le venin 2.0
Lucie Labat
Je me tétanise lorsque je sens le venin pénétrer ma peau.
Il s'infiltre, doucement, tout doucement
Et d'un coup plus vite.
C'est comme tomber dans un vide dont on ressort toujours
Je suis déjà venue auparavant.
Cette aventure-là a un gout amer, des plus reconnaissables.
Un gout qu'on n'oublie pas.
Ce gout est celui d'une vieille maison croulante qui s'effondre
Quand on arrive à la laisser partir
Ou qui résiste à la tempête quand on s'emploie à la protéger,
Bêtement il est vrai.
La maison de notre enfance.
Ce gout est celui d'un môme qui se fêle le genou, et le cœur en même temps,
Sans même crier gare.
Ce gout peut être n'importe quoi et pourtant il est presque tout,
Il nous accompagne partout.
Ce gout est celui d'un passé refoulé, enfoui au plus profond
De moi
Et de toi peut-être
Je ne sais pas pourquoi, je n'ai aucune idée de la raison pour laquelle
On revit cette aventure-là, au gout familier
Alors même qu'on se sent hantée par elle.
Le venin quand il existe est dur à éradiquer.
On a beau s'arracher les cellules et les métastases
Quoi que ce mot veuille dire,
C'est toujours la même aventure.
Et ce même gout plein d'amertume.
« Nous y revoilà ». Il me pénètre encore. Ce venin-là.