Le vieux chêne
Plume De L'ombre
Sous le vieux chêne sommeillait un homme. Rêveur endormi, il ne percevait plus que le bruit du vent traversant le feuillage amoindri de l'Ancien, caressant son écorce raboteuse, fredonnant ce chant d'autrefois. Les quelques oiseaux alentours se joignirent à lui, enjolivant cet air de leurs voix innocentes et mélodieuses.
Devant eux s'étendaient les champs, colorés et abondants, qui descendaient la vallée en une pente lisse et avenante. Leurs fleurs parsemaient le paysage, l'ornaient de leur vive couleur ; la légère brise attisait leur doux parfum qui enivrait n'importe quel passant, même le plus habitué à cet effluve capiteux. Aux pieds de la colline émergeait un lac, brillant tel un diamant sous les rayons ardents du soleil flamboyant. Au loin se dressaient, fières et solitaires, les montagnes dont les pointes blanchies d'une éternelle neige désignaient le majestueux ciel céruléen. Nulle brume, nul nuage ne venait gâter la pureté de son azur par sa grisaille incertaine. C'était un havre de paix, où la nature était maîtresse incontestée, ne laissant rien troubler cette environnante tranquillité.
Une feuille s'échappa soudainement de son origine. Elle tournoya et tomba lentement, avant de se poser délicatement sur la main du songeur. Il la referma, désireux de caresser ses frêles membres. Il n'obtint hélas que son craquèlement. Alors il ouvrit les yeux, sorti de ses rêveries hasardeuses. Et la réalité revint à son tour.
Il revoyait ce même paysage, dont le sablier fatidique avait eu raison. De cette vallée luxuriante ne restait qu'une immense terre désolée, où seuls de rares végétaux périclitant subsistaient. La mare avait été asséchée, pompée par la fraîche industrie postée à quelques lieux de là, et dont les fumées noires et asphyxiantes encrassaient le sol, dissimulaient les cieux. Derrière, la peau flétrie de l'arbre se désagrégeait, le dénudant, laissant sa sève se dérober. Aucun oiseau, aucun être vivant ne vivait plus dans ces contrées.
Le vieillard décolla doucement ses doigts fripés du corps. La feuille, fine lame verte qu'il imaginait, n'était plus qu'un amas de meurtrissures fanées. Mort, le vieux chêne lui avait fait don de son dernier fragment de vie.
Quel texte! J'aime votre manière d'écrire, elle est à la fois humble & intense. La mélancolie qui se dégage du texte est sublimée par les mots parfaitement choisis & la fin qui "accroche". J'ai adoré.
· Il y a plus de 9 ans ·Merci encore pour ce beau moment de lecture.
Bonne continuation.
lunya
Merci :)
· Il y a plus de 9 ans ·Plume De L'ombre
j'aime beaucoup. surtout la fin. :D
· Il y a plus de 9 ans ·leeman