez vos souvenirs de lecture.
· Il y a plus de 14 ans ·J'ai lu bien peu des livres que vous citez ; peut-être rien qu'un seul... Rimbaud.
madness