L'écluse
thebird
L’écluse de la Grange aux Belles
« Ce soir, il fait chaud, malgré une petite bruine qui mouille à peine la chaussée.Il remonte le quai de Valmy jusqu’à l’écluse de la Grange aux Belles. Il s’engage sur la passerelle, en fer et en bois, qui enjambe les deux rives du canal. L’éclusier fait retentir la sirène qui annonce la rotation du pont tournant. Il s’arrête sous les branches d’un marronnier qui surplombe la passerelle. Curieux et intrigué par les manœuvres mécaniques et séculaires qui s’enclenchent, il se penche en avant pour observer l’écluse et le bassin. Il ne veut rien manquer du ballet spectaculaire, mécanique et aquatique, qui commence, en cascades, sous ses yeux. Des barrières, rayées rouge et blanche s’abaissent, pour interdire aux passants l’accès au pont. Au loin, un bateau de croisières, affecté à la promenade des touristes sur les canaux parisiens, s’approche à vitesse réduite, puis ralentit et s’immobilise, attendant que le pont soit entièrement ouvert et bloqué. L’embarcation s’engage dans le sas et fait face à une lourde porte en ferraille oxydée, à l’étanchéité incertaine, d’où suintent des coulées d’eau encore retenues. La porte en aval crisse et se referme lourdement derrière le bateau. L’éclusier ouvre les vannes, déversant un énorme torrent d’eau au bouillonnement verdâtre et à l’écume blanche. L’embarcation flotte, en dodinant, et s’élève progressivement, au fur et à mesure de la poussée verticale de cet ascenseur liquide, surnommée la « bassinée ». Une fois le niveau de l’eau atteint, l’éclusier ferme les vannes et ouvre la porte en amont pour libérer le bateau et sa bande de passagers, joyeux et ravis, qui font crépiter leurs appareils photographiques, pour immortaliser cette brusque et tonitruante, montée des eaux. Il active le pont tournant pour le rendre à nouveau accessible, lève les barrières, ouvrant le passage aux nombreux piétons qui commencent à s’impatienter. »