le vieux: Épilogue: le phénix
Christian Gagnon
Je me salue bien bas
Toi
Vieux phénix poussiéreux
Vieux cœur au ventre
T'as voulu le donner
On te l'a rendu
Trop gros
Pas assez dur
En mille miettes
À la mauvaise place
À l'envers et tout chaviré
T'en as fait des bars
T'en as mendié de l'amour
T'es toujours revenu les ventricules vides
Ton coeur
Tu ne le donnes plus tu le partages.
C'est comme le temps
T'en avais trop
T'avais rien à faire avec ça
Tu l'avais perdu depuis longtemps
Tu le retrouves étiré sur un banc
Plus du tout pressé
Allongé dans un café
Juste le goût de se faire froisser
Il te fait la grimace
Tu lui tires la langue
Ça vous amuse
Vous vous partagez
Vous jouez à qui tue l'autre le premier
Vieux loft décapoté
Ton âme a cessé d'étouffer
Ton âme te squatte à volonté
À ciel ouvert.
T'as retrouvé tes quartiers
Ceux de la lune
La blanche
Qui est noire l'autre bord
L'en cloque
Celle dont les eaux crèvent les marées
La ronde
La ronde hostie du Christ collée au palais de la nuit
La lampe de poche de ton père qui est aux cieux
La Dieu est partout
Celle qui poursuit ton Caïn et veille sur ton Abel
Le visage à deux faces
Je me salue bien bas
Toi
Vieille cible encore mobile
Le temps sort son gun
Le chargeur déborde
Il mitraille
Les secondes sifflent
Scalpent, zèbrent
Trouent, plombent
Mordent, mâchent
Le métal rouille dans tes os
La poudre blanchit tout ce qu'elle a roussi
T'en fous
T'es vivant à en mourir
Plus d'anniversaire
Juste la fête.
Vieillir
Tu fais ça depuis que t'es dans le ventre de ta mère
Ça va cesser quand tu vas retourner dedans.
Vieillir
Un voyage
Celui d'Ulysse
À sens unique
Pas d'aller
Juste le retour.
Vieillir
T'en fiches
T'as assez de dents pour que la pomme tu croques dedans