Le Voyage
Antistrophé
Le Voyage
Parfois il m'arrive d'entrapercevoir la porte du voyage, la lueur de l'autre côté m'attire, comme une fleur attire un papillon avide d'air et d'espace. Je m'y avance, les poumons gonflant de vent de liberté, d'espoir, de vie. J'y vais, j'y fonce, attendant victoire et renaissance, perfection et découverte, libération et création.
La poignée touche ma main. Un grincement se fait entendre et la lumière qui m'attirait, moustique à son piège mortel, s'éteint, mais je suis déjà passé. J'avance, j'avance, laissant derrière moi la déchirure du quotidien en quête d'existence. Mais, là, au fond, voila que dans ces noirs ténèbres que j'embrasse scintille d'une lumière inexistante la belle faux de la Grande. Assise sur un rocher brisé.
Du voyage, je ne trouve que porte fermées. Que vision désenchantée… si rapidement. L'espoir se retrouve si vite arraché. Comme de la peau d'un corps en décomposition, une agrippe ; tirer, un coup sec, et ça s'arrache comme des racines de terre mouillée et puante.
Des sourires, des yeux et des cervelles sortent de l'ombre, les premiers pourrissent, les seconds pissent du sang sur la faux et les dernières pompent, elles bougent, respirent, explosent dans une merveilleuse coulée de crachat et d'humidité dégueulasse.
Les genoux putrides cassent et puent une chaleur de décomposition, le pus se répand, rampant, rampant sur le sol imbibé d'insanités dont je m'enveloppe, je respire. Mes yeux se décollent, mon âme s'échappe depuis l'interstice entre mes globes et mes paupières comme fondues et collées au visage. L'horreur et le dégoût me gagnent. La porte de ma liberté, de mon expiation, de ma salvation ne trouve que souffrance et abjection. Rampe comme une larve, enfonçant tes ongles cassés et sanglants dans le sol de ton voyage désiré pour échapper à la Grande.
Elle rigole elle même. Elle rit aux éclats de ta connerie.
Tu ne comprends décidément pas… Le seul moyen d'avoir ce que tu demandes et devant tes yeux, prêt à t'accueillir, toi et ton sang, toi et ton odeur putride, toi et ton cadavre !
Tends lui les bras plutôt que de la fuir. Regarde, il est l'heure. Ta voix se barre, elle te laisse abruti, elle rejoint le soleil noir qui brille dans les yeux de la faux. Regarde ! C'est toi ! Tu es là, ton visage plein de bubons au bord de ta destruction. C'est bien, tu te mets toi même à terre, plus qu'à creuser. Arrache le couvercle de ton tombeau avec tes dents cariées. En somme, la guillotine a toujours été ta condition.
Ma montre est toujours à l'heure.